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Concession de Tahiti-Faa’a : la CCISM ne lâche pas l’affaire

Quelques semaines après l’attribution de la concession de Tahiti-Faa’a au groupe Egis, la CCISM était devant le juge administratif, ce matin, pour faire suspendre puis annuler tout l’appel d’offres. Son avocat dénonce une procédure « asymétrique », et des choix du Haussariat qui ont profité à la filiale de la Caisse des dépôts. Les avocats de l’État ont, eux, dénoncé un « baroud d’honneur » d’une chambre « aigrie » par ce nouvel échec.

Trois heures de discussions, des centaines de pages de documents… Les débats ont été d’une densité rare pour une demande en référé, ce lundi matin, au tribunal administratif. Il faut dire que les enjeux sont là : 40 années de gestion de l’aéroport de Tahiti-Faa’a, principale porte d’entrée et « poumon économique » du fenua, pour une valeur totale estimée à 155 milliards de francs. Pour prétendre à ce juteux marché la CCISM avait formé un consortium avec la société Boyer, intéressée par le plan de rénovation complet de la plateforme, mais aussi avec le fond d’investissement Meridiam et le spécialiste Aéroport Marseille-Provence. Un attelage travaillé pendant trois ans que la chambre jurait gagnant. Il est finalement arrivé troisième sur quatre candidats. Le lauréat : le groupe Egis, filiale de la Caisse des Dépôts, et déjà actionnaire de la société ADT, puisqu’il avait déjà remporté le marché en 2010. Avant que la procédure ne soit annulée.

Egis « favorisé » par les choix de l’État

Très présent sur le front de la communication autour de ce projet ces derniers mois, le président de la chambre est resté silencieux à l’audience hier. Mais son avocat,  spécialement arrivé de métropole, a lui fait feu de tout bois. Gestion hors des clous de l’annulation de 2017, droit d’entrée « irrégulier » exigé par l’Etat – 3,2 milliards de francs à rembourser en début de concession et dans lesquels sont intégrés les investissements réalisés par Egis ces 4 dernières années -, information des candidats, analyse « déficiente » des offres ou grille de notation opaque… Le spécialiste décrit une procédure « asymétrique », dans laquelle la CCISM « n’a pas eu l’occasion de montrer les mérites de son offre ». Et où le candidat sortant – Egis, même si la société devra créer une nouvelle société avec le Pays – aurait été avantagée par les choix de l’État. L’avocat estime notamment que les autorités ont entretenu « le flou le plus complet » sur la nature exacte et le calendrier des travaux à réaliser. Lors de l’analyse des offres, les chantiers très étalés dans le temps de la CCISM ont été beaucoup moins bien reçus que le programme d’Egis, qui prévoit un investissement de plus de 14 milliards de francs dans les cinq première années. Pour la chambre, aucun doute, l’attributaire avait plus d’informations sur les desiderata de l’État que les autres candidats : « C’est comme un marathon dans lequel l’un part lancé, l’autre arrêté », commente l’avocat, qui pointe aussi vers la « nullité » de l’offre d’Egis. La filiale de la Caisse des dépôts n’aurait pas désigné par avance de constructeur pour ses chantiers, alors que certains documents de l’appel d’offres exigeait une « identité ».

La CCISM « mauvaise perdante »

De l’autre côté de la table les arguments, malgré une abondance qui fait souffler le juge, sont repris et disséqués un à un par les avocats d’Egis et du Haut-commissariat. Mais c’est la représentante de l’État, en visioconférence depuis Paris, qui contre-attaque la première. Ce recours à rallonge serait un « baroud d’honneur » pour une CCISM « déçue » et « vexée » de s’être « pris les pieds dans le tapis » et qui ne « comprend pas » pourquoi elle n’a pas été retenue. « Son aigreur la pousse en à remettre en cause les règles du jeu, commente-t-elle. Elles étaient pourtant très claires, les autres les ont tous comprises ». Les groupes Vinci et Edeis, bien rodés à ce genre de marchés, n’auraient d’ailleurs pas formé, à ce jour, de recours. Les débats sont techniques, souvent tendus, et la Chambre comme son avocat sont accusés, pêle-mêle, de « dénaturer » certains propos ou documents, de mettre en avant des moyens « de mauvaise foi » ou de commettre d’importantes « erreurs de droit ». Pour l’État comme Egis, qui parlent d’une seule voix, aucun doute, « il n’y a pas eu de distorsion de concurrence ».

Le juge des référés, qui s’attend à un « certain temps de rédaction » et digestion des débats, ne rendra son ordonnance que jeudi. Il pourra, ou non, prononcer la suspension du contrat avant que l’affaire ne soit analysée au fond par le tribunal administratif. Ce ne sera pas avant plusieurs mois, voire plusieurs années, et rien dans la ligne opiniâtre affichée par la CCISM ne laisse penser qu’elle lâchera en cours de route. Après la première attribution à Egis la procédure devant les tribunaux avait duré 7 ans, et 4 de plus avant de réattribuer la concession. Onze ans pendant lesquels la plateforme de Tahiti-Faa’a, dont tous les rapports pointent des besoins urgents de rénovation, n’avait pas pu profiter de sa « refonte » tant attendue.

 

 

palangrier chinois Anuanuranga
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