EDT-Engie, qui reproche à la Polynésie de ne pas avoir ajusté les tarifs de l’électricité à la hausse de ses charges de concessionnaire, avait chiffré à au moins 2,5 milliards de francs son manque à gagner. Le tribunal a rejeté l’ensemble de ses demandes, jugeant en substance que c’était aux deux contractants de régler ces questions entre eux. Le Pays a d’ailleurs déjà reconnu une dette d’au moins 1,85 milliards de francs, et des discussions plus larges sont en cours.
Pas question de s’immiscer dans les négociations. C’est en somme ce qu’a décidé le tribunal administratif de Papeete ce mardi. EDT l’avait saisi en 2017 pour trancher un différend entre le pays et la société, qui détient, depuis 1960, la concession de la distribution d’électricité de Tahiti. Un contrat qui, malgré des discussions et engagements récurrents, n’a jamais permis d’ajuster automatiquement les tarifs de l’électricité aux charges réelles d’EDT. Or ces charges évoluent : entre 2016 et 2018, par exemple, le bond dans le prix des hydrocarbures ou les redevances payées à la TEP les ont poussées à la hausse. Les tarifs, eux, ont stagné, jusqu’à mars 2019. Raison pour laquelle la filiale du groupe français Engie fait état d’un manque à gagner important : 2,5 milliards de francs en trois ans, d’après l’estimation « basse » de la société. Dans ses demandes subsidiaires, d’autres calculs d’EDT aboutissent même à un chiffrage de plus de 4 milliards de francs.
Les cours du pétrole ne « bouleversent pas » le contrat
Mais pour le tribunal, peu importe le nombre de zéros, seul compte le contrat. Et, comme le rapporteur public avant eux, les juges estiment que le Pays n’a « pas méconnu ses obligations contractuelles ». Et surtout pas celles de l’avenant 17, signé en 2015, et qui n’est pas applicable faute de loi sur la péréquation inter-îles. Certes la justice aurait pu intervenir au titre de « l’imprévision » si elle avait considéré qu’un élément extérieur et imprévisible était venu bouleverser l’équilibre du contrat. Mais pour les juges, qui retiennent aussi que EDT dénonce un manque à gagner mais pas de réelles pertes d’exploitation, la « variation du prix des matières premières » sont des aléas du marché dont « chaque partie est réputée avoir tenu compte (…) avant de s’engager ».
EDT déboutée mais toujours créancière
EDT-Engie est déboutée, donc, mais la décision n’enlève rien au fait que la collectivité – l’usager ou le contribuable, donc – devrait lourdement dédommager la compagnie d’électricité. Les discussions n’ont d’ailleurs jamais vraiment cessé, sur ce point, entre le Pays et son concessionnaire. Dans un avenant signé en février 2019 – le tribunal a choisi de ne pas en tenir compte car il arrivait en cours de procédure – le Pays actait une hausse de tarif pour limiter la casse, et surtout s’engageait à rembourser 1,8 milliards de francs pour la période courant jusqu’au 31 octobre 2018. Un remboursement exigible depuis le 15 août dernier, date à laquelle était attendu un 19e avenant au contrat. La filiale d’Engie pourrait très bien lancer un nouveau recours pour obtenir l’application de cet engagement. Ou attendre la finalisation des négociations avec le Pays pour s’accorder sur une somme totale et un calendrier de paiement.
Négociations cruciales
Si les discussions traînent en longueur, c’est que les enjeux sont bien plus larges que cette question de créance : EDT, dont la concession court pour l’instant jusqu’en 2030, veut faire valider un plan d’investissement important, et beaucoup de questions sont à régler sur l’organisation future du système électrique. La société se limite aujourd’hui à « prendre acte » du jugement et « étudie la possibilité de faire appel ».