Le weekend dernier s’est tenu à Papara un concours de beauté pour filles et garçons de 8 à 11 ans. Un moment festif pour les 10 petits candidats et leurs familles. Seul problème : ce concours s’est déroulé en toute illégalité.
Samedi 7 décembre s’est tenu à Papara le concours de beauté « Hine e Toa » qui mettait en compétition 10 candidats de 8 à 11 ans, 5 filles et 5 garçons. Tenue « recyclable », tenue de ville, tenue de plage et tenue de soirée, les enfants ont fait quatre passages comme dans les concours d’adultes, pour la plus grande fierté des parents. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce genre d’événement est organisé en Polynésie, où des fillettes lourdement maquillées et coiffées, parées de perles et de strass, défilent et prennent la pose comme les adultes.
Ce qu’ignoraient les organisateurs de l’association Orihere, et la mairie de Papara qui a mis à leur disposition son grand chapiteau – et sans mettre en doute la bonne foi des uns et des autres – c’est que les concours de beauté pour enfants de moins de 16 ans sont illégaux. Des dérogations sont possibles pour les 13-16 ans, mais absolument jamais pour les enfants en-dessous de 13 ans.
Une loi de 2014 et un décret de 2015, applicables en Polynésie française
Et ça ne date pas d’hier. Deux textes en particulier visent à préserver « l’intérêt supérieur de l’enfant et sa dignité ». L’article 58 de la loi 2014-873 du 4 août 2014, ou « loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », stipule que « Toute personne qui organise un concours d’enfants de moins de seize ans fondé sur l’apparence doit obtenir l’autorisation préalable du représentant de l’État dans le département. Seuls les concours dont les modalités d’organisation assurent la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa dignité peuvent être autorisés. » L’alinéa 2 précise : « Aucune autorisation n’est accordée si le concours mentionné au I est ouvert à des enfants de moins de treize ans. » Le texte ajoute que les contrevenants s’exposent à une contravention de 5e classe, soit 178 995 Fcfp, multipliés par 2 en cas de récidive.
Le décret d’application 2015-795 du 30 juin 2015 « relatif au régime d’autorisation préalable des concours d’enfants de treize à quinze ans révolus fondés sur l’apparence » stipule quant à lui que l’article 58 de la loi sus-citée est bien applicable en Polynésie française, les autorisations devant être demandées au haut-commissaire. Et bien que ces textes touchent au droit du travail et à la protection de l’enfance, compétences du Pays, celui-ci n’a pas manifesté son opposition devant le Conseil d’État comme il peut le faire s’il estime qu’une loi nationale empiète sur ses compétences.
L’article 4 du décret précise à nouveau qu’un tel concours « ne doit pas être ouvert à des enfants de moins de 13 ans » et qu’enfin les organisateurs doivent disposer d’un casier judiciaire vierge et être assurés au titre de cette activité.
« Contraire à toutes les valeurs éducatives et aux intérêts de l’enfant »
Ce texte avait été évoqué à l’époque dans tous les médias nationaux. Les professionnels de l’enfance se félicitaient que la loi française mette des bornes aux dérives des concours pour enfants comme on peut en voir aux États-Unis. Ils considèrent, comme cette élue de Seine-et-Marne qui avait fait annuler un concours prévu par une mairie, qu’un concours de beauté pour enfants est « contraire à toutes les valeurs éducatives et aux intérêts de l’enfant car il ne repose que sur un jugement physique. »
Interrogés, plusieurs juristes ont confirmé que ce texte rendait illégaux les concours de beauté pour enfants de moins de 13 ans en Polynésie française. À la mairie de Papara, on tombe des nues, car « c’est la 3e élection qui se fait sur Papara. L’association a juste fait la demande de mise à disposition du grand chapiteau pour organiser l’événement. » Quant au responsable du concours au sein de l’association organisatrice, il affirme qu’il n’était pas au courant de ce cadre légal et que personne ne le lui avait encore signalé.