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Contrôle des prix et des marges, « un coup de poignard dans le dos » pour les entrepreneurs

Le Cesec a rendu un avis défavorable au projet de loi du Pays modifiant le code de la concurrence pour autoriser le contrôle des marges et des prix sur des services et des produits, hors PPN et PGC, dès lors qu’ils bénéficient d’exonérations fiscales et douanières. Une nouvelle dérogation à la liberté d’entreprendre, disent les entrepreneurs qui dénoncent aussi la méthode : saisine en urgence, sans consultation avec les acteurs économiques, et sans visibilité sur les arrêtés d’application.

Le Pays veut pouvoir fixer, par arrêté du conseil des ministres, un prix maximal de vente ou la marge maximale sur des services ou des produits qui bénéficient d’exonérations fiscales ou douanières. Le gouvernement estime que l’objectif premier de ces régimes – préserver le pouvoir d’achat des consommateurs ou favoriser le développement économique et social – n’est pas toujours atteint lorsque leur bénéfice est « capté » par des intermédiaires (importateurs, distributeurs, prestataires de services) et non par l’utilisateur final.

Déjà, fin 2022, le Conseil d’État avait rejeté le recours contre le contrôle renforcé des PPN et des PGC, au nom de l’intérêt général. La Fédération générale du commerce avait alors attaqué l’arrêté d’application au tribunal administratif, mais avait été déboutée. Encouragé par cette jurisprudence, le Pays veut donc aller plus loin. En creux, bien sûr, non seulement les marges libres de la grande distribution, ainsi que les produits bénéficiant de la Taxe de développement local (TDL), mais le gouvernement s’est bien gardé de donner des exemples concrets. Le Cesec ne peut que souhaiter que le doigt vengeur du Pays se pointe sur les quatre secteurs les plus inflationnistes en 2023, les produits alimentaires (+0,6%), les boissons non-alcoolisées (+9%), les loyers (+5%) et les services de restauration (+3,8%).

Manque de temps, de concertation, de transparence

Le Cesec se plaint à nouveau d’une saisie en urgence qui n’a laissé le temps que de quatre séances de commission, d’un manque de concertation avec les acteurs économiques – les nombreuses « rencontres » et autres « journées » ne servent à rien, disent les entrepreneurs, « on ne nous écoute pas » – et de l’opacité sur l’application du texte faute de présentation des arrêtés en conseil des ministres qui entend user de son pouvoir « au cas par cas ». Sans parler de risque de chasse aux sorcières, le Cesec s’interroge sur des mesures qui pourraient « entraîner des conséquences significatives sur la rentabilité des entreprises polynésiennes » qui supportent déjà « 48 à 52% de prélèvements obligatoires ».

C’est Christophe Plée de la CPME qui est monté au créneau : « C’est presque un coup de poignard dans le dos ! Le fossé est en train de se creuser entre le monde économique et le gouvernement. » Le texte, dit-il, est « néfaste à l’économie libérale », et fait courir le risque de « la mort de l’entreprise », des licenciements qui s’ensuivraient, voire du « communisme ».

« On ouvre la boite de Pandore », a donc prévenu ce gardien de l’orthodoxie libérale. Et le rapporteur de l’avis du Cesec, Félix Fong, le répète : « on a du mal à travailler sur un texte où il manque des documents, des précisions. » Le Cesec a donc adopté un avis défavorable au projet de loi, par 36 voix. Seuls trois conseillers y étaient favorables, dont Makalio Folituu de l’association de défense des consommateurs Te Tia Ara, et 6 se sont abstenus.

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