Antoine Petit, président-directeur général du Centre national de la recherche scientifique, a signé jeudi une convention cadre pour « aller plus loin dans la collaboration avec le Pays ». Le chercheur estime que le fenua a tout à gagner à attirer davantage d’équipes scientifiques et que les équipes présentes en Polynésie doivent développer un dialogue permanent avec la population.
C’est la première fois que le Pays et le CNRS signent une convention-cadre. Et pourtant le Centre national de la recherche scientifique, structure qui regroupe plus de 1 000 laboratoires, 32 000 collaborateurs et gère plus de 400 milliards de Francs de budget, est présent depuis longtemps au fenua. Au travers de la Maison des sciences de l’homme du Pacifique, créé en 2017 avec l’UPF pour structurer la recherche en sciences sociales, et bien sûr du Criobe, créé dès 1971 et basé à Moorea. Des structures qui collaborent régulièrement avec les autorités locales sur des programmes de recherches porteurs en matière d’emploi ou de protection de l’environnement. « Mais l’objectif de cette convention, c’est vraiment d’aller plus loin dans cette collaboration », explique Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, qui a signé le document jeudi matin avec le président Édouard Fritch.
Le document, dont l’idée a été lancée il y a quelques mois lors d’une rencontre entre le responsable et Tearii Alpha, ne liste pour l’instant que des objectifs. Mais elle prévoit des discussions plus avancées entre le centre national et les autorités sur les sujets de recherche. « D’une certaine façon, c’est au Pays de nous dire quels sont les sujets sur lesquels ils souhaiteraient une coopération avec le CNRS, et si nous sommes en mesure d’apporter un savoir-faire ou des connaissances en la matière, nous les mettrons en œuvre, explique Antoine Petit. Il s’agit vraiment d’une co-construction d’objectifs communs ».
Risques naturels et biotechnologies
Énergie, prévention des risques naturels, utilisation des ressources marines, biotechnologies… De nombreux domaines pourraient être explorés dans le cadre de cette convention de cinq ans. Le Pays a bien sûr voulu insister sur les objectifs de préservation de la biodiversité, mais aussi sur la nécessaire valorisation locale des résultats. « On a, par exemple, commencé une expérience au sein du Criobe, qui consiste à extraire le venin des cônes qui pourrait être utilisé en pharmacologie », précise Antoine Petit. Comme ce programme de recherche sur ces coquillages, d’autres études, menées en coopération avec le Pays, pourraient donner lieu non seulement à des transferts de connaissances, mais aussi « pourquoi pas à la création de start-ups ».
Ne pas être naïf
Autre thématique explorée par la convention, celle de la recherche internationale en Polynésie. Le président Emmanuel Macron l’a dit lors de son passage : le fenua peut attirer des équipes de chercheurs, des programmes à court ou long terme, et ainsi renforcer sa place dans la région par le biais de la science. Le CNRS qui gère une centaine de laboratoires à l’étranger et bénéficie de très nombreux partenariats, avec des instituts de recherche ou des entreprises privées, peut bien sûr aider. Mais là encore, il faudra veiller à la valorisation locale : « La coopération internationale est essentielle en matière de recherche, mais il ne faut pas être naïf : dès qu’on approche des applications, il faut veiller à ce que les recherches bénéficient aussi au territoire où elles ont été effectuées » reprend le PDG du CNRS. Les équipes juridiques du centre, rodées à l’exercice, doivent notamment s’assurer que les accords de propriété intellectuelle respectent le droit et les intérêts polynésiens.
Enfin, cette première convention entre le pays et le CNRS parle aussi du renforcement de l’information scientifique auprès des Polynésiens. Un effort qui va être décuplé par l’ouverture, ce weekend du Fare Natura, musée lié au Criobe et dédié au partage des connaissances sur les écosystèmes polynésiens. « Il est temps aujourd’hui que les gens comprennent pourquoi et en quoi la science permet de mieux comprendre le monde dans lequel on vit, et des phénomènes comme le réchauffement climatique », pointe Antoine Petit. Transmettre l’information, mais pas seulement dans un sens : « il s’agit aussi d’être capable de travailler avec ceux, dans le Pays, qui ont des connaissances qui peuvent être extrêmement importantes ». La « science participative », en somme.
Le document signé jeudi ne débloque pas en lui-même des financements, qui devront être mis sur la table, pour les programmes conjoints, par le CNRS et le Pays. Mais l’accord devrait faciliter la recherche de fonds, auprès de l’État, de l’Union européenne, ou d’organismes internationaux.