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Costa Concordia : les Corses ont-il raison d’avoir peur ?

Le dernier voyage du Concordia a débuté mercredi au Giglio, devant des centaines de curieux et d'habitants de l'île toscane, deux ans et demi après le naufrage du paquebot qui avait fait 32 morts © Reuters

Le dernier voyage du Concordia a débuté mercredi au Giglio, devant des centaines de curieux et d’habitants de l’île toscane, deux ans et demi après le naufrage du paquebot qui avait fait 32 morts © Reuters

COSTA DISCORDIA – Le passage de l’épave, et ses risques de pollution, suscite des tensions avec nos voisins transalpins.

« L’environnement, c’est notre économie. Je ne voudrais pas qu’en une journée, on détruise 30 ans de protection environnementale », s’inquiétait Pierre Ghionga, président de l’Office de l’Environnement Corse, mercredi sur Europe 1. La raison de son inquiétude ? Le dernier voyage du Costa Concordia, ou plutôt de son épave. Le paquebot, dont le naufrage près de l’île italienne de Giglio avait fait 32 morts en janvier 2012, a entamé mercredi un périple de 280 kilomètres vers Gênes. Ce qui le conduira à passer à 25 kilomètres des côtes corses.

Nous sommes « vent debout », fait savoir Pierre Ghionga. Avec le maire de Bastia Gilles Simeoni, il se fait, depuis quelques semaines, le relaie de la fronde de nombreux insulaires et associations environnementales face aux risques de pollution. Une manifestation en mer est même prévue mercredi, au large des côtes de l’île de Beauté. Et la fronde a conduit Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, à monter au créneau, quitte à se brouiller avec son homologue Italien.

>> Les Corses ont-ils raison d’être aussi inquiets ? Eléments de réponse ?

De quoi provoquer une marée noire. En juin, l’armateur Costa avait estimé « possible » qu’il y ait des rejets en mer « de substances ou d’hydrocarbures » pendant le transfert de l’épave. Et ce n’est pas de nature à rassurer la Corse, car l’épave est chargée de polluants en tout genre : 263.000 mètres cubes de liquide pollué, 163 tonnes d’hydrocarbures et de produits huileux, et 12 tonnes de produits toxiques confinés dans des containers scellés, selon le ministère de l’Environnement italien. Une fois à Gènes, « il faudra deux mois et demi pour vider la totalité des 15 réservoirs dotés d’une double coque », estime le Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre). Il ne vaut mieux pas, donc, que tout ce peu gouteux cocktail se déverse en pleine mer pendant le trajet.

 

Le risque de se casser en pleine mer. Le propriétaire du paquebot Costa Croisière a toutefois voulu rassurer les associations environnementales, assurant que les éventuelles fuites n’excéderaient pas ce que répand habituellement tout bateau en Méditerranée. Tout navire est en effet chargé en polluant susceptible de se déverser en mer : détergents, aliments, eaux usées, peintures, huiles minérales. Mais ce que Costa Croisière ne précise pas, c’est que le Concordia, contrairement aux autres, n’est pas assuré d’arriver en un seul morceau.

« Le nouveau risque désormais est celui de le voir se rompre au large de la Corse, là où les courants méditerranéens sont les plus forts », avouait les sauveteurs italien, dans des propos rapportés la semaine dernière par CNN. Le pourcentage de chance que le Concordia arrive à Gênes entier ? « 80% de chance, en étant optimiste », estiment-ils. « Cela fait tout de même 20% de chance que cela se passe mal », s’inquiète ainsi Pierre Ghionga. Greenpeace a également déclaré craindre que « la coque endommagée du paquebot ne supporte pas le voyage et ne se brise, répandant dans la mer un mélange toxique de métaux lourds, huiles, plastiques et autres produits chimiques ».

Une armada de « garde du corps ». Le Costa Concordia ne naviguera toutefois pas seul. En tout, 14 bateaux vont l’accompagner. Au cours du trajet, ces différentes embarcations faisant partie du convoi seront chargées de collecter d’éventuels débris flottants – valises, meubles, vêtements -, de contrôler la qualité des eaux et d’écarter les cétacés, nombreux en cette période de l’année, de l’approche du Concordia. Barrages anti-pétrole et appareils à infra-rouge détectant toute trace d’hydrocarbure à la surface de l’eau la nuit seront également embarqués à bord.

© REUTERS

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Royal envoi quand même le « Jason ». « J’ai envie de dire aux Français qu’à la Méditerranée, nous y tenons autant qu’eux, si ce n’est peut-être plus », a déclaré mardi le ministre italien de l’Environnement, Gian Luca Galletti, assurant que le nécessaire était fait pour limiter la pollution. Vendredi dernier, le ministre italien avait même répliqué sèchement à son homologue Ségolène Royal, qui s’était inquiétée des risques de contamination des eaux françaises : « Je n’accepte pas que quiconque me rappelle à mes devoirs concernant le contrôle de nos mers, car c’est notre première préoccupation ».

Mais malgré les efforts de Rome pour escorter le Concordia, qui ne pénètrera pas les eaux territoriales françaises, Ségolène Royal entend tout de même superviser elle-même la traversée. La ministre française semble, en effet, douter elle aussi des garanties apportées par les Italiens. Elle a donc dépêché un navire anti-pollution de la marine nationale française sur place. Le « Jason », de son petit nom, surveillera ainsi le passage de l’épave au large de la Corse, avec la ministre à son bord.

« Le ministre italien m’a donné les réponses qu’il pouvait, pas davantage », a lâché Ségolène Royal pour se justifier. Et de poursuivre : « je crois que ma présence sur le bâtiment de la Marine nationale, que j’ai dépêché aussitôt connus les risques encourus par les opérations de renflouement et le transfert du Costa Concordia jusqu’à Gênes, mettra de la pression supplémentaire sur les autorités italiennes. »

Pourquoi le Concordia passe-t-il par là ? Une autre question agite également les habitants de l’île de Beauté : pourquoi le bateau va-t-il à Gênes, au risque de polluer le large de la Corse au passage ? En s’arrêtant à Piombino par exemple, un peu plus au sud de Gènes, comme le suggère Pierre Ghionga, le navire se serait ainsi arrêté avant de se rapprocher des côtes corses.

« Le ‘Costa Concordia’ est né à Gênes et mourra à Gênes. La course s’est jouée entre des privés, et les armateurs implantés à Gênes ont gagné », répond pour sa part Luigi Merlo Président de l’Autorité portuaire du port de Gênes. « Piombino manque cruellement d’infrastructures. Le ‘Costa Concordia’ ne peut plus rester sur l’île du Giglio. Il doit partir et on ne pouvait pas attendre que des ports soient prêts à l’accueillir », enchaîne ce dernier dans une interview au journal suisse Le Matin. Et de poursuivre : « c’était trop risqué car le ‘Costa Concordia’ aurait pu être expédié en Turquie, un pays qui ne respecte pas les critères environnementaux de démolition appliqués en Europe ».

Une autre explication réside peut-être aussi dans l’avenir du paquebot. Selon The MediTelegraph, ses matériaux pourraient être reconvertis dans le secteur du bâtiment. Le groupe Duferco, qui dispose d’infrastructure à Gênes, pourrait être chargé de recycler le Costa Concordia.

Source : Europe1

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