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« Coucou les filles ! », ou la mode des jeunes Youtubeuses beauté

Enjoy Phoenix à ses débuts en 2011 et récemment sur la photo de droite. © DR

Enjoy Phoenix à ses débuts en 2011 et récemment sur la photo de droite. © DR

ENQUÊTE – Des jeunes filles, parfois âgées d’une dizaine d’années, publient des vidéos de conseil beauté qui cartonnent sur Youtube.

Pour Noël, Emma a eu un Canon EOS 600D, un Macbook pro, un eye-liner, une revue des One Direction et du vernis bleu métallique. Cassandra, elle, a été moins gâtée. Elle s’est contentée d’une tonne de maquillage et d’une trousse pour l’école. Si je sais tout ça, ce n’est pas parce qu’Emma et Cassandra sont mes petites cousines, mais parce qu’elles l’ont raconté sur leur chaîne YouTube. Ces deux jeunes filles, âgées de 13 ans, sont des Youtubeuses beauté. Il en existe des milliers comme elles sur Internet.

« Coucou les filles ! » Pas une seule vidéo de ces jeunes vidéastes amateurs ne commence sans cette interpellation. Une forme de metacommunication qui marque leur appartenance à cette communauté à laquelle je me suis intéressée. C’est par cette même formule qu’Enjoy Phoenix, une « star » avec ses 700.000 abonnés, a inauguré sa toute première vidéo en mars 2011. La jeune fille est alors âgée de 15 ans. Sur les images, on la voit, d’un air timide et d’un ton peu assuré, présenter son premier « tuto beauté ». Pendant dix minutes, l’adolescente explique à ses fans comment réaliser des boucles avec un lisseur à cheveux.

Voici la première vidéo d’Enjoy Phoenix :

Trois ans plus tard, Enjoy Phoenix publie toujours des vidéos sur Youtube. Le contraste entre l’adolescente timide qu’elle était et la jeune femme qu’elle est devenue est frappant. Oubliés les cheveux châtains et l’air timide. Aujourd’hui, Enjoy Phoenix arbore une longue tignasse blonde et un style de business woman. En trois ans, elle a publié près de 200 vidéos, visionnées 250.000 fois en moyenne. Le compteur de sa chaîne, ouverte sous un pseudonyme, affiche 52 millions de vues.

Enjoy Phoenix à ses débuts en 2011 et récemment sur la photo de droite :

© YOUTUBE

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Ces « conseils beauté trop swag« , d’autres les prodiguent à peine sorties de l’enfance. Comme Mlle Nina, qui a ouvert sa chaîne à l’âge de 10 ans. Après un an, la fillette réalise ses tests produits comme une professionnelle et maîtrise parfaitement le vocabulaire maquillage. Ses « conseils maquillage au collège » frôlent les 500.000 vues.

Mlle Nina présente des pinceaux de maquillage :

Des chiffres qui positionnent Enjoy Phoenix et Mlle Nina à égalité avec leurs comparses américaines. Car cette mode vient tout droit des Etats-Unis. Outre-Atlantique, de nombreux sites beauté proposent depuis plusieurs années déjà des tutoriels pour aider leurs lectrices adolescentes à se maquiller, se coiffer ou même s’habiller. Par mimétisme – et parce qu’il est désormais techniquement facile de le faire – de jeunes Françaises ont lancé leur propre chaîne de tuto. Selon Google trends, la requête « tuto maquillage » a émergé en France dans le courant de l’année 2009.

« L’influence des autres Youtubeuses m’a donné envie de me lancer. Au début, seulement très peu de Françaises faisaient des vidéos beauté et j’ai eu envie de faire partie de cette communauté », raconte Mlle Peachy03, une Youtubeuse âgée de 16 ans. LilouxMakeup, 14 ans, trouve elle aussi son inspiration dans « les vidéos américaines ».

Mlle Peachy03, 16 ans (à gauche) et LilouxMakeup, 14 ans :

© DR

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Les Youtubeuses que j’ai interrogées insistent sur leur sentiment d’appartenance communautaire. Elles peuvent compter sur les encouragements, les compliments et les suggestions de leurs fans.

Une facette de cette activité que Justine Atlan, présidente de l’association E-enfance, voit d’un bon œil. « Ce transfert de compétences, ce partage de conseils entre amis est intéressant. C’est dans l’esprit d’Internet ces échanges d’informations de pair à pair ». Un avis partagé par la maman de LilouxMakeup. « Je trouve cela très positif que les ados partagent des conseils entre elles », abonde-t-elle.

Cet état d’esprit contribue, en partie, au succès des vidéos de Mlle Peachy03. « La plupart du temps, je choisis le thème de mes vidéos en suivant l’avis de mes abonnés, grâce aux réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter. J’ai ainsi une proximité avec les gens qui me suivent, et les vidéos plaisent d’autant plus », constate la Youtubeuse.

Une internaute salue ses Youtubeuses préférées :

Le but est aussi là : plaire à un maximum de personnes et obtenir un maximum d’abonnés.

Certaines jeunes filles finissent par gérer leur chaîne de vidéos comme une petite entreprise. Sur les comptes les plus populaires, elles affichent ainsi sans complexe « contacts pros uniquement (demandes de partenariats et interviews) ».

La présentation de la page Youtube d’Enjoy Phoenix :

© DR

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Attirées par leur audience, les marques n’hésitent pas à les solliciter pour faire de la publicité. « Depuis que mon nombre de vues est devenu conséquent, les sites me contactent pour m’envoyer des produits à tester, et me demandent de donner mon avis par vidéo en échange », raconte Mlle Peachy03 qui précise qu’elle ne touche pas d’argent avec ces partenariats. D’autres Youtubeuses maîtrisent les règles du jeu et n’hésitent pas à contacter directement les marques.

Un exemple de vidéo réalisée dans le cadre d’un partenariat avec la marque Elf :

« C’est une pratique courante qui marche dans les deux sens : les jeunes filles nous contactent pour recevoir et tester nos produits, ou alors, nous leur envoyons. Deux les deux cas, nous vérifions le sérieux de la Youtubeuse, sa passion pour le maquillage, sa régularité. En aucun cas, il est question de rémunération », précise à Europe 1 Victoire Clément, chargée de la communication de Elf, une marque de maquillage low-cost prisée des adolescentes. Soucieuses de montrer leur « indépendance » face aux marques, de nombreuses Youtubeuses précisent d’ailleurs dans leurs vidéos si elles sont rémunérées ou non.

C’est justement cet amateurisme et cette fraîcheur qui aimantent les marques. « Les vidéos des Youtubeuses se distinguent des pubs classiques dans le sens où elles font preuve d’une véritable objectivité. Et cela plaît aux clients », constate Victoire Clément. Opportuniste, Elf intègre d’ailleurs sur sa propre chaîne Youtube les vidéos de ces jeunes modeuses, y compris et d’autant plus si elles sont critiques.

La page Youtube d’Elf qui intègre des vidéos de Youtubeuses :

© DR

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Face à ce phénomène, Béatrice Copper-Royer, pédopsychiatre, pointe le risque « d’un développement du narcissisme à outrance » et la volonté de ces jeunes filles de « cultiver le culte de l’image de soi ». Pour Justine Atlan, présidente de l’association de prévention E-enfance, ce phénomène n’est autre que le signe inquiétant d’une hypersexualisation des fillettes, dont les parents sont en partie responsables. « Il y a une démarche de mise en valeur physique que l’on constate depuis une dizaine d’années. Et les mères sont parfois complices de cette évolution de la société. Elles en font des poupées. On ne laisse plus les petites filles être des petites filles. Cela engendre une perte de repères. Les jeunes filles sont centrées sur leur extériorité et ne cherchent plus à se connaître, à chercher à qui elles sont à l’intérieur » », déplore-t-elle.

Mlle Peachy03 assure bien faire la distinction entre le personnage qu’elle s’est construit dans ses vidéos et « sa vraie vie ». Elle estime ne pas être dans une démarche « malsaine ». « Je ne crois pas que ce soit négatif, dans notre société l’apparence est très importante ». « Mes parents et tous mes proches me soutiennent, mes grands-parents suivent d’ailleurs mes vidéos de près ! », apprécie-t-elle.

La mère de LilouxMakeup dit aussi garder un œil attentif sur les productions de sa fille. « Je l’informe sur le danger que ce genre d’activité. Je lui dis bien de ne pas communiquer son nom, son adresse ou le nom de son collège. Et en parallèle à son activité sur Youtube, j’attends d’elle de bons résultats scolaires », détaille-t-elle.

A un âge où beaucoup de ses camarades ne s’imaginent pas encore d’avenir professionnel, LilouxMakeup a trouvé grâce à « son activité sur Youtube » un projet professionnel, se réjouit sa mère. LilouxMakeup veut devenir journaliste beauté. On l’aurait parié…

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Source : Europe1

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