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Cour d’appel : DJ Fred remix

©P.Bastianaggi

Condamné en novembre 2019, en première instance, à sept ans de prison, pour corruption sur mineurs et enregistrement d’images à caractère pornographique, Wilfred Atapo, plus connu sous le nom de DJ Fred, avait fait appel de la décision. Un appel qui a été jugé ce jeudi et dont le délibéré sera connu le 28 mai.

Petit rappel des faits : Wilfred Atapo, 35 ans, s’infiltrait dans des comptes Facebook de mineurs qu’il utilisait pour rentrer en contact avec d’autres mineurs, principalement des jeunes filles. Une fois le contact établi, il leur soutirait des photos ou vidéos intimes et les faisait ensuite chanter en leur demandant d’autres photos et vidéos dénudées. 77 mineurs âgés de neuf à seize ans ont été victimes de ses agissements et parmi ceux-ci certains lui ont envoyé entre 10 et 500 photos, ainsi que des vidéos. Tous suivant les indications qu’il leur donnait sur leur tenue, parfois nu(e)s ou maquillées, et les positions lascives et suggestives à adopter. Après deux jours de procès il avait été condamné à sept ans de prison ferme avec maintien en détention ainsi que 5 ans de suivi socio-judiciaire avec soins, et inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

Une dent contre les médias

Ce jeudi en appel, c’est par visioconférence en direct de Nuutania que l’ex DJ est apparu aux yeux des magistrats. Un DJ Fred remonté contre les médias à qui il attribue le fait d’avoir été condamné des dizaines de fois. « J’ai fait appel parce que j’ai été condamné au moins une dizaine de fois. Pas par vous, en s’adressant aux magistrats, mais par les médias. J’ai fait des conneries et j’ai été jugé par les médias, et cela a fait mal à ma famille. » Quant à la vraie raison de son appel, « J’ai vu des cas plus graves que moi qui n’ont pris que trois ou quatre ans de prison. Des gens qui avaient agressé sexuellement des mineurs. Moi je ne les ai jamais touchés. »

« Ce que j’ai fait est extrêmement grave.»

« Vos victimes ont été gravement traumatisées, lui rétorque la juge. Vous en pensez quoi ? ». « Quand on est devant un écran, on ne se rend pas bien compte de ce qui se passe derrière » répond l’accusé, poursuivant, « sept ans, c’est trop pour ce que j’ai fait. Pourquoi pas 20 ans ? » « 20 ans, c’est ce que vous encourrez », lui rappelle la juge. « Pourquoi il me faudrait 7 ans pour comprendre ce que j’ai fait ? Mes enfants grandissent sans moi. Il y a plein de choses que j’ai ratées. Je ne pourrais plus refaire les mêmes faits. Je vois les choses autrement maintenant. Je me rends compte que j’ai fait beaucoup de victimes. Ce que j’ai fait est extrêmement grave », insiste-t-il.

« J’ai des doutes sur vos regrets, l’interrompt l’avocate générale, vous dites que ce que vous avez fait est extrêmement grave, mais vous estimez que 7 ans c’est trop. » Et son réquisitoire sera sans pitié, foulant aux pieds les supposés regrets de DJ Fred. Tout d’abord elle dresse la liste des traumatismes qu’ont subi ses victimes, tentatives de suicides, scarifications, etc … « des conséquences majeures sur ces enfants. (…) on est face à quelqu’un qui réfléchit, un manipulateur ! » Et de décortiquer les stratégies d’approche de DJ Fred sur ses victimes. « On est d’abord copains, puis après ce sont du chantage et des menaces. »

Même peine requise qu’en première instance

Le passage le plus prenant a été sans conteste la lecture qu’a faite l’avocate générale des échanges de messages entre le prédateur et l’une de ses victimes, une gamine de 13 ans. DJ Fred voulait qu’elle lui envoie une vidéo d’elle en train de se masturber. Tantôt mielleux, tantôt menaçant, il faisait fi de la détresse de sa victime qui n’arrivait pas à faire ce qu’il voulait. Les messages de sa proie débutaient par des smileys qui pleuraient à chaudes larmes suivis par « Je n’arrive pas à faire ce que tu veux ». « C’est suffisamment éloquent ! assène l’avocate. Il a fait preuve d’une absence totale d’empathie et de considération. » Elle a requis la même peine qu’en première instance, à savoir, sept ans de prison ferme avec maintien en détention ainsi que 5 ans de suivi socio-judiciaire avec soins, et inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.

C’est au tour de la défense de s’exprimer, et celle-ci reprend quasiment la même plaidoirie qu’en première instance. « Cette affaire est symptomatique de la déliquescence émotionnelle sociétale. Les jeunes sont livrés à eux-mêmes sur les réseaux sociaux et sans contrôle parental. Une enfant de 9 ans n’a rien à faire sur FaceBook. Les parents sont démissionnaires. (…) Au début, c’était le challenge de la chasse et après, il s’est pris au jeu. C’est une addiction semblable à celle de l’alcool ou des stupéfiants. Mon client a besoin d’un traitement. Je demande de revoir la peine à la baisse. Sept ans avec un an de sursis. »

Le délibéré sera rendu le 28 mai.

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