Le procès en appel de l’affaire Radio Tefana a été reporté une cinquième fois ce matin. En cause : l’enquête toujours en cours sur les frais de défense d’Oscar Temaru, condamné en première instance à 5 millions de francs d’amende et 6 mois de prison avec sursis. Une procédure différente mais dont les interférences avec ce dossier empêche les juges d’assurer au chef de file du Tavini un procès « serein ».
Et de cinq. Programmé pour la première fois fin 2020, le procès en appel de l’affaire Radio Tefana ne devrait pas se tenir avant le 27 février 2023. En première instance, plusieurs cadres de l’association Te Reo Tefana et de la mairie de Faa’a avaient été condamnés pour le financement public de la radio, considérée par la justice comme un outil de promotion de l’idéologie du Tavini. En tant que tavana, Oscar Temaru avait écopé de 5 millions de francs d’amende et de six mois de prison avec sursis, tandis que la radio elle-même avait été condamnée à payer pas moins de 100 millions de francs d’amende. C’était en septembre 2019. Depuis l’affaire est devenu plus complexe, avec une saisie sur les comptes du maire de Faa’a qui depuis a été annulée, une passe d’armes judiciarisée entre le chef de file indépendantiste et le procureur Hervé Leroy, et surtout une enquête préliminaire sur le financement de la défense d’Oscar Temaru. La justice s’interroge en effet sur la légalité de la « protection fonctionnelle » de 11,6 millions de francs accordée par la mairie de Faa’a à son premier édile.
« Secret de la défense » et « pressions sur les avocats »
En mars les juges d’appel avaient estimé que cette « procédure parasite » empêchait la justice d’offrir au leader bleu ciel un procès équitable. L’enquête n’est pas officiellement close, et les magistrats n’ont pas changé d’avis : le procès n’aura pas lieu avant six mois. « Ce renvoi, nous l’avons demandé, mais la cour l’ordonne presque d’elle-même, note Me Thibault Millet. On a aujourd’hui un parquet qui enquête en plein procès sur les conventions d’honoraire des avocats, qui a appréhendé des documents confidentiels protégés par le secret de la défense, qui contiennent la stratégie de défense d’Oscar Temaru. On ne peut pas juger le procès en appel avec ces interférences, avec cette pression exercée sur les avocats de la défense que nous sommes. C’est ce qu’a dit la cour en mars, et la situation n’a pas changé : des gardes à vue ont eu lieu fin mai, l’enquête n’est pas clôturée. Les mêmes causes entrainant les mêmes effets, elle ordonne le renvoi et cette fois-ci on espère tous que ce sera le dernier ».
Du côté du parquet de Papeete, on estime pourtant que l’audience pourrait se tenir : l’enquête sur les frais de défense d’Oscar Temaru est menée depuis le début d’année, par la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Paris, et, assure le procureur général, ni les informations sur la procédure, ni les pièces saisies, notamment les conventions d’honoraires, ne circulent jusqu’à Tahiti. « Impossible de l’affirmer », répond Thibault Millet, pour qui le parquet de Papeete est « complètement impliqué » dans ces procédures. Pour preuve : le parquet de Papeete a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la chambre de l’instruction d’annuler la saisie pénale sur les comptes du maire de Faa’a.
Demande d’annulation des poursuites
« Les procédures sont liées, appuie l’avocat. On ne peut pas savoir qui voit quoi, qui sait quoi, on n’a aucun contrôle, mais ce qu’on sait c’est que les deux parquets (de Paris et de Papeete, ndr) agissent de concert aujourd’hui. Ce fait-là justifie le renvoi, mais justifiera aussi la demande d’annulation de toute la poursuite lorsque l’instance reprendra. On a déjà déposé des conclusions en ce sens pour ces faits qui sont complètement inédits dans l’histoire judiciaire française ».
Les juges ont un temps évoqué le mois d’avril prochain comme date de report, mais ont finalement préféré éviter, après discussions avec les avocats d’Oscar Temaru, un télescopage avec la période des élections territoriales. L’appel de Radio Tefana devrait se tenir donc quelques semaines avant le scrutin. Ce ne sera probablement pas la fin de l’affaire : Me Stanley Cross, autre avocat du maire de Faa’a, promet déjà, en cas de nouvelle condamnation, un pourvoi en cassation et un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme.