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Cour d’appel : l’avocat général demande la confirmation des condamnations dans l’affaire de la SEP

Depuis mercredi se tient au palais de justice de Papeete le procès en appel de l’affaire dite de la SEP. À l’issue du procès qui s’était tenu en 2022, Karl Meuel, Dominique Auroy et Hubert Haddad avaient été tous trois reconnus coupables de détournement de biens publics, de prise illégale d’intérêts et de faux. L’avocat général a demandé la confirmation des peines prononcées en première instance. Le délibéré sera rendu le 16 mai.

Karl Meuel, Dominique Auroy et Hubert Haddad, tous trois condamnés en novembre 2022 pour détournement de biens publics, de prise illégale d’intérêts et de faux, dans le cadre de l’affaire de la Société Environnement Polynésien (SEP)”, avaient décidé de faire appel de leurs condamnations.

Pour rappel, Karl Meuel avait écopé de cinq ans de prison dont deux avec sursis, de l’interdiction de gérer une entreprise et d’exercer dans la fonction publique, une peine assortie d’une exécution provisoire. Hubert Haddad avait été condamné à quatre ans prison ferme dont deux avec sursis, assortie d’une interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans,  également avec exécution provisoire. Quant à l’homme d’affaires, Dominique Auroy, il avait été condamné à trois ans de prison avec sursis. À noter que Karl Meuel en début d’audience a annoncé qu’il renonçait à faire appel.

À l’origine, un rapport de la Chambre territoriale des comptes

Cette affaire avait été mise au jour en 2009 suite à un rapport de la Chambre territoriale des comptes. Rapport qui épinglait la mauvaise gestion de la SEP par son président, Karl Meuel.

L’enquête ouverte suite au rapport de la CTC avait démontré que Karl Meuel s’était quelque peu servi dans la caisse, ce qu’il avait reconnu en première instance, en se versant des primes et des avances sur salaire ainsi que d’autres avantages comme de se faire financer des « voyages et avantages exagérés sous couvert de frais de mission » et aussi d’utiliser la carte bancaire de la société pour ses dépenses personnelles.  Son salaire, à l’origine de 800 000 Fcfp mensuels, avait atteint 1,3 million de Fcfp sept ans plus tard.

Rétro-commissions et bakchich

En outre, certains contrats publicitaires passés entre la SEP et les dirigeants du groupe 2H, Hubert Haddad et son frère, avaient alerté les magistrats enquêteurs. Ainsi, le montant des contrats passés entre la SEP et le groupe 2H était passé de 10,5 millions de Fcfp en 2000 à 106 millions en 2007 et ce, sans aucune mise en concurrence. Absent du procès pour raison médicale, Hubert Haddad est accusé d’avoir remis d’importantes sommes en espèces à Karl Meuel en échange de l’obtention de contrats au profit de ses sociétés de communication.

Petits arrangements entre amis

Enfin, les enquêteurs avaient relevé que Karl Meuel avait racheté pour le compte de la SEP une chaîne de tri, décrite par des témoins comme « rouillée et hors d’usage » pour un montant de 37 millions à Dominique Auroy. Lequel lui prêtait 15 millions qui seront déposés sur trois comptes de la SEP, pour les renflouer peu de temps après le rapport de la CTC. Un prêt entre « amis » qui cacherait une faveur en échange de l’acquisition par la SEP de la chaine de tri. À noter que le syndicat Fenua Ma, qui a remplacé la SEP, a réclamé en tant que partie civile une centaine de millions de francs de dommages et intérêts.

Confirmation des peines de première instance demandée

« Les affaires politico-financières démarrent souvent par un rapport de la CTC ou par une dénonciation anonyme. C’est un grand classique » assure d’entrée l’avocat général, qui poursuit, « les chefs de prévention sont bien fondés ». Et d’expliquer : « la SEP qui est une société d’économie mixte a une mission de service public et les porteurs de capital et de financement provenaient exclusivement de fonds publics d’où le détournement de fonds publics. » Selon lui Karl Meuel, qui s’est désisté de son appel, se comportait de façon « omnipotente » et la trésorerie de la SEP était exsangue au moment du rapport de la CTC. « C’est incontestable, elle était à bout de souffle jusqu’à que Meuel quitte la direction en 2010. » Il demande la confirmation des condamnations de première instance soit cinq ans de prison dont deux avec sursis et 10 millions d’amende.

« Cette chaîne de tri était obsolète, inefficace et rouillée »

Pour Dominique Auroy, accusé de recel de détournement de fonds publics, là aussi l’avocat général estime que le chef de prévention est bien fondé. « Il a été acté que cette chaîne de tri était obsolète, inefficace et rouillée. » Et quand bien même elle aurait été en état de fonctionner, « au regard de la situation de la SEP en 2007, ce matériel était t-il utile ? » s’interroge l’avocat général. Et d’apporter la réponse : « il n’y avait pas d’intérêt pour la SEP d’acheter ce matériel pour un montant de 37 millions, d’autant que l’on en était seulement au stade de l’étude pour l’installation d’un centre de tri à Raiatea. »

Quant au prêt de 15 millions octroyé par Dominique Auroy à Karl Meuel « qui est à corréler avec l’achat de la chaîne de tri, celui-ci a servi à renflouer les caisses de la SEP peu de temps après la sortie du rapport de la CTC. » L’avocat général demande la confirmation des peines, à savoir 3 ans de prison avec sursis et 10 millions d’amende.

« C’est connu que Haddad fonctionne au bakchich. »

Concernant le volet corruption à savoir les marchés publicitaires passés entre la SEP et le groupe 2H dont Hubert Haddad était à la tête, l’avocat général estime que Karl Meuel bénéficiait des largesses de Hubert Haddad, « des rétrocessions de commissions pouvant aller jusqu’à 50% sur des contrats publicitaires ». Il relève aussi que la mise en concurrence avec d’autres règles publicitaires, « n’existait pas et que les contrats étaient en aucun cas conformes aux usages en vigueur. » Il fera part du témoignage d’un ancien commercial du groupe 2H, dont Hubert Haddad a imité la signature pour parapher certains contrats publicitaires avec la SEP, qui déclarait « C’est connu que Haddad fonctionne au bakchich. » Il demande donc la confirmation des condamnations de première instance, 4 ans de prison dont deux de sursis et 10 millions d’amende.

Un homme d’affaires irréprochable

« Un homme d’affaires irréprochable », c’est ainsi que son avocat présente Dominique Auroy. Concernant le prêt de 15 millions, la défense assure que ce geste était « purement désintéressé, Meuel est un ami très proche de mon client. » Quant à la chaine de tri des déchets, que son client a revendu à la SEP, il nie sa vétusté et affirme qu’il y avait « une société au Gabon qui s’en était portée acquéreur et que l’un de ses représentants avait fait le déplacement en Polynésie. »

Pour lui, pas de doute, « le magistrat instructeur a fait un amalgame de ces faits qui n’ont aucun rapport entre eux (…) L’objectif étant que mon client soit cité dans cette affaire et mis en examen. » Il l’assure, « il n’y a pas d’élément de nature à le condamner. » Il réclame sa relaxe.

« Que reproche-t-on à Hubert Haddad ? »

Pour la défense de Hubert Haddad, son avocate a estimé que ce qu’on lui reprochait était en quelque sorte, « des campagnes de publicité chères et peu efficaces et donc pour certains, il devait bien y avoir des contreparties, forcément.» Pour expliquer les coûts et l’augmentation des dépenses publicitaires de la SEP, elle évoque « la situation de quasi-monopole du groupe 2H.» Pas de concurrence, donc des prix que l’on pouvait fixer librement.

Sur les sommes reversées à Karl Meuel en échange de contrats publicitaires, « il n’y a pas de preuve de remise d’espèces, juste des suppositions, des rumeurs. » Quant aux bakchichs, « c’est dans un autre dossier, celui de l’OPT. Tout ce que l’on nous reproche ce sont des rumeurs alimentées par le dossier de l’OPT. » Pour elle, c’est clair, « on n’a pas eu Haddad dans le dossier OPT, on l’aura dans le dossier de la SEP. » Elle demande la relaxe de son client.

Le délibéré sera rendu le 16 mai.

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