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Covid-19 : les « tests rapides » ne convainquent pas les autorités sanitaires

Le « drive » qui avait été mis en place par l’ILM dès le mois d’avril pour réaliser les prélèvements nasopharyngés permettant de pratiquer des tests PCR. ©C.R.

Les « nouveaux types de tests », plus rapides, plus confortables ou moins coûteux font régulièrement la une de l’actualité. Alors que le fenua prépare sa défense contre une réintroduction du virus, les autorités misent pourtant sur les tests basés sur des prélèvements au fond du nez et de la gorge, tels qu’utilisés depuis le début de la crise. Et ce pour une raison simple : leur fiabilité.

Un long écouvillon poussé au fond du nez et de la gorge, pour récupérer un échantillon de mucus. « Pas vraiment douloureux, mais pas du tout agréable », nous confiait, il y a quelques semaines, un patient qui venait de subir ce prélèvement à l’Institut Louis Malardé (ILM). Ces tests, appelés « PCR », « RT-PCR » ou parfois « tests virologiques », sont ceux qui ont été utilisés en priorité, au fenua comme ailleurs, depuis le début de la crise du coronavirus. Près de 5 000 dépistages de ce type, qui consistent à extraire, répliquer et détecter des traces génétiques du virus, ont ainsi été menés depuis le mois de mars en Polynésie.

Pourtant les tests PCR « naso-pharyngés » ne sont pas dénués de défauts, comme le note le Dr Henri-Pierre Mallet, chargé de la surveillance épidémiologique dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Ils s’appuient sur des machines assez complexes dont seuls l’ILM et le CHPF disposent sur le territoire, rendant l’opération coûteuse (25 000 à 30 000 francs par test, assurait le Pays fin avril)… Et surtout les analyses sont réalisées par série, dans un processus de plusieurs heures, reportant souvent les résultats au lendemain du prélèvement. Mais alors que la réouverture progressive du ciel va faire monter en flèche le risque de réintroduction du virus, les autorités se focalisent sur un critère : celui de la fiabilité. En la matière, ces dépistages peuvent atteindre 95% si le prélèvement en fond de gorge est bien réalisé, et sont efficaces très tôt dans la maladie, deux jours avant l’arrivée des symptômes. Raison pour laquelle ce sont ces tests qui sont demandés aux passagers métropolitains, et plus tard américains, qui souhaitent embarquer vers Tahiti. Et ceux-là, encore, qui seront utilisés lors des contrôles de terrain, sur des cas suspects ou lors d’enquêtes sanitaires dans les mois à venir.

Ces tests PCR sont remboursés par la CPS, mais ne sont pas réalisés sur demande : ils doivent être prescrits par un médecin. Les autorités sanitaires orientent ensuite les patients vers le laboratoire de l’ILM à Paofai.

Tests sanguins : seulement pour « satisfaire la curiosité »

Quelques Polynésiens ont pourtant eu l’occasion de s’essayer à d’autres types de tests ces derniers jours. Le centre de biologie médicale de la clinique Cardella propose par exemple des tests sérologiques de détection du coronavirus. Une prise de sang, qui va permettre de rechercher les anticorps développés – généralement, mais pas systématiquement – par les personnes atteintes par la maladie. 90 à 100% de sensibilité, avec un gros « mais » : le test sanguin n’est réellement fiable qu’à partir du 14e jour après le début des symptômes… Il s’agit donc de savoir si une personne a contracté, par le passé, la Covid-19, pas si elle est contagieuse au moment du test. « Aucun intérêt en matière de veille sanitaire », pointe le Dr Mallet, si ce n’est, au plus long terme, pour évaluer le taux d’immunité de la population, proche de zéro aujourd’hui en Polynésie. Raison pour laquelle ces tests, dont la facture peut grimper à 10 000 francs, ne sont pas remboursés.

Plusieurs société et laboratoires ont développés d’autres tests « rapides » dit « antigéniques », capables de détecter en une quinzaine de minutes des fragments du virus. Ils pèchent, eux aussi, par leur fiabilité (50 à 80% selon le niveau de charge virale) qui les rend difficilement utilisables dans le cadre des contrôles sanitaires.

Tests salivaires : intéressant, mais pas une référence

Le Pays a pourtant communiqué sur l’utilisation de nouveaux « tests salivaires », plus rapides, moins coûteux, et surtout moins inconfortables pour les personnes dépistées. Édouard Fritch avait même parlé d’une commande de 50 000 tests devant l’assemblée. Jacques Raynal avait rectifié le tir quelques jours plus tard, parlant lui d’une « évaluation » qui pourrait aboutir sur l’achat de 10 000 kits de ces tests « EasyCov », développés par un laboratoire français. Cette évaluation est en cours, confirme le Dr Mallet. Il s’agit de la même technique PCR que le test « classique » mais le prélèvement salivaire permet un peu plus de rapidité (une heure pour 24 échantillons), et surtout, une certaine légèreté du dispositif. Les machines – le Pays en aurait déjà acquises quelques-unes – sont facilement utilisables par les personnels de santé, et peuvent être déployées dans des dispensaires et dans les îles. Pratique pour une utilisation « en première intention », avant un prélèvement nasopharyngé de confirmation, pointe l’épidémiologiste. Mais ce test simplifié, pas encore entièrement validé par les autorités nationales et qui pointe à 73% de sensibilité, « ne remplacera pas le test de référence ».

Le Dr Henri-Pierre Mallet, qui a été en charge du bureau de veille sanitaire jusqu’en 2016, puis responsable des collectes de sang, est chargé de la surveillance épidémiologique dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. ©C.R.

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