Si les chiffres des hospitalisations sont toujours aussi vertigineux, ils ne prennent pas en compte les centaines de Polynésiens pris en charge à leur domicile pour des problèmes respiratoires liés au Covid. Plusieurs sociétés et associations tentent de suivre le rythme de ces demandes d’oxygénation, qui permettent d’éviter les urgences ou de libérer plus rapidement des lits d’hôpitaux. Parmi elles, la société Isis Polynésie, qui a reçu plus de 200 concentrateurs d’oxygène dans la semaine.
Dans cette vallée de Mahina, le Covid a déjà traversé les familles plusieurs fois. Un décès était à déplorer l’année dernière dans une maison un peu plus bas, un autre a endeuillé la famille voisine tout récemment. Henriette*, 59 ans, a quant à elle passé de longues journées en soin intensif du Taaone, d’où elle est sortie ce vendredi. Toute la famille, nombreuse et solidaire, est à ses côtés pour accompagner sa réinstallation à la maison, de même qu’une infirmière qui donne des conseils de soins. Mais elle est aussi rejointe par une équipe de Isis Polynésie. Cette société spécialisée dans la santé à domicile lui avait déjà confié une bouteille d’oxygène pour le transport depuis l’hôpital. Cette fois, c’est un concentrateur qu’elle vient installer dans la petite maison en bord de rivière. Comme des centaines de Polynésiens contaminés par le Covid, Henriette n’arrive plus à s’oxygéner normalement.
La demande explose
Ce matériel est depuis quelques semaines au centre de l’activité d’Isis. « Ces derniers jours, on a installé l’équivalent d’un an d’installation, c’est énorme », explique Vaite, responsable technique de l’entreprise. Celle qui gère d’habitude la logistique depuis les bureaux est obligée de prêter main forte sur le terrain et un call center a été mis en place pour répondre aux centaines d’appels : « la demande explose, on s’est adapté, et on travaille maintenant 24 heures sur 24 ». Dans la seule semaine du 16 au 22 août, la plateforme Covid avait compté plus de 200 installations, mais précise que ces chiffres sont sous-estimés et ont continué à augmenter. Pour suivre le rythme des demandes, il faut donc beaucoup de machines, que la société réussit encore, grâce à ses contacts nationaux mais non sans difficulté, à faire venir jusqu’au fenua : 144 concentrateurs étaient déjà arrivés voilà 10 jours, 150 appareils ont suivi mercredi dernier, 48 autres vendredi, des livraisons étaient encore attendues ce weekend… « A chaque fois qu’on a des arrivages, ça ne dure que quelques jours », explique la responsable.
Isis n’est pas le seul prestataire mobilisé sur cette activité désormais vitale pour le fenua. L’Apair-Apurad, grande association qui dispose d’antennes dans de nombreuses communes multiplie aussi les installations, ainsi que d’autres sociétés privées. Même ensemble, ils ont du mal à suivre le flux des prescriptions. Près de la moitié proviennent de l’hôpital, où, avec plus de 400 hospitalisations en fin de semaine, on cherche à faire au plus tôt de la place pour d’autres malades. Les autres patients se voient prescrire leur oxygénation à domicile par leur médecin généraliste, avant que leur cas ne devienne trop grave pour être traité à la maison. « On évite les entrées en urgences, et on aide à libérer des lits », résume Vaite qui décrit un secteur médical « mobilisé jour et nuit ».
Une « denrée rare »
Lors de leurs passages à domicile, la responsable ou ses techniciens prennent soin de d’expliquer le fonctionnement de la machine. Branchée sur le secteur, la petite boite aspire l’air et concentre dans un réservoir l’oxygène qui s’y trouve. Le gaz – environ 92% d’02, contre 21% dans l’air ambiant – est ensuite dispensé à un débit réglable par un petit tuyau. Le patient, suivant sa prescription doit s’alimenter continuellement ou plusieurs heures par jour. Les ordonnances couvrent des durées de une semaine à un mois, « parfois plus ». « On leur explique les consignes de sécurité, parce qu’il s’agit d’oxygène et c’est donc inflammable, reprend Vaite. On leur rappelle aussi que quelque part, c’est une denrée rare, et que donc si le médecin considère qu’il n’y a plus besoin du concentrateur, il faut nous appeler, pour qu’on le récupère rapidement, et qu’on puisse le réinstaller à domicile ».
Les dernières arrivées de concentrateurs récupérés à l’aéroport de Faa’a ont été directement acheminés au CHPF ou installés chez des patients. « Chaque minute compte dans cette course contre la montre » explique la direction d’Isis Polynésie qui dispose aussi d’antennes à Moorea et Raiatea. Des équipes qui multiplient les installations dans des foyers très touchés par le virus et qui ne sont pas épargnées. « On essaie de se protéger un max, avec les masques bien sûr, reprend Vaite. La distanciation et les gestes barrières, c’est parfois plus dur. On tient comme on peut, en espérant que l’épidémie diminuera au plus vite ».