Si plusieurs communes ont, depuis longtemps, créé des centres d’accueil pour les personnes covidées, la mairie de Paea est « allé plus loin », en proposant un centre « médicalisé ». Une initiative largement saluée par les administrés et sur les réseaux sociaux, mais qui a suscité quelques interrogations dans la communauté médicale. L’Arass a diligenté une enquête.
Une douzaine de lits, séparés par des cloisons en bois et fermés par des rideaux. Ce mardi, ils étaient 8 patients sur place, beaucoup équipés d’un concentrateur d’oxygène, et « quatre d’entre eux pourraient sortir d’ici demain ». Depuis près de trois semaines, la salle de spectacle Manu iti de Paea s’est transformée en centre d’accueil des malades du Covid. Une initiative de la mairie devant la multiplication des cas dans la commune, qui ont embouteillé les cabinets médicaux, les structures de soins à domicile, le CHPF, et malheureusement le cimetière. D’autres municipalités avaient déjà ouvert ce genre de centres, encadrés par des agents municipaux ou des organisations religieuses. Mais Paea est allé « plus loin » : en plus de l’hébergement, souvent nécessaire face à des conditions sanitaires difficiles dans les foyers, le centre propose un « suivi médical ». « Ce n’est pas la mairie qui s’en occupe, mais les médecins de chaque patient », précise le tavana Tony Géros, qui, sur Radio1 lundi, précisait que certains de ses administrés préféraient cette solution de proximité à une hospitalisation au CHPF.
« Pas de traitement promu » par la mairie
La mairie a tout de même mis la main à la pâte : des agents municipaux « stationnaires » se chargent de certaines tâches administratives, et à l’intérieur du centre, une équipe de bénévoles a été constituée pour veiller sur les patients et « transmettre régulièrement les constantes aux médecins ». « Parmi eux, il y a des infirmières, des aide-soignantes, mais aussi des secrétaires, des plombiers… les gens qui voulaient bien aider H24 », liste Tony Géros. Constatant « les difficultés de certains médecins à répondre à toutes les demandes », la mairie a même contacté elle-même des praticiens pour intervenir ou prescrire quand les médecins traitants sont « injoignables ». « On a 13 médecins différents, des libéraux de Paea ou d’ailleurs, qui sont passé dans le centre », insiste le tavana, qui précise que « chacun d’eux fait ses prescriptions à ses patients ». L’élu veut être clair : « on ne distribue pas de traitement », les concentrateurs d’oxygène sont attribués « comme ailleurs, sur ordonnance », et les autres médicaments sont « de la responsabilité des médecins traitants ». L’ivermectine, défendue par quelques praticiens, dont des anciens promoteurs de l’hydroxychloroquine, en fait partie, « mais tout le monde n’en prend pas » : « je n’y connais rien, je ne mets pas les doigts là-dedans » précise l’édile.
Enquête en cours
Si Tony Géros veut être clair – et prudent – c’est parce que son centre municipal a fait beaucoup parler ces derniers temps. Souvent en bien : sur les réseaux sociaux l’initiative du tavana a beaucoup été saluée. Aussi parce que le fonctionnement du centre a interpellé certains soignants, y compris ceux qui ont été y voir des patients. L’ordre des médecins aurait même été saisi par l’un d’entre eux sur le respect des normes d’encadrement des malades à la salle Manu iti. L’administration semble aussi avoir été interpellée : ce matin, une équipe de l’Agence de régulation de l’action sanitaire et sociale était sur place. Son directeur, Pierre Frébault, l’assure : il a « de lui-même » déclenché cette enquête et décidé de se rendre « lui-même » sur place « faire des constatations » sur les conditions de prises en charge des patients. « J’ai demandé le concours du médecin-chef de la CPS afin de connaître le suivi médical », explique-t-il. Sur place, ses constatations sont, semble-t-il, plutôt positives : « il y a une organisation avec une intervention effective des médecins traitants, un suivi toutes les heures de l’état des patients », et « aucun décès n’a été constaté par les équipes » sur place contrairement à ce que laissait entendre une « rumeur ». Pour autant, « il y a effectivement des points de tensions qui mériteraient d’être complétés ». Un rapport doit être remis aux autorités du pays et au Conseil de l’ordre dans les jours à venir.
Alternative au domicile mais pas à l’hospitalisation
Parmi les points qui pourraient être soulevés, l’équipement du centre en matériel d’urgence, la qualification des équipes de bénévoles, ou encore l’échange entre les patients de concentrateurs d’oxygène censés être désinfectés et reconditionnés entre chaque attribution… Reste à savoir si ces irrégularités ne sont pas acceptables, temporairement, vu la gravité de la crise. Hani Teriipaia, directrice adjointe de l’Arass, explique que ce genre de centre doit être vu « comme une alternative au domicile et non une alternative à l’hospitalisation ». « Ça offre aux personnes un domicile qui propose des conditions d’hygiène correctes pour qu’ils puissent bénéficier de leurs soins, entourés, sous surveillance, avec une intervention facile de leur médecin », précise l’inspecteur.
La mairie de Faa’a préparerait elle aussi des « actions » allant dans le sens d’accompagnement des malades hors hôpital. Du côté du Pays, on n’a pas encore réagi à ces initiatives. Mais beaucoup de médecins s’inquiètent déjà de la propagation d’une certaine peur de l’hôpital, alimentée par les nombreux appels à l’aide du CHPF de ces dernières semaines. « Quand quelqu’un a besoin d’aller à l’hôpital, et que son médecin lui conseille, il ne faut pas hésiter à y aller », insiste un généraliste.
Obligation vaccinale : l’avis du Conseil d’État avant d’organiser les contrôles
L’Arass devrait commencé à contrôler l’application de la loi sur l’obligation vaccinale à partir du 23 octobre. Soit deux mois après le vote du texte, qui prévoit que seuls les médecins et pharmaciens de l’agence et de la direction de la Santé pourront procéder à des contrôles, notifier les contrevenants, et 31 jours plus tard, demander une sanction de 175 000 francs auprès du président du gouvernement. Interrogé sur l’organisation de ces contrôles, le directeur de l’Arass a expliqué que les employeurs seraient sollicités pour fournir des listes de personnels concernés par l’obligation dans leur entreprise. « Nous ne leur demanderons pas de se substituer à l’Arass pour aller vérifier » l’état des vaccination de ces salariés, qui relève du secret médical, précise Pierre Frébault. Qui ne semble pas pressé d’organiser ces contrôles avec la direction de la Santé. « Vous le savez, la loi est contestée devant le Conseil d’Etat, je ne vais pas anticiper quelque chose alors qu’il y a une décision très attendue ». « On aura de la réactivité le moment venu », assure tout de même le directeur. |