ACTUS LOCALESSANTÉ Covid : « Nous avons énormément de données sur l’efficacité et la sécurité des vaccins » Charlie Réné 2021-01-06 06 Jan 2021 Charlie Réné Développement trop rapide ? « Nouvelle technologie » pas sûre ? Recul pas suffisant ? Alors que les premiers vaccins contre le Covid-19 doivent arriver jeudi soir au fenua, les questions, légitimes, restent nombreuses, au sein de la population polynésienne. Quelques précisions avec le Dr Sabine Henry, responsable du bureau de veille sanitaire de la Direction de la santé. LIRE AUSSI : Cinq questions sur la campagne de vaccination au fenua Le développement des vaccins a-t-il été « trop rapide » ? 30 ans pour mettre au point le vaccin contre le grippe ou contre la varicelle, 10 ans pour celui contre les oreillons, 5 ans pour le premier vaccin contre Ebola… Si l’idée des vaccins ne date pas d’hier – la première inoculation remonte à 1796 – leur développement a toujours exigé des efforts particulièrement longs. Il y a quelques années, on considérait encore qu’il fallait entre 10 à 15 ans entre le début des recherches exploratoires et la mise sur le marché. Et même si ces délais ont eu tendance à se réduire ces dernières années, les vaccins contre la Covid-19 ont explosé des records de rapidité. Moins d’un an pour les produits américains et européens, à peine plus de six mois en Chine ou en Russie, où le processus de certification n’est pas aussi rigoureux ou transparent. Mais ces mises au point ce sont faites « dans un contexte très particulier », explique le Dr Sabine Henry. D’abord les premiers vaccins disponibles – dont le vaccin Pfizer/BioNTech qui va être livré au fenua – fonctionnent suivant de nouveaux mécanismes développés avant la crise. « Des dizaines et des dizaines d’équipes travaillaient déjà sur ces nouvelles plateformes vaccinales parce qu’on était conscient du risque d’émergence de nouvelles maladies infectieuses », rappelle la responsable du bureau de veille sanitaire. À ce tournant scientifique s’ajoute une mobilisation « jamais vue », gravité de la crise sanitaire oblige, de la part des laboratoires (pour les capacités de recherche et de production), des États (pour les financements) comme des citoyens (pour participer aux tests des candidats vaccins). Comme l’ont souligné d’autres spécialistes, le contexte de pandémie a aussi réduit considérablement les temps d’évaluation. Les laboratoires injectent leur vaccin ou des placebos à des sujets volontaires mais, dans le cadre de maladies mal connues et mal traitées, ne peuvent pas toujours inoculer le virus de façon délibérée à ces candidats (les « challenges infectieux » existent mais dans le cadre du Covid posent un problème éthique, souligne l’Inserm). Beaucoup d’études sont suspendues à la contamination « naturelle » d’une partie du groupe pour observer l’efficacité de leur produit. En temps de pandémie, cette contamination est beaucoup plus rapide. Mais pour Sabine Henry, « la première explication sur la rapidité » de développement du vaccin, « c’est que la séquence entière du génome du virus a été disponible en quelques jours ». À partir du 11 janvier, exactement, soit deux jours seulement après l’annonce officielle par la Chine et l’OMS de la découverte du nouveau coronavirus. L’expérience de ce genre de virus (similaire génétiquement au H1N1 ou au Sras) et les avancées technologiques ont permis de gagner plusieurs mois. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/01/VAX-dev-vaccin.wav Les nouveaux « vaccin à ARN » sont-ils sûrs ? Tous les vaccins fonctionnent sur le même principe : simuler une infection pour stimuler le système immunitaire et donc préparer l’organisme à lutter contre un pathogène, en l’occurrence un virus. Mais le vaccin de Pfizer/BioNtech, comme celui de Moderna, n’ont pas recours à un virus inactivé ou atténué, comme cela est le cas de beaucoup de vaccins anciens. Ces nouveaux vacins reposent sur des molécules fabriquées en laboratoire et porteuse d’instructions génétiques. Injectées dans l’organisme, elles vont l’inciter à fabriquer une protéine identique à celle utilisée par le coronavirus pour pénétrer dans nos cellules. Étrangères mais inoffensives, ces protéines, appelée « spikes », déclenchent une production d’anticorps, et donc construisent notre immunité. Si c’est la première fois que cette technologie de « l’ARN messager » est utilisée à grande échelle, elle est étudiée depuis longtemps et avait déjà été testée sur plusieurs milliers de personnes dans le cadre d’autres maladies. Pour le Dr Sabine Henry, elle s’inscrit dans « l’histoire de la vaccination qui dure depuis le XVIIIe siècle » et qui est « un des plus grand succès de la santé publique », avec 2 à 3 millions de vie sauvées chaque année d’après l’OMS. « Au fur et à mesure des années, des progrès ont été faits pour trouver les meilleurs types de vaccins, explique la responsable du bureau de veille sanitaire. Avec les dernières technologies – que ce soit les vecteurs ARN ou les vecteurs viraux – on reproduit au mieux l’infection ». Et on prépare donc plus efficacement l’organisme. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/01/VAX-histoire-et-type-de-vaccin.wav Un des avantages de ces « nouveaux vaccins » : ils ne nécessitent pas d’adjuvants tels que les sels d’aluminium critiqués par le passé car responsables de certains effets secondaires des vaccins « classiques ». Les premiers vaccinés polynésiens seront-ils des « cobayes » ? Les Polynésiens sont très loin d’être les premiers à se voir proposer la vaccination contre le Covid. Dans le monde, près de 16 millions de personnes avaient déjà été vaccinées ce mercredi 6 janvier. Et lorsque la campagne de vaccination commencera au fenua – probablement pas avant la semaine prochaine – ce chiffre aura encore augmenté de plusieurs millions. Le vaccin Pfizer/BioNtech, utilisé aux Etats-Unis et en Europe, représente une part significative de ce chiffre. C’est ce même vaccin qui est utilisé en France depuis une semaine. Environ 20 000 personnes ont déjà reçu une première dose, et le rythme de vaccination, après un départ très lent qui nourrit la polémique, semble être en plein développement. Mais avant même l’autorisation des premiers vaccins, (dès le mois de juillet en Chine, en août en Russie, mi-décembre aux Etats-Unis, et fin décembre eu Europe) plusieurs milliers de personnes avaient reçu des injections dans le cadre de tests rigoureux et très encadrés de ces produits. Après des essais en laboratoire, plusieurs phases d’essais « cliniques » ont été organisés, dont la dernière étape a réuni plusieurs milliers de volontaires. Pfizer et BioNTech ont par exemple vacciné et suivi plus de 40 000 personnes dans le cadre de leurs tests. Y a-t-il assez de recul sur ces essais ? Tous ces tests ont fourni « énormément de données sur la sécurité et l’efficacité des vaccins » reprend le Dr Henry. Selon les résultats obtenus par Pfizer, analysés par différents scientifiques et autorités indépendantes, les deux injections espacées de 21 jours évitent une infection dans 95% des cas. Les effets secondaires, provoquées par la réaction immunitaire de l’organisme plus que par le produit lui-même existent, comme pour tous les vaccins. Lors des tests, environ 60% des volontaires ont décrit une fatigue inhabituelle, des maux de têtes ou des douleurs musculaires dans les heures suivant les injections. Mais les effets secondaires graves ont été très peu nombreux. Le seul risque réel est une réaction allergique, très rare (moins de 1 sur 100 000 patients) et « qui est très bien prise en charge » comme le rappelle la direction de la Santé. « C’est le même type de réaction qu’avec une allergie alimentaire », explique le Dr Dupire, chef de la pharmacie au CHPF. Il pourtant vrai que beaucoup de questions restent en suspens sur ces vaccins, mais elles portent surtout sur la durée et l’entendue de la protection qu’ils offrent. On sait pour l’instant que ces vaccins protègent pour au moins trois mois des formes symptomatiques ou graves de la maladie. La protection au plus long terme est plus incertaine, même si, vu les immunités construites par les patients contaminés par le covid depuis février dernier, il est probable qu’une majorité des vaccinés soient immunisé sur le plus long terme. Le doute existe aussi sur la capacité de ces vaccins à protéger contre des formes asymptomatiques de la maladie, qui sont bégnines mais peuvent participer, dans une certaine mesure, à la circulation du virus. « C’est une protection qui est très difficile à mesurer lors d’essais cliniques », souligne la responsable du bureau de veille sanitaire. Les dernières études portant sur le vaccin Moderna, tout juste autorisé en Europe, sont encourageantes sur ce sujet. Quoi qu’il en soit les vaccins Pfizer ou Moderna rempliront bien leur « premier objectif » : « éviter les formes graves de la maladie et la suractivité des services hospitaliers dans le monde entier ». Les données à venir confirmeront ou non qu’ils permettent d’éteindre la diffusion du virus. Ce qui nécessitera quoiqu’il arrive qu’une partie importante de la population accepte de se faire vacciner. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2021/01/VAX-test-et-certification.wav Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)