L’assemblée va étudier jeudi un nouvel avenant au contrat de redynamisation des sites de défense. Signé en 2016, ce CRSD, qui prévoit des aides de l’État et du Pays à six communes pour reconvertir d’anciens terrains de l’armée, devaient se clore en 2020. Mais entre les difficultés à définir les projets, les lourds travaux de dépollution et le Covid, les chantiers ont plus que tardé. Il s’agit, encore une fois, de prolonger les contrats, jusqu’à la fin 2026, pour éviter que les retardataires, notamment Taiarapu-Est et Faa’a, ne perdent leurs subventions. Les communes y gagneront aussi de la souplesse pour « redéployer » une partie des 2,5 milliards de francs d’aide alloués à leurs projets.
Cette prolongation « c’est la dernière », « on a atteint les limites du système ». Voilà ce que disait, en mai 2022, Dominique Sorain lors de la signature du deuxième avenant du CRSD, qui prolongeait de deux ans ce contrat de redynamisation des sites de défense. Si l’ancien Haut-commissaire voulait être clair, c’est que ce document, signé en 2016 entre l’État, le Pays et six communes de Polynésie, ne devait durer que quatre ans, jusqu’à mi-2020. Un terme déjà prorogé par deux fois, et jusqu’à maintenant fixé à juillet 2024. C’était « l’ultime » délai accordé par l’État pour que les subventions pas encore débloquées ne soient pas perdues par les collectivités. Il sera finalement encore repoussé, avec une modification de date à effet rétroactif. C’est ce que précise un nouvel avenant qui sera présenté jeudi à Tarahoi pour validation, avant une signature prévue en « Copil » le 4 décembre prochain. Dans sa nouvelle version, le CRSD ne sera soldé que le 3 décembre 2026, un peu plus de dix ans après sa signature.
Huit ans d’embuches et de retards
Sur le papier, le principe de contrat était pourtant simple : l’Armée identifiait, comme elle l’a fait ailleurs en France depuis 2008, des sites pas ou mal utilisés, notamment ceux qui avaient été désertés avec la fin du CEP. Aux communes concernées d’imaginer dans ces zones des projets porteurs du point de vue économique ou social, et de les présenter. L’État leur « rétrocédait » alors la propriété pour un euro symbolique. Et surtout, venait soutenir financièrement, avec un complément du Pays, les travaux de reconversion de ces terrains. Quatre ans après la signature – par le président François Hollande lui-même lors d’un déplacement à Papeete – cette belle mécanique paraissait déjà enrayée.
Dès les débuts du contrat, communes et État ont dû faire face à des complications administratives qui ont retardé le transfert effectif des 22 hectares de foncier. Dans le même temps, les communes connaissent de grandes difficultés à élaborer des projets qui n’avaient présenté, à la signature du contrat, que les grandes lignes. D’études en débats, les préciser n’a pas été une mince affaire. Il faut dire que ces terrains, souvent situés au milieu de zones très urbanisées, ont suscité beaucoup d’ambitions : Pirae veut tout simplement un nouveau « cœur de ville » à la place de l’ancien Comsup et du côté de la cité Grand, Arue et Mahina envisagent d’importantes zones d’activité économique sur les grandes parcelles rétrocédées, Faa’a a imaginé un « marché de proximité » près de la résidence Bopp-Dupont, Papeete a programmé une nouvelle marina et un pôle d’activité près de la base navale de Fare Ute… Quant à Taiarapu-Est, bien dotée avec ses trois sites entre le fort, la station ionosphérique de Taravao et l’ancien centre d’instruction nautique de Tautira, elle a annoncé plusieurs projets économiques et touristiques qui peinent toujours à se fixer.
Les élections municipales de 2020, puis la crise Covid, n’ont pas aidé les municipalités à avancer. La réalité des terrains non plus. Les analyses – parfois contradictoires avec les informations transmises par l’État et l’Armée – ont révélé sur plusieurs sites des sols pollués, et des bâtiments chargés en amiante, qui se sont avérés très difficile et très coûteux à détruire. « Le financement initial était insuffisant », a rappelé le gouvernement en commission la semaine passée. Raison pour laquelle, lors du deuxième et du troisième avenants – avalisés par l’assemblée en juin 2022 et novembre 2023 – l’État avait consenti, en plus du prolongement des contrats, une « rallonge » importante. 1,3 milliard de francs débloqués (dont 577 pour la seule commune de Taiarapu qui a eu droit à un avenant spécial) par Paris en plus des 1,2 milliard de francs de concours financiers accordés en 2016 – 716 millions pour l’État et 500 pour le Pays. L’avenant présenté à l’assemblée ce jeudi est donc le quatrième, et là encore, « le dernier », comme l’espèrent tous les parties.
Taiarapu-Est et Faa’a, mauvais élèves
Il reste encore beaucoup à faire sur les ex-sites de défense rétrocédés. Fin septembre, seuls 70% des fonds d’État avaient été engagés, mais seulement 18% avaient réellement été consommés. Soit 466 millions de francs sur les 2,5 milliards de subvention que totalisent les projets. Et tout le monde n’est pas aussi avancé. Faa’a affiche ainsi un taux de consommation de ses 267 millions de francs d’aide de seulement 2,78%, relevant des « problèmes techniques », sur son terrain de 7 000 mètres carrés tout près de la cité Bopp-Dupont, qui doit devenir le marché municipal. Taiarapu ne fait pas beaucoup mieux avec 4,8% de fonds du CRSD consommés fin septembre. Si du mouvement a eu lieu sur le site de l’ancien centre d’instruction de nautique de Tautira – qui a été désamianté et détruit comme l’écrivait Tahiti Infos en juin – l’avenir du fort et de l’ancienne station de Taravao pose encore question.
Mahina, qui doit réaménager 50 000 mètres carrés de l’ancienne zone RSMA, et Pirae, dont l’emprise transférée est en plein cœur de la commune, sont les plus avancées. Si elles ont engagé la totalité des fonds dans des appels à projet, elles n’affichent que 36% d’opérations soldées. Un peu plus que Arue, où la déconstruction des bâtiments de l’ancienne caserne Broche touche à sa fin, disait la semaine dernière la maire Teura Iriti. Ou que Papeete, qui doit lancer d’ici la fin d’année son appel d’offres pour l’aménagement d’une marina de 150 anneaux pour les petits bateaux de plaisance près du pont de Motu Uta. La nouvelle infrastructure pourrait être prête pour la fin 2025, mais l’autre tranche du projet, qui concerne la reconversion de grands espaces de hangars près de la base navale, a été remis à la réflexion, un de ces bâtiments vétustes ayant été prêtés au Pays pour accueillir un centre d’accueil de nuit pour les SDF.
Car en huit ans, la réflexion des mairies a évolué, et certains remettent en cause les plans qui avaient été présentés à l’État et à l’armée lors des transferts de propriété. C’est la raison pour laquelle ce nouvel avenant permet aussi aux communes, avant la fin 2025, de redéployer certains crédits non-engagés pour d’autres projets « structurants », toujours dans l’emprise foncière des terrains transférés. Le haut-commissariat garde la main sur l’instruction des dossiers – avec le Pays sur la partie des subventions qui le concerne – mais les municipalités devraient y gagner en souplesse pour terminer leurs projets. Et ainsi ne pas laisser s’envoler les deux milliards de francs de subvention toujours pas soldés de ces CRSD. La réorientation de certains projets devrait être discutée lors du comité de pilotage du CRSD et de la signature de l’avenant, prévu au Haut-commissariat le 4 décembre.