« Insultants », inutiles, et mal renseignés… Voilà ce que pense Gérald Darmanin des propos tenus par Oscar Temaru à son égard. Le ministre de l’Intérieur invite le leader indépendantiste à « se remettre à la page » et pourquoi pas à le rencontrer. Il souligne la « division » qui existe entre Moetai Brotherson, pour qui il ne tarit pas d’éloges, et le maire de Faa’a, dont les déclarations ne seraient qu’un des symptômes des guerres intestines du parti bleu ciel.
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« Je n’ai pas de leçons de colonialisme à recevoir ». Gérald Darmanin a répondu avec une certaine fermeté aux déclarations d’Oscar Temaru à son sujet. En pleine visite ministérielle, le chef de file indépendantiste, avait pris la parole vendredi matin depuis le siège du Tavini pour dénoncer une fois de plus le refus de l’État d’ouvrir rapidement des négociations sur le « droit sacré » de la Polynésie à son indépendance. Et pour réagir aux déclarations de sortie d’avion du ministre de l’Intérieur, qui préférait parler d’économie ou de réchauffement climatique plutôt que d’indépendance ou d’évolution institutionnelle. « J’aimerais lui dire que si ses parents ou ses grands-parents avaient pensé comme lui, la France serait aujourd’hui allemande », avait lancé en retour Oscar Temaru, alors entouré de plusieurs élus du parti dont Tony Géros.
« D’abord, c’est insultant », réagit Gérald Darmanin, qui rappelle comme souvent son histoire familiale : pendant la deuxième guerre mondiale « mes deux grands-pères étaient de l’autre côté de la Méditerranée et vivaient en Algérie coloniale ». Le premier, Rocco Darmanin, a longtemps été mineur en Tunisie, et le second, Moussa Ouakid, est un Algérien qui a combattu comme tirailleur puis comme résistant en 39-45, faisant plus tard partie des harkis défendant la France pendant la guerre d’Algérie. « M. Temaru se trompe de ministre, il se trompe de guerre, reprend-il. Il y a très longtemps, à mon avis, qu’il ne suit plus la politique française ».
« M. Temaru n’a même pas demandé à me rencontrer, c’est dommage »
Mais surtout, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer suggère que ces déclarations, faites en l’absence de Moetai Brotherson, ne sont que les symptômes des divisions indépendantistes. « Ça n’est pas à moi d’arbitrer les guéguerres intérieures d’un parti qui est le Tavini, lance-t-il. Manifestement, ils sont très divisés entre eux. Chacun le sait ». Pas là, donc pour arbitrer, et encore moins pour apaiser : Gérald Darmanin, qui a loué pendant toute la visite la qualité d’écoute et de proposition de Moetai Brotherson appuie sur ce qui le sépare du chef de file de son propre parti. « C’est marquant, ça, la division qu’il y a entre le président Brotherson que je respecte, qui est élu par les habitants, qui est à la tête de ce gouvernement qui est absolument légitime, avec lequel j’entretiens de très bonnes relations, ce qui était déjà le cas lorsqu’il était parlementaire, et puis, M. Temaru qui n’a même pas demandé à me rencontrer, ce qui est un peu dommage, explique-t-il. M. Fritch au moins a demandé à me rencontrer, et j’ai vu M. Fritch. Donc voilà, j’invite monsieur Temaru d’abord à se remettre à la page et puis peut- être à venir me voir à Paris s’il le souhaite ou quand quand je reviendrai en Polynésie, je le recevrai volontiers ».
« Guerre » réelle ou double discours au Tavini, à voir. Un objectif réunit quoiqu’il arrive Oscar Temaru, Tony Géros et Moetai Brotherson : obtenir le retour de l’État dans les discussions onusiennes sur la décolonisation de la Polynésie. La position de Paris pourrait évoluer dans ce sens en octobre, Gérald Darmanin semble en tout cas y être favorable et d’après lui, ce serait davantage grâce à la « diplomatie douce » du président du Pays qu’aux « insultes » du président du Tavini.
Moetai Brotherson est lui prudemment resté en retrait de ces échanges. Vendredi, le chef du gouvernement précisait seulement, à propos des attaques d’Oscar Temaru contre les maires marquisiens accusés d’être « instrumentalisés par l’État », qu’il se « réservait le droit de ne pas être d’accord avec cette analyse ». Quant à l’opportunité d’une prise de parole du parti pendant une visite à laquelle participait plusieurs élus et ministres de la majorité bleu ciel, elle n’a selon lui rien de surprenant : « Que le président du Tavini tienne ce genre de discours, ça ne m’étonne pas, il a le droit de le faire, c’est la position on va dire classique du Tavini qui estime qu’il n’a pas à recevoir de leçons de l’État, déclarait-t-il depuis Nuku Hiva quelques heures après la conférence. Moi je suis là en tant que président de la Polynésie ».
Les « puissances asiatiques », « une nouvelle forme de colonialisme » en cas d’indépendance Lors de son discours d’inauguration de l’abri de survie et école élémentaire de Kaukura – un bâtiment en fait en utilisation depuis 2021 mais qui correspond au modèle des 22 autres qui sont en ce moment en travaux ou à l’étude aux Tuamotu – le ministre de l’Intérieur a adressé une mise en garde contre l’influence de puissances étrangères qui ne « défendent pas les mêmes valeurs » que la France. Démocratie, liberté d’expression, droit des femmes ou même des enfants… Gérald Darmanin n’a, comme c’est souvent le cas des représentants de la République, pas cité d’état en particulier, mais la Chine, qui a déjà eu un grand projet aux Tuamotu au travers de la ferme aquacole de Hao, est bien sûr dans le viseur. Comme d’ailleurs le discours indépendantiste. « Moi, je dis à ceux qui parfois ont l’idée de l’indépendance, s’ils devaient être indépendants, puisqu’ils ne peuvent pas financer leur développement économique, qui viendrait être une sorte de prédateur, comme on le voit, par exemple, autour des îles de la Nouvelle-Calédonie ? », interroge le ministre. »Ce serait évidemment une autre forme de colonialisme, celle que, justement, veut rejeter une partie de la population et de la classe politique indépendantiste. Moi, j’encourage chacun à voir ce qu’apporte la France. Pendant le Covid, il valait mieux être Polynésien, Français, qu’habiter une autre île du Pacifique. Les écoles qu’on a inaugurées tout à l’heure, j’aurais aimé avoir une école comme ça à Tourcoing dans ma commune. La République montre qu’elle s’occupe tous ses enfants, y compris dans un atoll de 495 habitants. S’il y a un problème de cyclone, la France sera là, les militaires français seront là. Dès que les élections sont libres et disputées, on peut imprimer ce qu’on veut. Si la France n’était plus là, imaginons ce que ce serait ». |