ACTUS LOCALESPOLITIQUE Darmanin pour des compétences internationales étendues et pour la fin de la « chaise vide » à l’ONU Charlie Réné 2023-08-20 20 Août 2023 Charlie Réné Gérald Darmanin, qui vient de quitter le fenua après quatre jours de visite, doit rencontrer mardi Emmanuel Macron pour faire le point sur les dossiers polynésiens. Le ministre de l’Intérieur plaide déjà pour donner à la Polynésie la possibilité de « signer des accords commerciaux et culturels sans passer par la diplomatie française », et se dit prêt à aller défendre la position de la France dans le dossier polynésien devant le comité de décolonisation de l’ONU. Deux sujets sur lesquels l’Élysée reste toutefois décisionnaire. Organisation des Jeux, sécurité, bien sûr, grands projets des Marquises, changement climatiques ou agriculture… Gérald Darmanin a balayé large durant sa visite de quatre jours au fenua, qui s’est achevée dans la nuit de samedi à dimanche. Si plusieurs élus et responsables institutionnels ont interpellé publiquement le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer sur certains dossiers ou demandes de financement, d’autres discussions se sont faites à l’abri des caméras et micros. Notamment avec Moetai Brotherson, loué par le responsable parisien pour sa démarche constructive. Le président du Pays a une fois de plus avancé ses pions en matière d’évolution statutaire de la Polynésie et de discussions sur la décolonisation, deux points fondamentaux du programme qu’il a défendu, avec le Tavini, pendant la campagne des territoriales. « Il y a encore du travail avant de demander d’autres compétences » – Gérald Darmanin Le chef du gouvernement l’a déjà dit : il voudrait que soit introduite dans la loi organique l’élection du président du Pays au suffrage universel direct, la notion de citoyenneté polynésienne, créatrice de droit en matière d’emploi ou de foncier… les indépendantistes plaident de façon générale pour une extension des compétences du Pays. Sur cette révision globale, Gérald Darmanin, comme il l’avait fait dès son arrivée à Tahiti-Faa’a, renvoie vers le président de la République, qui seul peut décider « d’engager des réformes constitutionnelles ». Le locataire de la place Beauvau, à qui beaucoup prêtent pourtant des ambitions pour 2026, ne voudrait pas « s’élever au- dessus de sa condition de ministre ». Mais il écarte tout de même en partie l’idée en renvoyant d’avance le Pays à ses compétences actuelles, pas entièrement exercées d’après lui. « La culture, l’agriculture, l’économie. Il n’y a pas une compétence de la Polynésie où l’État français ne met pas de l’argent, rappelle-t-il. Quand on ne finance que 35 % de sa propre alimentation, alors qu’on a des terres, alors qu’on a des agriculteurs, on se dit qu’il y a encore du travail avant de demander d’autres compétences. » Militaire et stratégique pour la France, commerce et culture pour la Polynésie Une des demandes du gouvernement local, toutefois, parait avoir le soutien de Gérald Darmanin : l’extension des attributions internationales du Pays. Alors que des dents grincent depuis longtemps au Quai d’Orsay sur l’action régionale de la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie, le ministre de l’Intérieur a lui salué de façon très audible l’initiative de Moetai Brotherson d’inviter les chefs d’État du Pacifique à assister à l’épreuve de surf des Jeux Olympiques à Teahupo’o. Le membre du gouvernement central parle même d’une « erreur » de certains responsables parisiens au sujet du conflit de compétence diplomatique. « Je pense qu’il est normal que les représentants de la Polynésie française, de la Calédonie, quel que soit d’ailleurs leur bord politique, puissent, dans leur environnement régional, le Pacifique, avoir des relations avec leurs états frères sans avoir à demander l’avis à la diplomatie française, explique-t-il. Que l’on informe la France, c’est tout à fait normal et classique. Mais là, je vois qu’il y a peut- être des évolutions à donner ». L’idée, déjà développée en Calédonie, serait que « le président du gouvernement puisse signer des accords commerciaux, signer des accords culturels, sans passer par la diplomatie française, mais en l’informant, en gardant pour la diplomatie française des accords militaires et stratégiques ». « Je pense qu’on peut distinguer les deux sans remettre en cause l’unité de la République, reprend Gérald Darmanin. Je pense qu’il faut faire pareil pour la Polynésie ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/08/DARMANIN-INTERNATIONAL-1-competences-regionales.wav Emmanuel Macron, suggère-t-il, serait du même avis, puisqu’il a montré la voie en « amenant avec lui le président Brotherson et le président Mapou au Vanuatu et en Papouasie », une première. « C’est un signe de respect envers les dirigeants polynésiens et calédoniens. Et je le dis si c’était un homme indépendantiste qui était en responsabilité, je trouverais ça normal. Ce n’est pas Paris qui peut savoir ce qui est bien avec les Fidji ou avec le Vanuatu ». « Pas peur » de l’ONU Moetai Brotherson, sans surprise, a aussi interrogé le représentant de Paris sur la position de la France à l’ONU. Depuis la réinscription de la Polynésie sur la liste des territoires non-autonomes, en 2013, l’État refuse de participer aux discussions du comité de décolonisationn. Et le Tavini a comme objectif premier de pousser Paris à reprendre ce que le parti considère comme des « négociations » dans ce cadre onusien. Sur ce sujet, « je suis très à l’écoute du président Brotherson avec qui, encore une fois, je m’entends bien », rappelle Gérald Darmanin, qui s’est lui même rendu en mai à New York pour défendre la position française sur le dossier calédonien, dans lequel l’État est, au contraire, actif. Là encore, c’est l’Élysée qui est aux manettes, et le ministre ne peut promettre que d’obtenir, lors de son entrevue avec Emmanuel Macron de mardi, des précisions « sur la position de la France lors du C24 en octobre prochain ». Mais lui semble en tout cas prêt à assumer la politique de l’État devant les représentants internationaux. « Je me rendrai, si le président de la République le souhaite, à New York comme je l’ai déjà fait, non pas pour négocier, on n’a pas à négocier avec une organisation internationale, mais pour montrer tout ce que fait la France, dit-il. Encore une fois, comme en Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes sont en responsabilité politique, ils ont des partis politiques, ils ont des organes d’expression. Il n’y a plus d’action d’autorité contre une population qu’on respecte profondément, on respecte la langue polynésienne, la culture polynésienne, l’éducation à la polynésienne… On verra ce que dira le président de la République. Ce n’est pas un tabou, en tout cas, c’est ce que j’ai dit au président Brotherson. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/08/DARMANIN-INTERNATIONAL-2-Onu.wav Bientôt la fin de la politique de la chaise vide ? Gérald Darmanin semble l’amorcer, tout en se mettant en avant sur ce dossier très régalien. Sur TNTV et Polynésie la 1ère, samedi soir,il a reconnu qu’il « pouvait y avoir dans l’attitude de la France dans les années précédentes une forme de ce qui a pu apparaître comme du mépris, ce n’est pas le cas ». Et répété qu’il n’avait pas « peur » de défendre la position de la France devant l’ONU sur le dossier de la Polynésie, un pays, dit-il, qu’il « n’y a pas à décoloniser » : « c’est aujourd’hui les Polynésiens qui dirigent la Polynésie française ». Le ministre de l’Intérieur précise au passage que, si la position française à l’ONU évoluait en octobre, elle serait à mettre au crédit de la « diplomatie douce » de M. Brotherson plus qu’aux « insultes de M. Temaru ». 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