Les habitants des Hauts de Tira qui avaient pris à partie des mutoi en caillassant leur voiture lors d’une interpellation « trop musclée » à leur goût, ont été condamnés à des peines allant de deux à six mois de prison avec sursis. Sur les quatorze prévenus, quatre ont été relaxés.
Le 25 septembre 2021, en pleine période de confinement et donc d’interdiction de rassemblement , les mutoi de Papeete étaient appelés pour un tapage nocturne sur fond d’alcool sur les hauteurs de la Mission, aux « Hauts de Tira ». Jusque là rien d’extraordinaire, c’est plutôt banal et monnaie courante dans ce lotissement. Ce qui l’est moins, c’est la suite des événements qui ont fait le tour des réseaux sociaux et aussi des médias. Et pour cause.
Arrivés sur place, les mutoi tombent sur une véritable bacchanale qui se déroule dans le lotissement. Une cinquantaine d’individus, pour la plupart ivres, fêtent un anniversaire à grand renfort de musique et d’alcool. Bières, whisky coulent à volonté. Si dans un premier temps, à la vue des mutoi beaucoup s’éparpillent, certains restent et notamment un, qui aux dires des policiers, commence à s’en prendre à eux, en refusant de rentrer chez lui, indiquant qu’il voulait finir sa bière d’abord. Le ton monte, les insultes comment à fuser, et les policiers municipaux décident d’interpeller le récalcitrant.
Ils tentent de le « taser » à plusieurs reprises
Mais l’interpellation jugée « musclée » par le voisinage, ne se passe pas sans heurt. L’homme, une trentaine d’années, est taillé dans un bloc et arbore des pectoraux semblables à des airbags. Pas un freluquet. Les mutoi sont obligés de se mettre à trois sur lui pour le maîtriser et l’un d’entre eux tente de le « taser » à plusieurs reprises, sans succès. Et il semblerait que ce soit l’usage du pistolet à impulsion électrique qui a déclenché la colère de la foule, et aussi, selon certains, l’attitude des mutoi qui se seraient montrés agressifs dès le début de l’intervention.
Quoiqu’il en soit, au moment de partir, le véhicule de la police municipale a été bloqué par des jeunes très remontés qui ont commencé à donner des coups de pieds et de poings dans la voiture, puis des jets de pierres venus d’un peu partout se sont abattus sur le véhicule, l’endommageant sérieusement. Un des véhicules de la DSP, appelé en renfort, a lui aussi été endommagé. La vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux montre bien le déchaînement de colère dont on été victimes les forces de l’ordre. On y voit nettement le véhicule de police se faire mitrailler de pierres et d’un tas d’autres objets contondants, et certains taper à grands coups de poings sur le véhicule, dans un brouhaha où se mêlent cris hystériques et insultes. L’un des prévenus avouera même avoir été chercher une poêle à frire pour taper sur la voiture.
Si ce type d’agression sur les forces de l’ordre fait souvent la une des médias en métropole, en Polynésie, ce n’est pas le cas. D’où l’émoi provoqué par ce fait divers. Si les zones de non droit n’existent pas à Tahiti, le point commun avec les cités dites difficiles en métropole , c’est ce sentiment d’appartenance à une tribu, à un quartier. « C’est chez nous ici » revenait souvent dans les propos, le juge avait beau leur expliquer que la voie publique ne leur appartenait pas et que seul leur logement leur appartenaient, ils n’avaient pas l’air convaincus.
Alcool et effet de groupe
Ce mardi, 14 prévenus dont une femme, entre 19 et 34 ans, étaient jugés pour ces faits. Cheveux décolorés et colorés style « no futur », démarches et paroles traînantes, c’est un véritable panel de la jeunesse des quartiers qui s’offrait aux observateurs. Mais une jeunesse pas si délinquante que les événements ont poussé à nous faire croire. La plupart ont un job, certes au noir, mais ils travaillent ; d’autres ont des CDI, et deux ou trois se laissent vivre. Idem pour leur casier judiciaire, la plupart n’en ont pas et ceux qui ont eu déjà affaire à la justice, l’ont été pour des broutilles comme des conduites sans permis. Pas d’ennemi public n°1 dans le tas. Ils sont respectueux, polis et s’expriment plutôt bien ou tiennent un discours cohérent avec leurs mots de « d’jeunes ». Par contre, en bande et sous l’effet de l’alcool pas sûr que l’on reste sur cette impression.
Tous avancent l’agressivité des mutoi pour expliquer leur comportement. « Ils étaient pas agréables, ils ont du avoir des problèmes avant de venir dans notre quartier. D’habitude ils sont plus cool et parlent doucement », explique l’un. Sur les insultes, « eure ma, titoi » etc… tous les reconnaissent, ce qui a donné l’occasion au juge de parfaire son lexique d’insultes tahitiennes et de peaufiner sa prononciation. Quant aux menaces sur les agents, tous nient.
Concernant les dégradations sur les véhicules de police, certains les réfutent, d’autres admettent. Comme la jeune femme, « j’étais sous l’emprise du whisky et je croyais que c’était mon frère qu’ils embarquaient, alors j’ai jeté des pierres. » Un autre, « je reconnais avoir jeté des bouteilles de bières, mais pas un banc en bois. » Bref en l’absence des victimes au tribunal, difficile de démêler le vrai du faux. Sans confrontation directe, on doit se fier aux dépositions.
Si le procureur a estimé que ce dossier était « assez exceptionnel », il a relativement été clément dans ces réquisitions en demandant des peines allant à 78 jours de TIG à 6 mois de prison avec sursis. Ils n’ont toutefois pas fait l’économie d’un sermon. « Ce que je veux que vous compreniez, c’est qu’un jour vous serez bien content de voir les mutoi intervenir pour aider votre enfant ou votre épouse. Aujourd’hui, il n’y a que des dégâts matériels, mais on est passé à coté de quelque chose de pire. Les policiers sont traumatisés, ils n’étaient pas saouls, eux, et voir une bande d’excités, ivres, qui veulent les taper, cela fait peur. » Dans la salle, comme un seul homme, les prévenus acquiescent.
Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné tout ce petit monde à des peines allant de 2 mois à six mois de prison avec sursis et quatre ont été relaxés.