La femme qui a permis l’arrestation des trafiquants d’ice Tamatoa Alfonsi et Maitai Danielson comparaissait pour l’importation de 640 grammes d’ice. Elle a été condamnée à deux ans de prison ferme et près de 64 millions de Fcfp d’amende douanière.
Michelle, américano-vénézuélienne de 39 ans, petite blonde aux yeux gris, est dans l’avion qui la mène à Tahiti. Elle contraste avec les autres passagers tout heureux de se rendre au paradis. Elle est tendue. Elle est dans une situation inextricable. Ça passe ou ça casse. Durant les huit heures que durent le vol Los Angeles – Tahiti, elle ressasse les évènements qui l’ont conduite à prendre ce vol. Tout cela à cause du bolivar, la monnaie de son pays.
Le Venezuela pratique un taux de change fixe vis-à-vis du dollar américain, et de fait un marché parallèle du change s’est développé. Michelle a vent d’une combine qui consiste à envoyer des bolivars aux USA et à s’y rendre plus tard afin d’y récupérer la somme équivalente en dollars, somme versée sur un compte en banque. Cette combine, elle l’a testée une fois et cela a marché. Un homme intéressé par le plan lui confie l’équivalent de 22 000 dollars en bolivars. Une belle somme pour ce pays d’Amérique du Sud. Sauf que ca se passe mal. Si les bolivars sont bien envoyés aux USA, les dollars eux n’ont jamais été versés sur le compte en banque.
Des menaces sur sa famille
Alors à Majorque en Espagne, où elle exerce divers petits boulots, elle est contactée par sa sœur restée au Venezuela. Elle lui dit que l’homme qui lui a confié l’argent menace sa famille. Et au Venezuela, les menaces se prennent au sérieux. Leur oncle a été assassiné dans le passé, et sa sœur a été séquestrée.
N’ayant pas d’argent pour rembourser l’homme, elle se confie à une amie. Celle-ci lui dit de la rejoindre au Mexique, où elle vit, et qu’elle trouvera surement un moyen de l’aider. Par son entremise elle fera connaissance d’un homme qui la présente à Tamatoa Alfonsi, ainsi que Maitai Danielson. L’offre est claire. Elle fait la mule pour eux en transportant 60 grammes d’ice, et fini son problème d’argent. Elle touchera 10 000 dollars et ainsi pourra commencer à rembourser sa dette au Venezuela. « Pour moi, c’était horrible, dit-elle à la barre, je n’avais pas envie de le faire, mais c’était la seule façon de sortir de ma situation. »
Surveillée, on la force à prendre l’avion
Lorsqu’on lui présente le boudin d’ice qu’elle est censée transporter in corpore, elle tique. Elle le trouve trop gros. Et pour cause, ce ne sont pas 60 gr d’ice que les trafiquants comptent lui faire passer, mais 640 grammes et cela sans qu’elle le sache. Voyant sa réaction, ils réduisent le conditionnement à 140 grammes et, sans la prévenir, planquent les 500 grammes restants dans la doublure d’un sac à main qu’ils mettront dans sa valise durant le trajet de voiture qui la mène de Tijuana à la frontière américaine.
À Los Angeles, elle hésite à prendre l’avion. Elle fait exprès de rater le vol ATN, mais elle est surveillée par l’intermédiaire qui la rappelle à l’ordre et la menace. Au passage de la douane américaine, elle avouera avoir « complètement paniqué, c’était abominable, mais je me suis dit qu’au Venezuela, c’était encore plus horrible ». Arrivée à Papeete, elle se fait intercepter. Visiblement informés par leurs homologues américains, les douaniers polynésiens la fouillent plusieurs fois et finissent par découvrir l’ice dissimulée dans le sac ainsi que le boudin de 140 grammes. À la barre, assistée d’un traducteur, elle répond au juge. « Vous saviez les risques que vous preniez en faisant cela ? » lui rappelant qu’elle encourait 10 ans de prison. « Je n’avais pas le choix, on proférait des menaces sur ma famille au Venezuela. Je savais que je prenais un risque, mais je ne savais pas lequel. »
4 ans requis, adoucis pour avoir dénoncé Alfonsi et Danielson
Pour le procureur de la République, Michelle savait très bien ce qu’elle faisait, et elle a voulu minimiser sa participation en disant ignorer la véritable quantité d’ice qu’elle transportait. Il réclame quatre années de prison ferme. Réquisition qui a fait bondir Me Varrod, avocat de la défense. « C’est ma cliente qui a reconnu sur photo Tamatoa Alfonsi et Danielson. C’est grâce à elle qu’on a démantelé ce trafic et qui a indiqué où Alfonsi se trouvait. Et même lui l’a dédouanée, à propos de la véritable quantité qu’elle transportait. Il a reconnu lui avoir fait un sale coup !»
Pour lui, sa cliente ne maîtrisait pas la situation dans laquelle elle se trouvait et elle ne devrait être condamnée que pour les 140 grammes qu’elle transportait in corpore et non pour la totalité de l’ice saisi, à savoir 640 grammes. Revenant à la charge et s’emportant, « c’est grâce à elle qu’Alfonsi et Maitai Danielson vont comparaitre devant le tribunal. C’est évident qu’elle doit avoir une réduction de peine. M…. alors, la législation a prévu ce cas ! »
La cour, après avoir pris en considération son casier judicaire vierge et sa collaboration avec les services judiciaires, l’a condamnée à deux ans de prison ferme avec maintien en détention et interdiction définitive du territoire français. Après avoir purgé sa peine d’un an, puisqu’elle a passé déjà un an en détention préventive, elle sera reconduite à la frontière pour les USA ou le Venezuela. Elle a aussi écopé d’une amende douanière de près de 64 millions de Fcfp.