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Décès d’un bébé soigné par la médecine traditionnelle : prison avec sursis ou relaxe pour les prévenus

©Florent Collet

Le tribunal a rendu aujourd’hui son délibéré dans l’affaire du bébé de 16 mois décédé le 14 juillet 2016 à Bora Bora. Alors qu’un traitement antibiotique et une réhydratation aurait peut-être pu sauver l’enfant, les soins traditionnels imposés par la famille l’avaient conduit à une mort certaine. Le tradi-praticien à l’origine des soins écope de la peine la plus lourde, 1 an de prison avec sursis.

La semaine dernière, le président du tribunal avait déjà pris toutes les précautions possibles pour ne pas peiner plus encore la famille de l’enfant décédée et pour ménager les susceptibilités très importantes sur la question de la médecine traditionnelle. Il l’a été tout autant aujourd’hui, au moment de longuement détailler comment les juges avaient pris leur décision.

Le tribunal a ainsi retenu les expertises selon lesquelles le décès survenu le 14 juillet résulte du fait que l’enfant n’a pas été présentée à un médecin qui aurait pu la traiter avec des antibiotiques et en la réhydratant. Des soins qui auraient « probablement » sauvé le nourrisson s’ils avaient été pratiqués la veille du décès. Pour le juge en tout cas, s’il n’est pas certain que cela eût sauvé l’enfant, le fait de ne pas avoir permis ce traitement a privé l’enfant de toutes chances de survie.  Les juges ont également retenu que l’entourage, même sans connaissances en médecine, ne pouvait ignorer la gravité de la situation  de l’enfant en l’ayant vue la veille du décès. C’est le cas de l’arrière-grand-mère de la victime, des grands-parents maternels et des parents qui ont donc, selon le juge, commis une négligence coupable. Le tribunal a en revanche relaxé l’arrière-grand-père du bébé et la tante qui n’avaient pas assisté aux soins traditionnels et n’étaient que rarement en contact avec l’enfant.

Des massages qui accélèrent le décès

Le guérisseur qui avait diagnostiqué une angine et prodigué des soins a été reconnu coupable d’exercice illégal de la médecine, mais surtout les juges ont estimé que si les plantes administrées n’ont pas aggravé la santé de l’enfant, les massages sur la zone infectée au niveau du bras ont eu pour effet de disséminer les germes dans l’organisme de l’enfant et d’accélérer son décès « Cela a concouru de manière déterminante à la survenue du décès, faute d’autant plus grave que le prévenu convient lui-même qu’il ne connaissait pas la manière de parer au mal de l’enfant dont il ne connaissait ni la nature, ni l’origine. » Il est celui qui écope de la peine la plus lourde parmi les neuf prévenus, avec un an de prison avec sursis. L’autre tradi-praticienne est quant à elle relaxée, n’ayant été consultée que quelques heures avant le décès du bébé.

L’arrière-grand-mère écope quant à elle de la deuxième peine la plus lourde avec 6 mois de prison avec sursis, les grands-parents à 3 mois et les parents, s’ils ont été reconnus coupables, ont été dispensés de peine.  Alors qu’ils auraient souhaité amener leur enfant chez un médecin, les grands-parents et plus encore l’arrière-grand-mère s’y étaient opposés.

Avant de prononcer les peines, le juge a une nouvelle fois répété « qu’au delà des fautes de négligence ou de maladresse qui peuvent être retenues, les prévenus n’étaient animés d’aucune intention malveillante et que bien au contraire, tous souhaitaient en réalité venir en aide à l’enfant. » et de rappeler que « le cadre culturel dans lequel les faits sont survenus, le recours à la médecine traditionnelle tahitienne étant très répandu parmi les populations, est envisagée avec une certaine bienveillance par les autorités sanitaires du Pays. »