Hervé Raimana Lallemant-Moe, docteur en droit public polynésien, invité par l’ONU en tant qu’expert, revient pour Radio1 et notre partenaire Outremers360° sur le séminaire du Comité des 24 de l’ONU auquel il a assisté. Si la France collabore avec l’ONU sur le dossier calédonien, elle refuse toujours d’évoquer le cas polynésien.
Du 25 au 27 août 2021 à la Dominique (Caraïbes) s’est tenu le séminaire régional annuel du «Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », plus connu sous le nom de C-24. Cela permet de préparer des projets de résolutions, avant la réunion annuelle de la 4e Commission de l’Assemblée générale des Nations-Unies (Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation) et la session plénière de l’Assemblée générale, où le rythme effréné de travail ne permet pas d’avoir des échanges aussi constructifs. En théorie.
« Il faut dire que tous les séminaires sur la décolonisation, et le processus de décolonisation autour du Comité des 24, sont très répétitifs, chaque année on a des éléments qui sont sans cesse répétés, c’est un peu la théorie des petits pas », dit Raimana Lallemant-Moe qui est intervenu sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, seul territoire représenté à ce séminaire par Engel Raygadas, membre de la délégation aux affaires internationales, européennes et du Pacifique. Il note que la Polynésie, qui a été réinscrite en 2013 sur cette liste, est encore mal connue des membres du C-24.
Pour ce qui concerne Raimana Lallemant, « il s’agissait avant tout de présenter de façon neutre l’ensemble des points de vue relatifs au processus de décolonisation de la Polynésie française (autorités publiques polynésiennes, opposition politique et État français) pour proposer – à la lueur de la crise sanitaire – des solutions juridiques visant à sortir du présent immobilisme, avec notamment la possibilité d’un accroissement des compétences locales à l’aube du dernier référendum de la Nouvelle-Calédonie. Cette proposition pourrait être appliquée à de nombreux autres territoires non autonomes de la liste onusienne, dans une situation proche de la Polynésie française. » Une sorte de « boîte à outils » de « solutions juridiques consensuelles » dans laquelle les gouvernements élus des territoires non autonomes pourraient piocher selon leur situation et leurs objectifs, « par exemple un processus d’autodétermination qui pourrait n’être mis en place que si les autorités locales le désiraient » – donc sans l’aval de la puissance administrante.
Mais, même si Édouard Fritch lui-même avait fini par appeler de ses vœux l’envoi en Polynésie française d’une mission d’information des Nations-Unies (dans son esprit, pour prouver que les Polynésiens sont majoritairement contre l’indépendance), il n’y a eu aucune avancée notable. La représentante de l’État français – la seule puissance administrante présente au séminaire – l’ambassadeur du Pacifique Marine de Carné de Trecesson, a quitté la salle quand le cas de la Polynésie française a été évoqué.
Pour Raimana Lallemant-Moe, la présence de la France au séminaire visait avant tout à « présenter la France comme collaborant très activement avec le C-24 dans le cadre de l’organisation du 3e référendum en Nouvelle-Calédonie. La Polynésie, c’est un sujet un petit peu à part. Ça s’explique certainement par le mode de réinscription sur la liste des territoires non autonomes. En 1988 pour la Nouvelle-Calédonie, c’était à la demande des forces locales mais aussi relayée par l’État francais, alors que pour la Polynésie en 2013 c’est passé uniquement par les autorités locales et le parti indépendantiste, la France n’a jamais adhéré à cette réinscription, ce qui explique certainement son opposition toujours aujourd’hui.»
Une opposition française qui semble, en Polynésie, difficile à comprendre, mais Raimana Lallemant-Moe rappelle la nature de l’ONU : « Il faut bien comprendre que l’ONU c’est surtout un lieu de discussion, de consensus, de collaboration. Elle n’a aucun pouvoir d’imposer quoi que ce soit et de toutes manières ils ne se déplaceront pas sans l’accord de l’État français. » La résolution finale qui sera adoptée en la matière par l’Assemblée générale de l’ONU a donc de fortes chances d’être « substantiellement identique » à la précédente.