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Décolonisation : Oscar Temaru « confiant » sur un changement de ligne de Michel Barnier


Auteur d’une lettre adressée à Emmanuel Macron pour demander la libération des militants Kanaks écroués en métropole, le leader du Tavini fonde surtout ses espoirs sur Michel Barnier et son nouveau gouvernement. Sur la question de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi sur celle de la décolonisation de la Polynésie. Le leader bleu ciel n’est pas satisfait, bien sûr, du refus de processus onusien réaffirmé par l’ambassadeur français à l’ONU. Mais il estime que cette déclaration ne reflète pas la position que pourrait adopter le nouveau Premier ministre.

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La lettre, signée par Oscar Temaru le 2 octobre, devait être transmise à Emmanuel Macron par Moetai Brotherson. Difficile à dire si le président du Pays l’a remise au président de la République lors du sommet de l’Organisation international de la francophonie, la semaine passée. « En tout cas, je n’ai pas encore eu de réponse », sourit le président du Tavini Huira’atira. En cette période de discussions onusiennes sur la décolonisation, le chef de file indépendantiste n’a pas interpellé le chef de l’État sur le sort de Maohi Nui mais sur celui de la Kanaky.

Ainsi le maire de Faa’a revient longuement, dans sa missive, sur l’histoire de la colonisation et des violences en Nouvelle-Calédonie, avant d’en venir au fait : Oscar Temaru demande officiellement et « sans plus tarder » la libération des militants kanak détenus en France. Christian Tein, désigné à distance président du FLNKS fin août, Brenda Wanapo Ipeze, Guillaume Vama… Sept personnalités proches des CCAT ont été incarcérées, en juin, pour leur rôle présumé dans la flambée de violences qu’a connu le Caillou à partir du mois de mai. Et si deux d’entre elles – dont la directrice de cabinet de l’ex-président du Congrès Roch Wamytan, Frédérique Muliava – ont été libérées courant juillet pour être assignées à résidence en métropole, les autres sont toujours en centre de détention à Blois, Bourges, ou Mulhouse. « Je les considère comme mes propres enfants », écrit le leader bleu ciel pour qui ces militants, mis en examen pour « complicité de tentative de meurtre » ou « association de malfaiteurs », ne sont « pas de prisonnier de droit commun, mais de prisonniers politiques ».

« C’est de France qu’on a envoyé des casseurs chez eux »

Les destructions sur le Caillou, qui ont mis l’économie de l’archipel à genoux, les morts dans les émeutes, l’élu polynésien les juges « tragiques ». Il connait la « différence de situation » entre le fenua et la Calédonie, parle d’une jeunesse « hors de contrôle » des anciens et ravagée par les drogues. Mais « la responsabilité, c’est celle de l’État », répète-t-il. « Ce projet de loi, le dégel du corps électoral qui était proposé par l’État, c’était la fin du peuple Kanak, c’est une question de dignité, de fierté, insiste le président du Tavini, en référence au texte dont le vote à Paris a mis le feu aux poudres à Nouméa. Ils ont mené des actions, mais ils ont prévenus tout le monde… On les appelle des casseurs, mais ils sont pas allés en France casser quoi que ce soit. C’est de France qu’on a envoyé des casseurs chez eux ». 

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Oscar Temaru propose au passage à Emmanuel Macron sa médiation pour réinstaurer un dialogue « apaisé » entre l’État et les pro-Kanaky. Mais c’est davantage du côté de Michel Barnier que l’ancien président du Pays attend des « bonnes décisions ». Sur le dossier calédonien – l’annonce du retrait du projet de loi constitutionnel sur le corps électoral est déjà salué au Tavini – mais aussi sur celui de la décolonisation de Maohi Nui, sujet sur lequel la France a toujours refusé d’ouvrir des discussions officielles.

Et sur l’un comme l’autre de ces sujets, Oscar Temaru se dit « confiant » dans le nouveau Premier ministre, qu’il avait eu l’occasion de rencontrer quand ce dernier était à la tête du Quai d’Orsay. « On avait eu une longue discussion, quand il ne voulait pas que j’aille à l’ONU pour faire le travail de la réinscription sur la liste des pays à décoloniser », se souvient le maire de Faa’a. Mais le nouveau chef du gouvernement parisien ne lui a pas non plus paru fermé au dialogue et à l’évolution de la position française. « C’est quand même quelqu’un qui a 75 ans, qui a de la maturité politique, qui a de l’expérience, il a été plusieurs fois ministre, pointe l’élu de 79 ans. Espérons qu’il aille dans ce sens ».

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Ouverture du dialogue ? Moetai a « peut-être parlé un peu trop vite »

Les déclarations de l’ambassadeur de France à l’ONU aurait pu déjà casser cet optimisme. Nicolas de Rivière, répondant à Moetai Brotherson, qui se félicitait de l’ouverture du « dialogue » avec Paris sur la question décoloniale depuis 2023, avait indiqué que la fin de la politique de la chaise vide était un changement de méthode, mais pas de ligne. « Il n’existe pas de processus entre l’État et le territoire polynésien qui réserve un rôle aux Nations-Unis », précisait le représentant français. « Pas satisfaisant », bien sûr, pour Oscar Temaru, mais visiblement pas très étonnant non plus pour le vieux leader qui, même s’il cherche à ménager la position du président du Pays, ne semble pas partager son enthousiasme sur les acquis de l’année dernière. La France parle, mais sa position « n’a pas changé d’un iota », dit-il. Moetai Brotherson a « peut-être parlé un peu trop vite ».

Mais qu’importe le discours de Nicolas de Rivière : le diplomate, pour Oscar Temaru, s’est exprimé « en son nom personnel » et pas sur instruction du nouvel exécutif parisien. « Je ne crois pas du tout parce qu’il y a quand même un décalage entre les propos tenus par les propos tenus par Michel Barnier concernant la responsabilité de la France, la Nouvelle-Calédonie, la décolonisation et tout ça, et ce que dit l’ambassadeur de France » reprend le président du Tavini. C’est oublier un peu vite que ce genre de déclarations, sur la scène internationale, est non seulement discuté en amont avec le Quai d’Orsay et Matignon, mais aussi avec l’Élysée, dont le locataire, lui, n’a pas changé.

L’exécutif parisien est-il en voie de mise à jour de sa position ? Rien ne l’indique, Oscar Temaru « l’espère ». « Parce qu’on ne lâchera pas, martèle-t-il. Le droit est de notre côté. Et c’est mon rituel de dire tous les jours utilisons le droit et rien que le droit. C’est ce qui embête je crois la France. Ils auraient préféré qu’on fasse autrement. Niet! ».

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Interrogés sur le manque de résultats obtenus en matière de décolonisation depuis la réinscription de 2013, les cadres du Tavini n’évoquent aucun changement de stratégie. Faire évoluer les résolutions annuelles de l’ONU – par exemple pour obtenir la réintégration de l’exigence d’un programme de travail, disparue ces dernières années – demander une visite officielle des Nations-Unis – désormais acceptée par les autonomistes, mais toujours pas validée par la France – pétitionner au comité des 24 et à la quatrième commission… « La France ne peut pas continuer à ne pas respecter le droit international, explique un responsable. Ce n’est qu’une question de temps ».