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Des coquilles d’huîtres pour aider les plantes à pousser

La poudre de nacre qui peut être utilisée dans l’alimentation animale et les granules qui peuvent être utilisées en amendement calcique.

La société Kotuku Fakarava veut transformer en amendements agricoles les coquilles d’huitres considérées comme des déchets par les fermes perlicoles. Grâce au soutien de la CAPL et des services du Pays, un programme d’expérimentation a été lancé chez des cultivateurs mais aussi des éleveurs. Et les résultats laissent espérer qu’une production à grande échelle puisse être lancée dès cette année.

Des huîtres pour faire pousser les fruits, légumes, et les autres cultures. C’est le projet de la société Kotuku Fakarava, lancée dans la lignée des recherches sur la valorisation des déchets perlicoles. Dans sa ligne de mire, les coquilles d’huîtres perlières produites par les fermes. Un « gisement énorme », et qui a de la valeur. Environ 1 600 tonnes de ces coquilles sont d’ailleurs exportées chaque année hors du fenua, principalement vers l’Asie intéressé par leur nacre. Une part beaucoup plus faible – une cinquantaine de tonnes environ – est utilisée par les artisans locaux pour la création de bijoux notamment. Mais une bonne partie de ces coquilles « ne sont absolument pas utilisées » expliquent Hugues Cochard et Mia Williams, les cogérants de la société. Les coquilles abimées, piquées, craquelées, trop petites ou qui n’ont tout simplement pas trouvé preneur sont « enfouies, coulées dans du béton, mises dans des trous, restent à l’abandon sur plusieurs atolls… ».

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Fruits, légumes, mais aussi poules et vaches

Leur idée, soutenue par la mairie de Fakarava, mais aussi la Chambre d’agriculture, les services du Pays, et même le programme européen Protège, est de broyer ces « déchets » qui ne devraient pas en être. Transformés en fines granules ou en poudre, elles doivent être ensuite vendues à des agriculteurs en tant que « calcimer ». Et pour cause : les huîtres et leur nacre sont bourrées de calcium. Une fois transformées et utilisées en « amendements » dans les exploitations, elles peuvent permettre d’enrichir les sols pour limiter leur acidification, et donc favoriser les cultures, quelles qu’elles soient. Ou servir de complément alimentaire dans les élevages de poules ou de vaches laitières. « Aujourd’hui, on importe de l’extérieur, alors qu’on a des milliers tonnes à disposition, chez nous aux Tuamotu », explique le président de la Chambre d’agriculture Thomas Mouthame, très enthousiasmé par cette idée « d’économie circulaire ». D’autant que ces intrants seront, en plus d’être locaux, « entièrement bio ». Ce qui colle « complètement » au projet qu’il a développé lors de la dernière campagne de la CAPL.

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Expérimentations en cours

Après des analyses chimiques réalisées par la chambre en métropole, la phase d’expérimentation a commencé il y a quelques semaines. Trois tonnes de coquilles polies pour n’en garder que la partie fine, puis broyées et tamisées pour obtenir au final 1,3 tonnes d’amendements calciques qui ont été confiées à cinq agriculteurs de Tahiti et des îles. Les premières observations seraient « très encourageantes » assurent de concert la CAPL et la société Kotuku. Qui veut donc avancer dans le développement de son site de production à Fakarava. Des machines de polissage et de broyage ont été commandées et un permis de construire d’un hangar de 180 mètres carrés, pour le stockage et le tamisage, a déjà été délivré. Objectif : lancer une production à grande échelle avant la fin de l’année. Reste un défi, et de taille : travailler sur les coûts. Car il arrive bien souvent que les initiatives de valorisation locales reviennent bien plus cher que l’import. Hugues Cochard se dit confiant, fixant à l’avance comme prix de vente du calcimer le prix des amendements importés. « Ils seront aidés, par la chambre et par les autorités, pour y parvenir », complète Thomas Mouthame.

Béton local, mabé, et lutte contre l’ostéoporose

Dans les prémices du projet, Kotuku Fakarava avait travaillé avec la Direction des ressources marines qui cherche depuis plusieurs années des pistes pour valoriser la nacre. Ou plutôt revaloriser : comme le rappelle Cédrik Lo, docteur en biologie, la filière nacre était, avant l’essor de la perle à partir des années 60, la première source d’export du fenua. Les études menées par la DRM avaient lancé huit projets-pilotes dont faisait partie celui des « amendements calciques ». Les autres pistes : grossissement des nacres, création d’un béton local à partir de ces même déchets (un jeune polynésien mène une thèse avec l’université de Pau sur le sujet), fabrication de mabe (parfois appelés « demi-perles »), bijouterie d’art, cosmétologie, mais aussi alimentation humaine (compléments alimentaires pour lutter contre l’ostéoporose)…

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