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Des salariés espionnés par des comédiens : la CGT porte plainte

© AFP et FREDERICK FLORIN

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JUSTICE – Orpea-Clinea avait embauché des comédiens pour espionner les salariés de ses maisons de retraite. La CGT a saisi la justice.

L’affaire avait été dévoilée en 2012 par le magazine L’Expansion. En 2010, l’exploitant de maisons de retraite et cliniques privées Orpea-Clinea avait embauché des « acteurs de métier » dans le cadre d’ « un système organisé de surveillance », affirme l’avocat de la CGT Sofiane Hakiki. La CGT a donc saisi la justice pour dénoncer « la mise en place d’un système visant à infiltrer le syndicat ». Orpea-Clinea, numéro 2 du secteur en Europe, n’a pas réagi.

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De faux brancardiers. Les comédiens avaient été recrutés comme brancardier ou agent d’entretien et envoyés en « observation » sur les sites de L’Haÿ-les-Roses, Andilly et Lyon, selon les pièces qui étayent la plainte contre X déposée mardi au parquet de Paris. Leur premier objectif était de se fondre dans la masse, puis de « copiner avec les collègues ». Enfin, il leur fallait « prendre la défense de leurs intérêts jusqu’à se faire élire aux élections professionnelles », détaille l’avocat de la CGT.

Le groupe Orpea-Clinea a passé, pour la mise en place de cette surveillance, un contrat en 2010 avec la société de renseignements privée GSG, spécialisée dans le « conseil en gestion de risque social ». La même entreprise apparaît dans l’enquête sur des soupçons de surveillance illicite de salariés d’Ikea ouverte à Versailles depuis 2012.

16 rapports hebdomadaires. Facturé 12.500 euros par mois au groupe, chaque « implant » devait rendre compte de ses avancées sur le terrain. C’est ainsi que seize rapports hebdomadaires ont été adressés à la DRH d’Orpea-Clinea entre le 22 mars et le 4 septembre 2010.

Dans l’un d’eux, un des comédiens embauchés dit vouloir « favoriser la confiance de ces collègues » et apprend à la DRH qu’il va « les convier à déjeuner chez lui la semaine prochaine, sorte de pendaison de crémaillère ».

« Sous couvert de gestion préventive du risque social, le but était de prendre le pouls social, repérer les hostilités à la direction et ensuite approcher le syndicat qui semblait le plus dangereux », rapporte Maître Hakiki. « Ces dérives illustrent la volonté de l’employeur de vouloir tout maîtriser, par tous les moyens », a-t-il ajouté.

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Les salariés espionnés dans leurs faits et gestes ? La plainte de la CGT révèle que les comédiens « relevaient de manière quotidienne les faits et gestes des salariés en prenant un soin particulier à noter les activités syndicales ». Par exemple, dans un des rapports, le « sujet JCO » est décrit comme consommateur de drogues, « marijuana et résine de cannabis essentiellement ». Selon la plainte, la convention avec GSG ainsi que les rapports « caractérisent les délits d’entrave au droit syndical, d’atteinte à la vie privée et de collecte de données à caractère personnel ».

Une « observation » expérimentale pour Orpea. Fin 2012, Orpea-Clinea s’était fendu d’un courrier confidentiel à la CGT pour s’expliquer sur ces pratiques : « une étude sur les risques psycho-sociaux » et le climat social dans le cadre d’accords sur les conditions de travail, selon elle. Dans le même courrier, Orpea-Clinea détaille les méthodes de la société de renseignements GSG : « l’observation in situ », en « immersion totale ». Le groupe assure aussi avoir « exigé des garanties déontologiques » car il était conscient du risque de « dérives ». Orpea-Clinea avance que « GSG a mis en place une charte éthique encadrant strictement ses interventions ».

Espionnage sur internet aussi. L’espionnage au sein des entreprises des salariés n’est pas un fait nouveau. Disneyland Paris a été condamné à 150.000 euros d’amende pour avoir espionné des candidats à l’embauche en puisant dans les fichiers de police. L’enseigne de distribution, Lidl, a, pour sa part, été condamnée en Allemagne à une amende de 1,5 million d’euros pour avoir fait surveiller des employés par des détectives.

Mais demander à des comédiens de jouer aux espions est une méthode « assez inédite », selon Jean-François Amadieu, professeur à l’université de Paris 1, spécialiste des relations sociales. « De nos jours, les informations sont plutôt glanées sur les réseaux sociaux », explique-t-il. Il avance que les employeurs « adorent farfouiller sur internet ».

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source Europe1

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