ACTUS LOCALES Développement de la pêche : « les vraies problématiques ce sont la formation et la commercialisation » Charlie Réné 2024-11-13 13 Nov 2024 Charlie Réné 18 000 tonnes de poissons débarqués chaque année en 2030, contre moins de 9 000 aujourd’hui. Ces ambitions affichées par le gouvernement ne sont peut-être pas réalistes du point de vue du calendrier, mais elles vont dans le bon sens, pour le président du cluster maritime Stéphane Perez. Mais pour les concrétiser, le travail doit être accéléré sur les infrastructures, les débouchés à l’export, la valorisation locale… Il faudra aussi régler le débat sur les grandes aires marines protégées que certains voudraient voir confirmées lors de la conférence sur les océans de juin 2025. Les professionnels, eux, s’y opposent par les chiffres : la pêche polynésienne pèse pour 0,3% des prises dans le Pacifique. « L’ébullition » actuelle du secteur maritime, évoquée au micro de l’Invité de la rédaction par Stéphane Perez ce mercredi, ne se fait pas sans débat. Les projets de réaménagement du port autonome, pas toujours bien expliqués ou acceptés, fait par exemple grincer des dents les entreprises sommées de déménager. Le creusement de la passe de Papeete, réaffirmé comme un projet à horizon 2027 par la direction du Port autonome, ne semble toujours pas avoir les grâces de la présidence, qui n’a pas non plus officiellement remis en question le projet. Le développement de l’énergie thermique des mers agite à chaque élection le débat politique. Mais c’est sur le développement de la pêche hauturière que la discussion est la plus intense. La flotte, qui a vu augmenter son nombre de palangriers ces dernières années pour atteindre 80 bateaux, n’a jamais autant pêché : 8 676 tonnes en 2023, soit 15% de plus que l’année précédente, et probablement un peu moins qu’en 2024. La dynamique est accompagnée depuis longtemps par les autorités, mais le gouvernement Brotherson est arrivé au pouvoir avec une surenchère d’ambition : tripler l’effort de pêche d’ici 2030. Chez les professionnels, on applaudit ce cap – même si le calendrier parait pour beaucoup « plus du discours politique que des perspectives réalistes ». Mais on pointe aussi, comme cela a été le cas lors du mouvement social du 10 octobre dernier – que ces objectifs sont « incohérents » avec les projets de grandes aires marines protégées, étudiés sous l’ancienne mandature et repris par le nouveau gouvernement. De l’autre côté de la table, certaines associations et ONG, locales ou internationales, insistent pour aller plus loin que la seule « aire marine gérée » qui couvre toute la ZEE polynésienne. Et pour donner un statut de protection élevée – en y restreignant certaines activités et notamment la pêche non traditionnelle – de larges zones de plusieurs autour des Marquises ou des Australes. La Fape, qui avait proposé en 2022 un projet de classement de 30% de la ZEE, espère des annonces « concrètes » du Pays et de l’État lors de la conférence des Nations-Unies sur l’océan, organisée à Nice en juin prochain. « On va essayer de mener toutes les discussions d’ici là », confiait le ministre de l’Environnement Taivini Teai lors du forum de l’économie bleue mardi matin. Le débat risque donc de se s’intensifier ces prochains mois. « Le problème de la ressource ne se pose pas en Polynésie » Et s’il y a un organisme où ces débats auront une résonance particulière, c’est au cluster maritime, où cohabitent les acteurs associatifs et privés, et donc les deux côtés de l’échiquier. « Ça fait des discussions assez riches », sourit son président Stéphane Perez. Un compromis est-il possible sur ce sujet très tranché ? « En tout cas, il faut faire en sorte d’en discuter, de mettre tout le monde autour de la table y compris les consommateurs, les usagers, les maires, des Marquises et des Australes » répond le responsable. Mais celui qui est aussi PDG du Chantier naval du Pacifique Sud, armateur d’un thonier et président de la société de gestion du port de pêche S3P affirme tout de même une idée forte défendue du côté des professionnels : l’augmentation des prises ne fait pas courir au pays un risque de « surpêche ». Un « faux débat » au fenua, martèle-t-il. « Le problème de la ressource ne se pose pas parce que la ressource, elle est disponible. Sur notre ZEE de 5 millions de kilomètres carrés, on a prouvé qu’on avait un modèle de pêche durable, qui est d’ailleurs labellisé MSC, Marine Stewardship Council, on pêche 8 000 tonnes par an, quand il y a 3,2 millions de tonnes de thonidés qui sont pêchées dans le Pacifique. Sur les deux commissions thonières du Pacifique, il y a plus de 9 000 bateaux de pêche qui sont recensés, nous on est à 80. Donc on a vraiment un modèle de pêche durable de par la taille de notre flottille, de par les poissons pêchés, de par la technique de pêche à la palangre monofilament. On est, pour moi, un modèle et un exemple ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/11/CLUSTER-STEPHANE-PEREZ-2-peche.wav Développer l’export, les infrastructures, la valorisation À entendre le président du cluster, plus que les questions de ressource et d’environnement, c’est celle des conditions de la croissance de cette pêche hauturière qui doit se poser. 18 000 tonnes de poissons pêchés – le chiffre qui est visé par le gouvernement, en triplant la production hauturière pré-Covid – impliquent des efforts d’organisation et des investissements conséquents. « Il faut les infrastructures, il y a des réflexions sur le réaménagement du port de pêche, mais il faut surtout travailler la commercialisation, reprend l’entrepreneur. On ne commercialise pas 18 000 tonnes de poisson comme on commercialise 8 000 tonnes. Ça passe par le développement de l’export, par le fait de trouver de nouveaux débouchés ou de nouvelles manières de travailler notre poisson, d’apporter une autre valeur ajoutée localement… Pour moi les vraies problématiques elles sont sur la formation et sur la commercialisation. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/11/PECHE-STEPHANE-PEREZ-2.wav Quant à la préservation de la ressource, le travail doit avant tout être régional, explique le président du cluster. Les données de la commission régionale des pêches sont de ce point de vue rassurantes : les thons germon (blanc) et yellowfin (rouge), les deux principales espèces pêchées en Polynésie avec 5 160 et 1 425 tonnes débarquées en 2023, ne sont pas menacées. Les craintes sur le thon obèse (1 192 tonnes en 2023 au fenua) pourraient, d’après la Direction des ressources marines, être en partie levées lors des prochains recensements. « Tout ça est discuté dans les organisations régionales de gestion des pêches, où la voix de la Polynésie porte également, reprend Stéphane Perez. L’unanimité n’est pas toujours facile à trouver mais on défend nos intérêts dans ces commissions thonières. On a notamment fait un travail conséquent et admirable sur la limitation ou en tout cas sur l’utilisation des DCP dérivants. » Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)