ACTUS LOCALES

Discours désunis à la journée de l’ONU

Pour la deuxième année consécutive, le président de l’assemblée Tony Géros avait choisi de marquer officiellement la « Journée des Nations-Unies » ce 24 octobre. Et d’en profiter pour appeler la France à entamer le dialogue sur l’autodétermination. Le Haut-commissaire Éric Spitz a répondu à l’invitation, mais il a préféré axer son discours sur la préservation de la paix mondiale. Le représentant de l’État a tout de même fait quelques pas dans la politique locale, en mettant en garde contre les « initiatives sournoises d’états despotiques » et les incartades du religieux en politique.

Pas de conférence publique, cette année, mais tout de même une levée de drapeaux et des discours à Tarahoi pour la Journée des Nations-Unies. Cet évènement international attaché au 24 octobre, date d’entrée en vigueur de la Charte des Nations-Unies en 1945, avait déjà été inscrit dans le calendrier officiel de l’assemblée par son nouveau président Tony Géros, l’année dernière. Les débats et présentations qui s’étaient alors tenues dans l’hémicycle avaient balayé large et avaient notamment été l’occasion pour Oscar Temaru de préciser qu’il n’avait « pas peur du changement climatique » mais « plutôt d’un changement démographique », avec « l’invasion » du fenua par les métropolitains. Une convocation devant le juge d’instruction plus tard – sans mise en examen pour le président du Tavini – l’ONU était donc de nouveau à l’honneur, dans un format plus réduit et sur des thématiques plus concentrées.

« Profiter de cette journée pour rappeler que nous sommes là »

Tony Géros n’y est pas allé par quatre chemins dans son discours introductif : cette journée « marque notre volonté de rester engagés dans la voie du dialogue, de la paix et de la coopération internationale pour réaffirmer notre aspiration à l’autodétermination ». « La démarche a pour but d’obtenir de l’État le respect de ce droit qui est exprimé par ceux qui sont aux affaires du Pays aujourd’hui, complète le vice-président du Tavini au micro. L’occasion nous a été donnée depuis l’année dernière de profiter de cette journée des Nations-Unies pour rappeler que nous sommes là et que nous réclamons ce droit ».

Si le Tavini réaffirme, c’est que l’État a fait de même. À New York, d’abord, où le camp indépendantiste s’est agacé de l’absence d’évolution de la ligne française devant la Quatrième commission de l’ONU. Et à Genève, où une délégation bleu ciel s’est tout récemment exprimée devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Comme l’a noté Tahiti Infos, le représentant français dans ce comité avait non seulement répété qu’il « n’existe pas de processus entre l’État français et le territoire polynésien qui réserve un rôle aux Nations-Unies”, mais ajouté que « la Polynésie n’a pas sa place sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU ». Pas abattu, le parti indépendantiste, dans son « débriefing » de ce premier déplacement suisse qui devrait s’installer lui aussi dans le calendrier, a surtout retenu la réaction « choquée » et « interloquée » des autres membres du comité devant la fermeté de la position française.

Dans le sillon du président de l’assemblée, la vice-présidente du gouvernement Chantal Galenon interpelle plus directement le Haut-commissaire. « Nous comptons du fond du cœur sur vous pour mettre en place ces échanges qui feront avancer notre cause » dit-elle, en référence à la demande, aussi formulée auprès du nouveau gouvernement parisien par Moetai Brotherson, d’ouverture de discussions sur le processus d’autodétermination.

Missile, faux-amis, populisme et fanatisme

Invité à la tribune en clôture de la cérémonie, le Haut-commissaire de la République, sans surprise, n’a pas partagé la même vision de cette Journée des Nations-Unies. Le représentant de l’État a surtout parlé de l’objectif premier de l’organisation internationale : garantir la paix dans le monde. Une paix aujourd’hui « menacée » par les guerres en Ukraine ou au Moyen-Orient, par les tensions entre grandes puissances, menacée aussi par la montée des « populismes » – l’approche de l’élection américaine a visiblement beaucoup inspiré le discours – et par les « tentations autocratiques ». Le propos n’est pas centré sur la Polynésie, mais s’y raccroche à plusieurs reprises. D’abord quand le Haussaire rappelle que le fenua n’est « pas épargné par les enjeux globaux ». « Le tir d’un missile nous le rappelle », dit il. Ensuite quand il appelle, devant un parterre d’élus Tavini, à se « méfier des initiatives sournoises d’états despotiques, dont l’amitié ne repose que sur l’intérêt ». Une référence au soutien apporté par l’Azerbaïdjan au mouvement indépendantiste. Pas de références directes au régime de Bakou, Éric Spitz reste diplomate. Mais « nous nous méfions des ingérences extérieures, d’où qu’elles viennent », appuie le Haussaire après la cérémonie.

Au passage Éric Spitz a aussi interpellé sur le risque que représentaient les « fanatismes politiques » mais aussi religieux. Les églises sont appelées à « demeurer dans la sphère privée de la croyance, de l’opinion et des habitudes cultuelles ». Et donc pas en politique. Un message peut-être à l’Église protestante maohi, de plus en plus ferme dans son engagement indépendantiste ? Le propos est valable « partout dans le monde, en Amérique, en Polynésie comme ailleurs ».

Azerbaïdjan : « On ne va jamais se laisser instrumentaliser »

Une journée, deux propos, et des interpellations derrière les sourires, donc. Côté État, le Haut-commissaire ne se dit « pas choqué outre mesure » par cette différence d’approche. « Ce qui compte c’est qu’on soit non pas dans le combat, mais dans le dialogue fraternel, il y a un Pacific way et on trouvera un chemin pour cheminer à l’avenir », explique-t-il. Côté bleu ciel, du dialogue, « c’est bien ce qu’on demande », rétorque au micro Tony Géros, mais du dialogue sur l’autodétermination. « La non-reconnaissance du droit à l’autodétermination des peuples est un des éléments fondateurs des guerres qui se passent en ce moment. Parce que les puissances hégémoniques ne veulent pas reconnaitre le droit de l’autre, reprend le président de l’assemblée. C’est la raison pour laquelle il parle de paix, mais comme il dit la paix, c’est également des fois la guerre pour faire reconnaitre certains droits. Mais pour les peuples comme nous, ça n’a pas de sens, on n’a pas d’armes, rien, et pour nous ce droit à l’autodétermination doit s’exprimer sur la scène internationale quand au niveau national ou territorial on ne veut pas le reconnaitre ». 

Quant aux « fausses bienveillances » et « fausses amitiés » dénoncées par le représentant de l’État, le chef de la majorité Tavini ne varie pas dans ses réponses : « je l’ai toujours dit : que ce soit la France, l’Azerbaïdjan ou même la Chine, on ne va jamais se laisser instrumentaliser par une puissance hégémonique. Ça ne veut pas dire qu’on peut pas discuter avec ». Le Tavini devrait d’ailleurs se trouver une place à la COP 29 qui doit être organisée courant novembre à Bakou. Plusieurs pays, et tout récemment le Parlement européen, ont exprimé des doutes sur l’organisation de ce sommet du climat dans un état pointé du doigt pour ses atteintes aux droits de l’Homme.

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