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Disparition de Bernard Tapie, l’homme aux cinq vies

Avec la mort de Bernard Tapie, dimanche matin à l’âge de 78 ans, c’est un monstre de la vie politique, économique, artistique, sportive et même judicaire, qui s’est éteint. Et qui ne laissait personne indifférent. Une rétrospective de notre partenaire Europe1.

Bernard Tapie est mort dimanche matin à l’âge de 78 ans des suites d’un cancer de l’estomac, et avec le départ de ce fort-en-gueule, au sens propre comme au figuré, c’est un peu une page de l’histoire française récente qui se tourne. Car pendant plus de quatre décennies, « Nanard » a été présent partout. Sur les ondes, sur les écrans, dans les stades et sur la route… Sur les planches aussi, devant les micros, dans les salles de marchés et dans les prétoires. Sans oublier un passage remarqué sous les ors de la République.

En une vie, Bernard Tapie en a vécu plusieurs. Tantôt inarrêtable tornade, tantôt frêle esquif au bord du naufrage. Tantôt adulé, tantôt détesté, à chaque fois pour sa réussite insolente et pour son incroyable capacité à se relever après plusieurs coups durs. Son dernier combat face à la maladie était perdu d’avance. Reste l’incroyable parcours d’un homme hors-norme.

L’homme d’affaires

Le sens des affaires, indéniable de Bernard Tapie, a été à l’origine de sa réussite, comme il a parfois été tout proche de causer sa perte. C’est en tout cas par ce biais que l’homme a acquis une notoriété certaine d’abord, la célébrité ensuite. D’abord vendeur de téléviseurs, il se spécialise dans la création d’entreprises, puis dans la reprise de sociétés en difficulté, voire en faillite. C’est dans cette dernière activité qu’il bâtit sa réputation, mais aussi une immense fortune. Sa méthode : racheter des entreprises pour un franc symbolique, les remettre sur les rails, parfois à grands frais de suppression d’emplois ou de délocalisations, et les revendre au prix fort.

A son palmarès, notamment, Terraillon, Look, La Vie Claire ou encore Wonder. A chaque fois, il se mouille personnellement. La pub « Je marche à la Wonder », qui le montre en infatigable homme d’affaires, est restée dans les mémoires.

Mais son plus gros coup, « l’affaire de sa vie », jure-t-il alors, reste la reprise en 1990 d’Adidas, géant du sport en perdition face à ses concurrents américains, Nike et Reebok. En trois ans, avec changement de logo et délocalisations à la clé, il relance la marque, qu’il revend en 1993 à un groupe d’investisseurs, dont le Crédit Lyonnais. S’ensuit une complexe affaire de plus-value, marquée par des décisions de justice successivement favorables et défavorables, puis par un arbitrage suspect. Cette affaire aura poursuivi Bernard Tapie jusqu’à sa disparition.

Les affaires, Bernard Tapie a finalement pu y revenir à la faveur d’un arbitrage favorable, contesté ensuite, qui lui octroie la coquette somme de 403 millions d’euros. Lui qui ne porte pas les journalistes dans son cœur devient l’actionnaire principal du groupe La Provence, et donc patron du quotidien régional marseillais. Un poste qu’il occupera jusqu’à la fin de sa vie.

L’homme politique

Mais les affaires ne suffisent pas à l’ambitieux Tapie. Dès 1988, il se pique de politique, en se rapprochant de François Mitterrand, à l’initiative du publicitaire Jacques Séguéla, leur ami commun. D’abord battu aux législatives dans la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône, il est finalement élu député un an plus tard, à la faveur d’une élection partielle, dans un territoire pourtant jugé ingagnable pour la gauche.

Si nombre de socialistes ne voient pas d’un très bon œil l’apparition de ce trublion sur la scène politique, c’est bien lui qui est choisi pour affronter, lors d’un débat mémorable, Jean-Marie Le Pen sur TF1 en septembre 1989. Face au président du Front national, il se montre à son aise, gonflant le torse, allant même jusqu’à menacer physiquement son adversaire. L‘échange est resté célèbre.

Dès lors, Bernard Tapie est incontournable. A tel point qu’en avril 1992, il est nommé ministre de la Ville dans le gouvernement Bérégovoy, poste pour lequel il accepte de lâcher les affaires.  Il est alors la véritable vedette du gouvernement, mais l’expérience tourne court. Mis en examen dans une affaire d’abus de bien sociaux, il démissionne le 23 mai 1992, moins de deux mois après sa nomination. Bénéficiant d’un non-lieu en décembre de la même année, il retrouve son poste en janvier 1993, mais la débâcle socialiste lors des législatives conduit son gouvernement à démissionner.

La carrière politique de Bernard Tapie se poursuit à l’Assemblée, puisqu’il parvient à être réélu député. En 1994, à la tête de la liste du Parti radical de gauche pour les Européennes, il parvient à la surprise générale à remporter 12% des voix. Mais ce sont les affaires, et non les défaites électorales, qui cette fois le sortiront du jeu. Condamné en première instance puis en appel dans l’affaire VA-OM, il est déchu de son mandat de parlementaire le 5 septembre 1996. La page politique est tournée.

L’amoureux du sport

C’est par une cruelle ironie que Bernard Tapie chute en tant que président de l’OM. Car c’est bien à ce poste que l’homme d’affaires a gagné en notoriété et en popularité. Quand il s’empare du club en 1986 – pour un franc symbolique, sa grande spécialité -, l’Olympique de Marseille, qui n’a plus remporté de titre depuis 1976, est un club ordinaire. Il le transformera en géant du foot européen. Avec à la clé l’inoubliable victoire en Ligue des Champions en 1993. Ce sera son dernier grand fait d’armes dans le monde du sport.

Mais il y en eut d’autres, peut-être restés moins célèbres mais tout aussi remarquables. Celui qui s’est essayé à la Formule 3 dans sa jeunesse, mais a dû renoncer après un grave accident, a vécu sa passion par procuration. Et ses premiers exploits de patron d’équipe, c’est dans le cyclisme qu’il les a décrochés. En 1984, il créé La Vie Claire, et enrôle Bernard Hinault d’abord, Greg Lemond ensuite. Le premier gagne le Tour de France en 1985, l’Américain lui succèdera l’année suivante, avec notamment une arrivée restée célèbre des deux hommes à l’Alpe d’Huez, main dans la main. Une mise en scène imaginée bien sûr par Bernard Tapie.

L’artiste

Il s’agit de l’une des archives du jeune Bernard Tapie les plus célèbres. En 1985, il reprend Le Blues du businessman et son célèbre « J’aurais voulu être un artiste ». Peu de chansons collent autant à la peau de celui qui a choisi comme nom de scène Bernard Tapy au milieu des années 1960 pour une tentative de carrière dans la chanson avortée. Car s’il a fait fortune comme hommes d’affaires, s’il a embrassé un temps la carrière politique, toujours sa fibre artistique a vibré.

Incontestablement, Tapie aime la lumière. Sa carrière de chanteur prématurément avortée, il se lance dans la comédie après ses déboires judiciaires dans les années 1990, qui l’ont rendu inéligible et lui interdisent de faire des affaires. Il joue alors en 1996 les premiers rôles dans Hommes, femmes, mode d’emploi de Claude Lelouch. La chanson, il y revient brièvement à l’occasion d’un duo avec Doc Gyneco, intitulé C’est beau la vie en 1998.

Puis c’est sur les planches qu’il fait le comédien. Dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, puis dans Un beau salaud, ou encore dans Oscar, jadis popularisé par Louis de Funès. Bernard Tapie sévit aussi sur le petit écran, dans Commissaire Valence, entre 2003 et 2008 sur TF1. Un rôle de policier pour celui que beaucoup voyaient comme un bandit, voilà qui ne manquait pas de sel…

Le patriarche

Élevé dans une famille modeste, qui ne montrait pas ses sentiments, Bernard Tapie a voulu offrir tout l’inverse à ses enfants. Qu’ils ne manquent de rien, et toujours leur apporter son soutien. D’un premier mariage, il a eu deux enfants, Nathalie, qui est toujours restée très discrète, et Stéphane, qui a suivi son paternel au gré de ses pérégrinations. Un temps animateur et producteur pour TF1, il est aussi apparu dans des épisodes de Commissaire Valence, série dont son père tenait le rôle titre. Il est aujourd’hui directeur des activités numériques du groupe La Provence, détenu par un certain… Bernard Tapie.

D’un second mariage, Bernard Tapie a eu deux autres enfants. Laurent d’abord. Lui, ce sont les traces de l’homme d’affaires qu’il a choisi de suivre. En mai 2010, il a ainsi lancé bernardtapie.com, un site censé regrouper des bonnes affaires. L’aventure a fait un flop, mais elle montre que Bernard Tapie ne s’arrête devant rien, même pas prêter son nom et son image – dans des publicités -, pour aider ses enfants.

Plus récemment, c’est la petite dernière, Sophie, qui a fait parler d’elle, en donnant de la voix. Candidate en 2012 dans The Voice, elle franchit plusieurs étapes avant d’être éliminée. Elle a sorti en 2015 un album, avec le soutien indéfectible de son père. A cette occasion, elle lui avait rendu un hommage dans Gala : « Je connais un monsieur qui est avec sa femme depuis 40 ans, c’est assez respectable à notre époque, qui a élevé quatre enfants, qui fait très bien la cuisine, et qui est toujours là quand ça ne va pas et quand tout va bien », avait glissé Sophie.

Le 1er janvier 2018, c’est aussi Sophie qui a posté l’une des dernières photos de son père. « Bonne année ! Nous allons continuer à nous battre en 2018″. Mais cette bataille, Bernard Tapie a fini par la perdre.

Avec Europe1

 

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1 Commentaire

  1. S kro
    3 octobre 2021 à 15h44 — Répondre

    Vous avez oublie l’onglet “L’escroc”
    Meme si il est loin d etre solitaire, c etait un des plus gros
    Dommage qu autant lui survivent, y compris chez nous… einh R? Einh F?!….

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