Le haut-commissaire Dominique Sorain était l’Invité de la rédaction ce mercredi, une semaine avant son départ définitif de Polynésie au terme d’un séjour de trois ans. Pour lui, la question des conséquences des essais nucléaires est à présent traitée avec un niveau de transparence jamais atteint. Dans la gestion de la crise sanitaire, l’autre grand sujet qui a marqué son mandat, c’est le souci de la solidarité nationale qui a primé sur le débat institutionnel : de manière générale le statut n’est pas une fin en soi, dit-il, mais un outil qui doit avant tout favoriser les perspectives d’avenir des Polynésiens.
À son arrivée en août 2019, Dominique Sorain disait ne pas apporter de « solutions toutes faites ». Il ne croyait pas si bien dire. La crise du Covid a effectivement demandé de la souplesse, dit-il, dans l’adaptation des mesures sanitaires, et dans l’approche de la question du nucléaire : « Je crois que c’est effectivement devenu la marque de fabrique du fonctionnement de l’État » en Polynésie.
Plus de « sujets tabous » en matière de nucléaire
Sur le nucléaire, l’un des grands reproches faits à l’État, notamment par les associations de défense des victimes lors de la visite d’Emmanuel Macron, est de ne pas avoir présenté ses excuses. « L’État, dit le haut-commissaire, ne s’excuse pas pour son histoire, mais par contre l’État fait plus que reconnaître la dette – le terme avait déjà été utilisé ; le Président de la République a dit qu’il assumait pleinement toutes les conséquences (…). Et ça ce sont des mots forts ; ça signifie qu’il n’y a pas de sujets tabous en la matière. »
Il en veut pour preuve l’ouverture de 90 000 documents des archives militaires : « c’était un sujet qui traînait, il faut bien le dire », reconnaît Dominique Sorain. Tout comme il reconnaît que pendant de longues années la loi Morin n’a produit que des effets décevants. Il dénombre aujourd’hui 250 dossiers constitués, et la mission mise sur pied par le Haut-commissariat pour aider les victimes a déjà permis d’en constituer 127. « Il y en aura d’autres », assure-t-il.
Quant au remboursement des frais engagés par la Caisse de prévoyance sociale pour soigner les maladies radio-induites, le haut-commissaire répète que l’État ne s’y oppose pas et est prêt à rembourser la CPS pour les patients que le Civen reconnaît et indemnise en tant que victimes. Reste à travailler sur le mode de calcul, « un débat de techniciens », ce sera l’un des dossiers importants des prochains mois.
Sur tous les sujets liés au nucléaire, y compris les questions de dépollution, Dominique Sorain estime que l’État « a démontré sa volonté d’aller vite ».
Sue la délinquance, Dominique Sorain affirme que « les effectifs sont toujours à un niveau satisfaisant, on aura encore quelques renforts pour la police, avec un petit recrutement local prochainement. » Le taux des atteintes aux biens est inférieur de moitié à celui constaté en métropole, « avec toutefois une inquiétude sur les vols de deux-roues », dit Dominique Sorain, mais la Polynésie conserve un taux inquiétant de violences intrafamiliales. L’État a augmenté le nombre d’intervenants sociaux de la police et de la gendarmerie, y compris dans les archipels, pour mieux traiter ces cas difficiles. Sur la question des incivilités, Dominique Sorain souhaite que les comités locaux de la prévention de la délinquance, dont l’action a été perturbée par la crise Covid, reprennent leur travail de concertation avec les forces de l’ordre.
La crise sanitaire : « On ne peut pas dire que la Polynésie n’a pas été entendue »
Si de nombreuses personnalités politiques ont pris la gestion de la crise Covid comme exemple des limites du statut d’autonomie, le haut-commissaire voit le verre à moitié plein. Les dépenses exceptionnelles de l’État se chiffrent à plus de 100 milliards de Fcfp – c’est d’ailleursAir Tahiti Nui qui a bénéficié de la plus grosse dotation du Fonds de solidarité aux entreprises sur tout l’ensemble français. « C’est la solidarité nationale qui s’exprime (…) au moment de mettre en place ces dispositifs, il n’y a pas eu l’ombre d’un doute. Et quand on voit le niveau des aides qui ont été obtenues, on ne peut pas dire que la Polynésie n’a pas été entendue », dit-il.
Dominique Sorain salue le travail accompli conjointement avec le Pays, même si certaines « franches discussions » ont été abordées avec des points de vue différents, pour concilier protection sanitaire et activité économique. En revanche, il considère que le refus de la vaccination de certaines personnalités politiques a été dommageable, parce que « c’est la vaccination qui a permis de nous en sortir, d’éviter ces mesures de confinement qui n’en finissaient plus. » Et qu’un taux plus élevé de vaccination aurait certainement évité d’en arriver à un bilan de près de 700 morts.
Alors que les chiffres des contaminations repartent à la hausse et que le vaccin est disponible, il n’est donc pas envisagé de revenir à des restrictions de liberté telles que la Polynésie les a connues, assure Dominique Sorain, qui à titre personnel encourage les Polynésiens à un respect renouvelé des gestes barrière.
Quant à laisser des conseils à son successeur – qui n’est toujours pas nommé -, Dominique Sorain s’en garde et le confie aux bons soins de « l’équipe solide » du Haut-commissariat, mais lui recommande tout de même « l’écoute et l’immersion dans la culture polynésienne, c’est ça qui est important avant tout. »