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Du horue aux « tontons surfeurs », Tahiti au cœur de l’histoire du surf


Jean-Christophe Shigetomi, surtout connu pour ses recherches sur les Polynésiens dans les guerres, a aussi beaucoup travaillé sur l’histoire du surf. Une histoire dont Hawaii assume souvent la paternité. Mais pour l’historien, c’est bien en Polynésie orientale que le horue est né, et c’est d’ailleurs à Tahiti que les Européens l’ont observé pour la première fois. La pratique, malgré la colonisation, « n’a jamais cessé » et a connu une renaissance locale à partir des années 60, autour de nouveaux pionniers : Henere Lucas, les frères Paofai, les Leboucher, avant les champions de la « vague tahitienne », qui dominera le surf français pendant de longues années. Avec les JO de Teahupo’o, l’épicentre mondial du surf reviendra « là où tout a peut-être commencé. »

Beaucoup le connaissent pour son expertise sur les guerres et la façon dont les Polynésiens les ont traversées. Tamari’i volontaires, poilus, opération Bobcat, Indochine ou Corée… Jean-Christophe Shigetomi écrit en historien autant qu’en passionné. Et c’est cette démarche qu’il a voulu, à force de demandes d’amis et d’institutions, appliquer à un autre sujet de cœur : le surf, dont il est un pratiquant invétéré. Une histoire pour laquelle il a utilisé « les mêmes méthodes de travail que sur les Tahitiens dans la guerre, précisait-il ce matin sur le plateau de Radio1. C’est à dire en épluchant les archives, en recueillant des témoignages. J’ai eu la chance de pouvoir interviewer tous ces acteurs du surf d’hier que je côtoyais et que je connaissais bien. »

Cook, la Bounty, les vahine et le horue

Ces recherches, ils les avaient commencées avant que Tahiti ne soit définitivement choisi pour accueillir les épreuves olympiques de surf de 2024. Mais l’approche de l’évènement leur a donné plus d’attrait : dans les semaines à venir, l’histoire du surf sera au centre de multiples publications de magazines, de panneaux d’information ou de vidéos, commandées par les pouvoirs publics ou des entreprises touristiques, de documentaires locaux ou internationaux, et même d’une exposition collective en préparation au Musée de Tahiti et des îles… À chaque fois la même question : que sait-on vraiment sur la naissance du surf ? « On sait que la glisse c’est quelque chose de profondément océanien, et commun à beaucoup d’îles du Pacifique », répond Jean-Christophe Shigetomi. À chacun ses vagues, ses récifs ou ses plages, à chacun ses planches, en bois et massives pour l’essentiel… Le horue a même eu des significations différentes selon les îles et les périodes. « Au départ, dans les premiers écrits, le surf est relativement sacralisé. Il y a un lien avec le divin, avec le mana et il est souvent réservé aux élites, avec notamment des femmes qui, dans les témoignages, excellent dans cette pratique, détaille l’historien. Mais à un moment donné, le horue s’est démocratisé, c’est à dire qu’il a été pratiqué par l’ensemble des populations et en l’occurrence souvent par les enfants, par les jeunes… »

Un sport en évolution, donc, et en expansion : « Je pense que le surf, il est né en Polynésie orientale, c’est à dire que c’est nos îles, y compris les Samoa, les Cook, et même les Fidji. » Ce n’est qu’ensuite qu’il s’est exporté dans le reste du triangle polynésien.

C’est d’ailleurs bien à Tahiti qu’ont été faites les premières observations de la pratique du horue par un occidental : « Elle a eu lieu en mai 1769, c’est à dire lors du premier voyage du capitaine Cook, explique l’historien. Et cette observation, elle a été faite par Joseph Banks qui était un naturaliste qui l’accompagnait. » Suivront une myriade de témoignages de navigateurs européens, dont celui du quartier-maître de la Bounty, James Morrisson, qui avait décrit dans son journal la « rapidité extraordinaire » des pratiquant tahitiens sur leur grande planche de bois. Ou celui du corsaire américain David Porter, qui observe, début XIXe aux Marquises, les mêmes pratiques dans les vagues que celles qu’il avait vues à Hawaii.


De magazines en star olympiques, Hawaii popularise et modernise

Hawaii, justement, semble avoir revendiqué avec succès la paternité du surf auprès du monde occidental. La raison est simple : les premiers « croquis » publiés en Europe sur cette pratique se basent sur les observations faites dans les « îles Sandwich », telles qu’elles avaient été nommées par James Cook lors de son premier voyage. « Mais en fait le triangle, le moyeu polynésien, il part bien de Raiatea, il part bien des îles de la Société, avant de gagner donc les îles Hawaii, puis après Aotearoa, l’île de Pâques, reprend Jean-Christophe Shigetomi. Je pense que dans le fait d’accueillir les Jeux Olympiques, du moins la discipline surf à Tahiti, il y a un clin d’oeil… Est ce que n’est pas en fait revenir là où tout a commencé ? »

Hawaii a tout de même joué un rôle capital dans l’histoire du surf, et dans sa propagation. C’est d’Oahu que venaient les premières illustrations, parues, fin XIXe, dans les magazines américains, et ce sont des Hawaiiens qui allèrent faire des démonstrations sur la côte californienne. C’est surtout un Hawaiien, le champion olympique de natation et « waterman » mythique Duke Kahanamoku, qui, à partir des années 20, a popularisé la pratique auprès du grand public américain et même australien, ouvrant la porte aux premières compétitions. De cette renaissance et ce succès international du surf, le fenua a été un temps exclu. Mais pour Jean-Christophe Shigetomi, et contrairement à ce que beaucoup d’autres indiquent, la pratique ne s’est pas perdue et n’a pas non plus été interdite par les religieux. « On a des témoignages constants de voyageurs, d’auteurs comme James Norman Hall, de personnalités comme la reine Marau, qui décrivent la pratique du surf ancestral », à la Presqu’île, à Papara, près des embouchures de rivières… Ça ne s’est jamais arrêté. »

« Les tontons surfeurs » repartent à l’export

Et Tahiti a fini par prendre la vague du surf moderne, à partir des années 60, sous l’impulsion de visiteurs étrangers, notamment l’équipe du film Endless Summer, qui importent des planches plus légères et plus profilées. Parmi les « pionniers » modernes, les « tontons surfeurs », comme les appelle l’historien : il y a Henere Lucas, résident d’Arue qui va revenir des États-Unis avec de l’expérience de glisse. « Quand il revient, il va y avoir tout un groupe qui va se lier à lui et notamment les frères Paofai, puis les Leboucher, tous ces pionniers qui vont faire de premières compétitions locales, qui vont aller tâter des compétitions hawaiiennes en allant au Smirnoff, à Sunset Beach, continue Jean-Christophe Shigetomi. Et puis après, bien sûr, il va y avoir toute cette période que la Fédération française de surf appelle la vague tahitienne où pendant quatorze ans, à partir de 1971, les Tahitiens rentrent dans le circuit compétitif national et vont truster tous les titres. Jusqu’à ce que le premier champion du monde français soit un Tahitien, Vetea David », chez les juniors en 1986, face à un certain Kelly Slater.

Une histoire qui mérite d’être connue et contée. L’approche de de l’épreuve olympique de Teahupo’o, et son écho médiatique mondial, devrait y aider.

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1 Commentaire

  1. Teiva Hoki
    5 février 2024 à 6h17 — Répondre

    Merci JCS pour ces précisions. Quand je pense que quelques crét.ns voulaient empêcher la réalisation de cet événement ici à Tahiti !!!

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