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Eaux internationales, atolls isolés et oiseaux en danger… La « multi-missions » du Bougainville


Le « B2M » de la Marine nationale est retour à la base navale après plus de deux mois en mer. Une mission de « police des pêches » avec des contrôles de navires étrangers bien au-delà de la ZEE, doublée d’une mission de reconnaissance d’îles isolées des Tuamotu. À bord, des bénévoles de la SOP-Manu ont pu effectuer des comptages inédits d’espèces d’oiseaux marins et endémiques… De quoi envisager des opérations de dératisation et de réintroduction pour éviter leur extinction.

Dans la Marine nationale, le Bougainville est ce qu’on appelle à B2M pour « bâtiment multi-missions ». Et le navire, revenu à quai ce matin, a encore une fois prouvé qu’il méritait cette qualification après deux mois d’opérations en mer qui ont mêlé police des pêche, reconnaissance d’atolls, études scientifiques et contacts avec les des populations isolées. Quand le Bougainville et sa vingtaine de membres d’équipage a quitté la base navale en mai dernier, il met le cap vers les limites de la ZEE polynésienne, et même bien au-delà, au large des Marquises et des Kiribati. Le but : repérer, interroger, et même, quand ils sont assez proches des eaux françaises, visiter et inspecter des navires de pêche étrangers. Car même dans les eaux internationales, les règles existent, et la Marine nationale a autorité pour les faire respecter. « Il n’y a pas pêche illégale dans la ZEE française, c’est certain, il n’y a pas de pêcheurs étrangers, explique le capitaine de corvette Martin Nicolas. En revanche, hors de la ZEE, on constate quelques infractions : des journaux de bord mal remplis, des systèmes de positionnement pas aux normes… Ça reste des infractions mineures, en comparaison de ce qu’on pourrait attendre. Parfois, on se demande par exemple si on ne va pas trouver des cargaisons de requins qui sont interdits de pêche. Jamais on en a trouvé sur nos visites ».

Des visites qui sont pourtant très régulières à bord des bateaux étrangers. Il faut dire que le Bougainville, avec ses deux équipages qui se relaient, peut passer près de 260 jours en mer par an, principalement dans la ZEE. Car la surveillance des pêches n’est pas la seule mission de la marine, loin de là. Après plusieurs semaines dans les eaux internationales, le B2M s’est dirigé vers les Gambier et les Tuamotu pour aller « reconnaitre des atolls » isolés. Vanavana, Akiaki, Tepoto, Iti, Tuanake, Taenga, Marokau, Hikueru, Takume Raroia, Toao… Des atolls faiblement habités ou fréquentés seulement ponctuellement, pour la pêche ou la coprahculture. La vingtaine de membres d’équipage du navire a pu aller à la rencontre de ces populations, « On doit être en mesure d’intervenir dans chaque atoll, en cas de risque de catastrophe naturelle par exemple, connaitre les passes et les infrastructures, montrer à la population qu’on est en mesure de les aider », reprend le « pacha » de l’équipage A.

Dératisation et réintroduction

Le navire de 65 mètres, équipé de cabines supplémentaires à ceux de l’équipages et d’une grande plage arrière est aussi très pratique pour embarquer des missions scientifiques. Cela avait été le cas en 2021 avec Kivi Kuaka, programme qui veut faire des oiseaux migrateurs des sentinelles des tsunamis, cela a été le cas pendant cette mission avec les bénévoles de la Société d’ornithologie polynésienne « Manu », qui ont embarqué pour la deuxième partie de la mission. Une « bénédiction » pour ces spécialistes des oiseaux qui ont pu accéder à des atolls jusque là très peu étudiés. Sur place, avec l’aide des baleiniers du Bougainville, et même de certains membres d’équipage, formés pour l’occasion, ils ont  pu observer, compter, photographier les espèces présentes sur les plages ou dans la végétation des motu… bref, un dresser un bilan de biodiversité.

« On a pu répertorier une douzaine d’oiseaux, marins et endémiques, et 5 qui sont endémiques des Tuamotu, comme la Rousserole des Tuamotu ou le Ptilope, ce petit pigeon vert avec un pompon rose, explique Jeannine Parau, membre du bureau et bénévole active depuis 10 ans dans l’association. C’est rassurant parce qu’on a pu constater que sur certains atolls, sur certains motu, ils existent encore. Par contre sur certains autres, ils ont complètement disparu, à cause des rats ».

Ça n’est pas une nouvelle : le rat noir et le rat polynésiens font des gros dégâts sur les populations d’oiseaux. Certaines espèces endémiques comme les Titi, dits aussi Chevalier des Tuamotu, qui ne peuvent pas nicher quand le rongeur est présent, sont en danger critique d’extinction. Cette mission justement pourrait permettre de repérer des sites de réintroduction qui seraient dératisés et protégés, afin de faire renaitre une population. La Sop-Manu va prendre quelques semaines pour « mettre à plat » les résultats de ses observations. En attendant, deux de ses bénévoles embarqueront avant la fin du mois pour une autre mission à bord du Bougainville, cette fois pour trois semaines direction Rapa et les Australes, avant de partir vers les îles Cook.

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