Le président du Pays a recadré ce matin plusieurs élus pour leurs sorties sur la crise Covid. Il dénonce fermement les propos de Tony Géros sur « l’euthanasie » à Taaone, et lui promet des poursuites judiciaires. Il dénonce aussi les réticences de Gaston Tong Sang sur la vaccination, incohérentes selon lui avec sa qualité d’élu et son vote pour l’obligation vaccinale à l’assemblée. Le discours est moins nominatif, mais tout aussi ferme du côté du haut-commissaire Dominique Sorain.
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Deux responsables et une contre-attaque. C’est d’abord Dominique Sorain qui a sonné la charge, ce matin, contre « l’entreprise de dépréciation » lancés selon lui contre la prise en charge hospitalière des malades. « Certains n’hésitent plus à promouvoir publiquement des thérapies et soins alternatifs, au détriment des prises en charge médicales spécialisées, explique le haut-commissaire. Ce sont les mêmes qui contribuent à une entreprise de dépréciation de la qualité du système de santé polynésien ainsi que des apports de la science et de la médecine moderne ». Particulièrement visés par ces critiques, suspicions, insinuations « ou même menaces », le CHPF et ses équipes, auxquelles le représentant de l’État réitère son soutien et ses félicitations.
Euthanasie : des accusations « injustes » et « scandaleuses »
Pas de noms, bien sûr, du côté du haut-Commissaire. Mais Édouard Fritch sera, en fin de discours, interpellé sur une sortie particulièrement commentée : celle d’Anthony Géros. La maire de Paea avait, tout en affirmant sa « confiance » dans l’hôpital public, dénoncé certaines pratiques et notamment un cas de patient Covid grave décédé à l’hôpital, qu’il avait décrit comme une « euthanasie ». Assurant que l’élu tavini était « un ami », le président du Pays a tout de même jugé ses propos « intolérables ». « Je trouve scandaleux et inadmissible qu’on jette l’opprobre sur le personnel médical », insiste le président qui prend pour témoins les volontaires calédoniens qui s’étaient montrés impressionnés le dévouement exceptionnel des soignants du CHPF. Pas question, donc, d’en rester là sur les propos du tavana : « Vous rendez-vous compte de cette accusation ? Je vais examiner la situation avec les juristes, mais je porterai plainte ».
Des plaintes, le haut-commissariat en aurait aussi enregistré suite à « plusieurs des propos qui ont été tenus outrepassant la liberté d’expression et certains comportements sont susceptibles de relever d’une qualification pénale ». « Des investigations sont en cours » a précisé Dominique Sorain. Le représentant de l’État, très à l’offensive, aborde aussi les réticences et oppositions au vaccin, souvent associées à des informations trompeuses très répandues sur les réseaux sociaux. « Que l’on s’interroge sur le vaccin est une réaction normale, en revanche, ne pas faire l’effort de se renseigner sérieusement auprès d’un professionnel est une négligence qui peut coûter très cher » explique Dominique Sorain, qui martèle que 90% des décès Covid recensés sont des personnes non-vaccinées. Le responsable demande donc à « l’ensemble des représentants des institutions publiques, du monde économique, de la communauté médicale et des confessions religieuses de faire preuve de cohérence et de lucidité » sur la question. « Notre rôle n’est pas de contribuer à la confusion des esprits mais bien d’éclairer le chemin qui nous conduira à sortir d’un monde profondément affecté par ce virus ».
Gaston Tong Sang, le transgressif
Là encore pas d’élu nommément cité, une référence à une autre prise de parole politique très remarquée, dans la majorité Tapura cette fois. La semaine passée, le président de l’assemblée de la Polynésie Française, Gaston Tong Sang avait confirmé sur Radio Bora Bora qu’il n’était pas vacciné, interrogeant sur la nécessité de l’être alors qu’il a été contaminé par le Covid il y a presque un an. Le maire de Bora Bora avait au passage critiqué la gestion de la crise sanitaire, du confinement au pass inter-îles, en passant par la loi sur l’obligation vaccinale qu’il a pourtant votée. Un discours en sérieux décalage avec celui d’Édouard Fritch, qui a appelé ce matin encore à avancer vers l’immunité collective par la vaccination, et qui avait préféré feindre, jusqu’à présent, d’ignorer cette différence d’opinion. « C’est au moins un homme honnête : il l’avoue, il le dit, il l’explique », tente le président du Pays. Sur le sujet des mesures sanitaires prises aux Raromatai, et que GTS estime trop restrictives, le chef de file du Tapura renvoie le débat vers les autres tavana des îles Sous-le-Vent, qui « ont été consultés », « ont demandé ces mesures », voire davantage, au Haut-commissariat et au Pays.
Quant à la vaccination, Édouard Fritch se dit « gêné et chagriné » par le positionnement de Gaston Tong Sang. Le président du Pays doit quoiqu’il arrive rencontrer celui de l’assemblée la semaine prochaine avant l’ouverture de la session de l’APF. La réunion promet d’être animée, puisque Édouard Fritch avait assuré, après le vote de la loi sur l’obligation vaccinale que recevoir ses deux doses était « une obligation morale » qu’il comptait bien faire respecter chez tous les élus de sa majorité, « premiers concernés » car « au contact du public ». « On ne peut pas voter une loi et ne pas l’appliquer, s’agace le leader du Tapura. Sinon ça s’appelle de la transgression ».