Devant la Quatrième commission de l’ONU, le président du Pays a souligné « le soutien entier » de la France dans la lutte contre le Covid-19, répétant que la Polynésie « n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser » tandis que les représentants du Tavini ont notamment cité Emmanuel Macron : « la colonisation est un crime », appelant l’État à joindre l’acte à la parole.
Édouard Fritch, le président du Pays, Moetai Brotherson, député à l’Assemblée nationale, Chantal Galenon, représentante Tavini à l’assemblée et Carlyle Corbin, correspondant du Tavini, ont été entendus ce matin à New York par la Quatrième commission de l’ONU. Comme chaque année, il s’agit de faire le point sur la situation polynésienne et chaque partie défend ses positions. Le président Édouard Fritch a notamment souligné le « soutien entier » de l’État français dans la lutte contre le Covid-19 avec l’envoi de soignants et de vaccins et la mobilisation d’aides financières pour les mesures d’urgence. Il a expliqué être « perturbé et préoccupé par les menaces qui pèsent sur notre région par les confrontations géopolitiques et géostratégiques au sein du Pacifique ». Ces « crispations entre grandes puissances » est un sujet « plus vital pour l’équilibre du monde que celui de la ‘décolonisation de la Polynésie’ ».
Pour conclure, Édouard Fritch a précisé que « nous dirigeons et gérons notre Pays. Notre destin est bien entre nos mains. La Polynésie française n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser. l’indépendance peut convenir à certains pays, et pas à d’autres. L’indépendance n’est pas la seule voie ou la voie miracle qui permet à un peuple d’être heureux. La dignité d’un peuple ne se construit pas nécessairement dans l’indépendance. D’autres voies sont possibles, et elles sont évoquées dans la Charte des Nations Unies ».
Il a également invité à nouveau une mission onusienne à venir en Polynésie pour « évaluer par elle-même la situation ».
Du côté du Tavini, ce n’était évidemment pas le même son de cloche. Le député Moetai Brotherson a repris l’exemple de la gestion de la pandémie pour souligner que « l’on a pu voir qui était le véritable patron de la Polynésie française : le haut-commissaire Dominique Sorain, et que celui-ci avait un serviteur fidèle : Édouard Fritch ». Il a déploré les deux positions très différentes de l’État français sur deux territoires pourtant similaires que sont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. D’un côté, la participation et la coopération totales, avec des missions de l’ONU supervisant les trois référendums depuis le début et de l’autre le déni, la défiance et le mépris des résolutions de l’ONU adoptées depuis le 17 mai 2013. Malgré les invectives d’Emmanuel Macron lors de sa visite : « Malheur aux petits, malheur aux isolés », pas question d’être des « pions sur le jeu d’échecs de quelqu’un d’autre », a prévenu le député.
Mais Moetai Brotherson a également trouvé des points positifs dans le discours d’Édouard Fritch, notant que celui-ci n’avait pas demandé le retrait de la Polynésie française de la liste des territoires à décoloniser, « contrairement aux années précédentes ». Et il était satisfait de l’invitation aux Nations Unies de venir sur place, faite par le président. Dans son intervention, Moetai Brotherson a invité ses « frères autonomistes » et l’État de « cesser cette posture de déni de la réinscription et d’entamer des discussions entre adultes sur la mise en place d’un processus de décolonisation et d’autodétermination à l’instar de ce qui existe en Nouvelle-Calédonie ». On peut justement se demander à quoi servent ces réunions annuelles puisque chaque partie campe sur ses positions et finalement, rien n’avance…
Toujours du côté des indépendantistes, Carlyle Corbin, expert des Nations Unies et correspondant du Tavini, a déclaré que « les réformes internes entreprises dans des territoires tels que la Polynésie française ne constituaient pas une décolonisation et que seul un véritable processus de décolonisation supervisé par les Nations Unies ferait foi ». Chantal Galenon, représentante Tavini à l’assemblée, a qualifié « d’illusoires » les tentatives du président Fritch de justifier le néocolonialisme ; elle a également parlé des 30 années d’essais nucléaires, répétant les difficultés des victimes à obtenir réparation ; et a conclu en citant le Président de la République, Emmanuel Macron : « La colonisation est un crime », lui demandant de « joindre l’acte à la parole ».
Une résolution sur la Polynésie française doit être adoptée d’ici la fin de la semaine.