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Édouard Fritch plaide pour le couvre-feu… au nom de la « démocratie »

Alors que la France entame une levée progressive des mesures de restrictions sanitaires, le président a rappelé que l’ensemble des tavana soutenaient le couvre-feu. Et assure même que c’est aussi le cas de la majorité de la population.

« C’est l’outil le plus efficace que nous ayons eu à notre disposition ici ». Dominique Sorain et Édouard Fritch sont d’accord : en « cassant les rassemblements festifs », à l’origine de nombreux foyers de contamination lors de la réouverture de juillet, le couvre-feu « a permis d’avoir des résultats » dans la gestion de la crise. Mais dans les discours, c’est bien le président qui a semblé plus insistant sur la nécessité de maintenir cette mesure inédite, en place depuis plus de 7 mois. J’entends quelques esprits procéduriers qui brandissent l’entrave à la liberté d’aller et venir, a ainsi pointé Édouard Fritch. J’affirme que tous les maires de Polynésie désirent le maintien du couvre-feu dans les conditions actuelles. J’affirme qu’une grande majorité de la population polynésienne désire le maintien du couvre-feu dans les conditions actuelles. Aussi, lorsque certains parlent d’entrave à la liberté, c’est sans doute d’une minorité. En démocratie, on m’a toujours dit que c’est la légitimité du plus grand nombre gagne sur le petit nombre ».

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Légitime démocratiquement le couvre-feu ? Le chef du gouvernement, qui n’est pas décisionnaire sur ce sujet, ne met en avant ni sondage ni étude pour appuyer cette analyse. Mais le message, lui est clair : à Tahiti et à Moorea, « le couvre-feu sera maintenu de 22h à 4h du matin, tous les jours de la semaine ». Et le Pays semble prêt à demander à l’État le maintien de la mesure aussi longtemps que possible. « Le calme est revenu dans le pays, il y a moins d’accidents de la route, moins de dérapages dans nos quartiers et tout ça est bien sûr favorable à la vie de notre société », précise le président, qui assure tout de même, un peu plus tard, que le couvre-feu est « bien sûr lié à la pandémie ». Cette interdiction de circuler n’est-elle pas surtout arrangeante pour les autorités locales, qui ont à déployer moins de moyens pour la sécurité ? « Quand on lutte contre l’alcoolisme, avec les accidents à partir de minuit sur la route, lorsqu’on lutte contre le bruit, lorsqu’on lutte contre ces jeunes dans la rue à 11 heures, je pense que c’est plus dans l’intérêt général que ce couvre-feu intéresse les responsables de l’ordre public », répond Édouard Fritch.

La Polynésie suspendue aux évolutions nationales

Si le président se montre insistant sur ce point, c’est qu’au niveau national les élus planchent en ce moment même sur une loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Et cette sortie passe notamment par un allègement du couvre-feu. Après un passage de 19 heures à 21 heures la semaine dernière, en métropole l’interdiction de circuler devrait être repoussée à 23 heures dès le 9 juin. Le 30 juin, « si la situation sanitaire s’est améliorée », le couvre-feu pourrait être purement et simplement supprimé. Dominique Sorain, s’il rappelle lui aussi les intérêts du couvre-feu en Polynésie, laisse entendre que le fenua pourrait suivre cette évolution. Le haut-commissaire rappelle au passage une évidence : le couvre-feu est une « atteinte aux libertés » et « un système tout à fait exceptionnel ». Malgré son « efficacité » en Polynésie ou ailleurs, il n’y aura d’ici quelques semaines « plus de raison de mettre en place un couvre-feu pour des raisons sanitaires ». « Dommage » souffle, en fond, le président Édouard Fritch.

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Le couvre-feu moins contraignant qu’en métropole : oui, mais…

Édouard Fritch et Dominique Sorain ont tout deux pris soin de souligner, dans leur discours, que le couvre-feu a « toujours été moins contraignant » en Polynésie qu’en métropole. Et il est vrai que, dans la dureté des mesures de lutte contre la deuxième vague épidémique, la Polynésie, qui avait été la première a mettre en place la mesure en sortie du premier confinement, a eu droit à un régime plus souple que le reste du territoire. Dans l’Hexagone, le couvre-feu a été mis en place à partir du 17 octobre d’abord dans les grandes métropoles, puis, à partir du 22 octobre, à l’échelle nationale. Il s’étale alors de 21 heures à 6 heures du matin, et la Polynésie, qui l’applique à son tour du 4 octobre, bénéficie d’une « dérogation » pour le lever dès 4 heures. Et s’il faudra atteindre le 19 février pour que l’heure d’interdiction de circuler soit repoussée à 22 heures (d’abord deux jours par semaine, puis toute la semaine mi-mars) à Tahiti, la métropole évoluera d’abord dans le sens inverse : couvre-feu à 20 heures fin décembre, puis à 18 heures dans certaines zones à incidence élevée, à partir du 2 janvier. Douze heures d’interdiction de sortir, qui ne seront allégées que le 20 mars (19 heures) puis le 19 mai (21 heures) côté Hexagone.

Mais ce qu’oublient de dire les deux responsables, c’est que ces mesures ont globalement suivi le taux d’incidence en métropole, où la deuxième vague épidémique ne s’est jamais complètement arrêté. L’incidence nationale actuelle, de 124 cas pour 100 000 habitants sur une semaine, et qui justifie en métropole un allègement voire une suppression du couvre-feu, la Polynésie l’avait atteinte dès le 18 janvier. Et si l’incidence était à plus de 700 cas par semaine pour 100 000 habitants lors de la mise en place de la mesure, elle était la semaine dernière à 9 cas/ 100 000. Le couvre-feu polynésien, lui, n’a depuis quasiment pas bougé.