À 48 heures de la fin des concessions de Nuku Hiva, Hiva Oa et Ua Pou, le PDG d’EDT a répété aux tavana qu’il n’accepterait pas un report de quelques mois. Seules options pour les trois îles : reprendre elles-mêmes des réseaux qu’elles ne sont pas préparées à gérer, ou accepter une des offres qu’elles ont jusqu’à présent laissé de côté, dont celle d’Engie. Une ultime réunion de négociation est prévue vendredi avec EDT.
Le compte à rebours continue de défiler pour Nuku Hiva, Hiva Oa et Ua Pou. Les concessions d’électricité de trois îles des Marquises arrivent à leur terme le 31 décembre à minuit. Les communes, sous concession EDT depuis des années, avaient bien lancé une procédure d’appel d’offres pour les renouveler. Elles s’étaient même montrées proactives, en lançant des travaux préparatoires dès 2019, et en y mêlant la Codim et deux îles jusque là en régie, Tahuata et Fatu Hiva. Mais les offres reçues dans le courant de l’année n’ont pas convaincu. Ni celles des groupements Uira Mana et Énergie des îles (une alliance entre Cegelec et la Polynésienne des eaux), qui tentent de se faire une place dans un secteur dominé par EDT, ni celle d’Électricité de Polynésie (EDP), filiale d’Engie spécialement créée pour contenter les marchés des îles. Pour gagner du temps, et relancer un appel d’offres mutualisé, les trois maires demandent à l’opérateur historique de reporter son départ à septembre prochain. Mais son directeur général, qui échangeait avec eux en vidéoconférence hier, l’a répété : « les conditions ne sont pas réunies » pour prolonger. « Les concessions s’organisent sur le long terme, il faut de la visibilité, là les demandes sont arrivées très tardivement » – jusqu’à la semaine dernière – et après un long silence des communes, rappelle François-Xavier de Froment. Le dirigeant évoque des difficultés techniques, financières, et contractuelles qui serait associées à une prolongation de quelques mois. Bref, EDT n’a « pas pu planifier l’exploitation au delà du 31 décembre ». Et n’a surtout aucun intérêt à prolonger.
Le renouvellement de la concession ou le départ
Pour autant, les offres d’Engie, formulées dans le cadre des appels d’offres au travers d’EDP, restent valides, comme celle de ses concurrents, jusqu’à début février. Le groupe ne pourrait donc pas s’engager pour neuf mois, mais pourrait le faire pour 10 ou 20 ans ? Une question de visibilité, précise François-Xavier de Froment. « Engie a mis 12 milliards de francs sur la table pour financer la transition énergétique dans le cadre des appels d’offres actuels, rappelle le PDG. Avec une visibilité de 20 ans, ça nous permettait d’amortir l’investissement. Ça nous permettait de répondre aux volontés des communes (qui ont notamment demandé une progression à 75% de la part de renouvelable dans la production, ndr), sans impacter de façon trop forte les usagers ». Un calcul qui ne tient pas à court terme : « Si on n’a que des échéances entre 3 et 9 mois, il n’y a pas d’investissement envisageable, et on va avoir un service qui va se dégrader ». Hors de question pour l’opérateur historique, qui refuse de gérer les réseaux « avec l’incertitude comme mode de fonctionnement ».
« On ne laisse pas tomber les îles »
EDT-Engie prépare donc bien un transfert des concessions le 1er janvier. Ce qui implique pour les communes, d’ici 48 heures, d’intégrer une vingtaine d’employés attachés aux concessions dans les équipes municipales, d’assumer la gestion du réseau et sa maintenance, et d’assumer les services administratifs, informatiques ou financiers qui vont avec. Les maires des Marquises le reconnaissent sans détour : ils n’y sont bien sûr pas préparés. Et si les trois communes « restent soudées », la maire de Hiva Oa Joëlle Frébault ne cache pas son inquiétude quant aux semaines à venir. Elle n’est pas la seule : la CSIP, où on craint des conséquences pour les employés de la concession, comme pour ses usagers, a déposé un préavis de grève parmi les agents des Marquises début janvier. Mais pour EDT hors de question d’être tenu pour responsable de ces perturbations annoncées. La filiale d’Engie rappelle qu’elle avait déjà accepté un premier report des concessions en 2020, puis un second, en septembre. Les mairies avaient alors demandé trois mois de délai là où la loi en autorisait 12. Et François-Xavier de Froment assure avoir tenté de les convaincre de signer jusqu’à septembre prochain. Refus des Marquises, conseillées depuis le début de la procédure par un spécialiste du cabinet Egis, et pas question de faire machine arrière aujourd’hui. « On ne laisse pas tomber les îles, insiste le PDG. Toutes les îles sous concession avec EDT ont eu une solution alternative et compétitive proposée par Engie ».
La péréquation a « biaisé l’interprétation »
Si Engie hausse le ton, c’est peut être aussi parce qu’elle perd en parallèle quatre de ses marchés aux îles Sous-le-Vent. « On comprend que ça les rende prudents », convient Joëlle Frébault, qui comme les autres maires des Marquises demande à EDT un traitement différencié de celui de Tumaraa, Taha’a, Taputapuatea ou Huahine. Quatre communes qui après avoir déclaré leurs appels d’offres infructueux, et sans même avoir négocié ou en avoir informé les candidats, se sont alliées pour reprendre leur réseau électrique elles-mêmes, grâce à une société dédiée. Un affront, et un échec pour Engie, qui là aussi, refuse de prolonger le marché au-delà d’avril et préparer sa propre éviction. Quant à savoir pourquoi ses offres ne convainquent pas les tavana, le PDG d’EDT pointe vers la péréquation qui aurait « biaisé l’interprétation » des mairies :
Si beaucoup se posent la question de la capacité réelle des îles à assumer elle-mêmes la production et la distribution de l’électricité, les pertes de marchés vont aussi avoir des conséquences pour EDT-Engie. En terme de chiffre d’affaires, bien sûr, d’effectifs, et d’économies d’échelle. Rien n’est pourtant joué, même aux Marquises, où les communes continuent de demander le report, mais s’interrogent pour certaines sur une attribution d’urgence de leur marché en toute fin d’année. « Pour l’instant, ça n’est pas la voie envisagée par la Codim », précise Joëlle Frébault, qui rappelle que « le cabinet de conseil » encourage les communes à relancer un appel d’offres mutualisé. Mais la position peut encore changer. Une nouvelle rencontre avec EDT est prévue vendredi au dernier jour de la concession. Du côté des tavana on ne cache pas son inquiétude : si aucun terrain d’entente n’est trouvé, le réseau pourrait être difficile à gérer dès le début d’année.