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Emmanuel Macron peut-il s’appuyer sur la jurisprudence Fritch pour briguer un 3e mandat ?

Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, bon nombre de débats et théories plus ou moins sérieuses animent les coulisses du monde politique. Le président Macron a exclu toute possibilité de démission en cas de défaite aux législatives, mais pourrait-il se présenter à nouveau en 2027 s’il changeait d’avis ? La jurisprudence Édouard Fritsch, autorisé à briguer un troisième mandat au fenua sous prétexte que son premier n’avait duré que quatre ans au lieu de cinq, alimente les fantasmes.

C’est une théorie qui revient ici et là, aussi bien dans les sphères complotistes que chez certains commentateurs de l’actualité politique. Emmanuel Macron pourrait-il démissionner en cas de défaite aux législatives ? Le président a écarté cette idée en ce début de semaine. Toujours est il que d’aucuns y voient là une possibilité pour le chef de l’État de briguer un troisième mandat présidentiel dès 2027.

Selon l’article 6 de la Constitution de la Ve république, « le Président est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutif ». S’il va au bout de son deuxième quinquennat, entamé en 2022, Emmanuel Macron ne pourrait donc pas briguer un troisième passage à l’Elysée lors de la prochaine présidentielle. Il ne pourrait, s’il le souhaitait, se présenter qu’en 2032.

Mais qu’en serait-il en cas de démission après les législatives ? Le président du Sénat, Gérard Larcher, assurerait l’intérim, en attendant l’organisation d’une élection présidentielle. Emmanuel Macron pourrait-il alors se représenter, n’ayant pas effectué son second mandat dans son entièreté ? Plusieurs internautes relèvent en effet une jurisprudence du Conseil d’Etat, tout droit venue de Polynésie.

Le mandat incomplet de Fritch avait joué en sa faveur

Une décision qui avait autorisé Édouard Fritch à se présenter pour un troisième mandat de président de la Polynésie française en 2022, alors que la loi organique précise pourtant qu’il n’est pas possible d’exercer plus de deux mandats de cinq ans consécutifs. À l’époque, le Conseil d’État avait relevé que le premier mandat d’Édouard Fritch n‘avait duré que quatre ans : le maire de Pirae avait été élu président pour la première fois en 2014, prenant le relais du mandat de Gaston Flosse, initialement élu en 2013 mais déclaré inéligible un an plus tard par la justice. Avant l’élection de 2023, Édouard Fritch ne comptait donc, dans les faits, qu’un seul mandat de cinq années pleines à son actif, son deuxième : celui portant sur la période 2018-2023. Ce qui lui avait permis de se présenter aux territoriales 2023.

S’il venait à démissionner, Emmanuel Macron pourrait-il tenter la même pirouette ? L’ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas avait imaginé un tel scénario, dans un article publié en 2022 sur Le Club des juristes ».« Un esprit facétieux pourrait donc soutenir que puisque la Constitution ne prescrit pas l’interdiction d’une troisième candidature, elle est donc possible. Surtout si elle suit une démission qui serait venue interrompre l’accomplissement d’un second mandat de cinq ans », écrivait alors l’ancien Garde des Sceaux.

Différences de textes

De son côté, le spécialiste de la Constitution Jean-Philippe Derosier n’est pas convaincu par cette théorie. Interrogé par le quotidien La Montagne, il pointe des différence de texte entre la loi organique de Polynésie française et la Constitution. « La loi organique relative à la Polynésie française, dans son article 74, précise que nul ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans consécutifs. À partir du moment où on fixe la durée, effectivement, on peut avoir l’interprétation qui a été faite par le Conseil d’état », dans le cas d’Édouard Fritch. « Mais l’article 6 de la Constitution ne fait pas référence à plus de deux mandats de cinq ans », mais simplement à deux mandats, sans précision de durée, ce qui fait la nuance.

Un avis partagé par Didier Maus, ancien conseiller d’Etat, cité par le quotidien Le Monde : « La Constitution est très nette : pas plus de deux mandats successifs pour le président de la République. La tradition constitutionnelle implique que tout mandat commencé est considéré comme un mandat complet. »

Dans son article de 2022, Jean-Jacques Urvoas résumait ainsi : « il appartiendra donc au Conseil constitutionnel, le cas échéant, de trancher d’une part, en autorisant – ou pas – l’enregistrement de la candidature d’Emmanuel Macron, et d’autre part en jugeant les recours qui ne manqueraient pas d’être déposés contre la liste des candidats à l’élection présidentielle ». Et il serait peu probable de voir l’institution trancher en faveur du président, puisque cela représenterait « un détournement de l’objet même de l’article 6 de la Constitution », comme relève auprès de FranceInfo le constitutionnaliste Dominique Rousseau.

Un scénario qui reste bien évidemment conditionné à une démission surprise du président dans les prochaines semaines, ce qui parait totalement exclu pour le moment.

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