Après les accusations et les démentis, Radio 1 décrypte la passe d’armes de cette semaine entre Tony Géros, le haut-commissaire et les conseillers du CESC sur la proposition de loi du pays de Richard Tuheiava pour la protection de l’emploi local.
Lundi dernier, le président du groupe UPLD, Tony Géros, a évoqué en commission permanente ce qu’il a appelé un « incident » au CESC lors de l’examen de la proposition de loi du pays de l’élu UPLD, Richard Tuheiava, sur la protection de l’emploi local en février dernier. Tony Géros a affirmé que le haut-commissaire avait appelé un membre du CESC en pleine séance de travail pour « obtenir un consensus sur un vote défavorable » contre le texte. L’élu indépendantiste a alors dénoncé opportunément une immixtion du représentant de l’État dans les institutions du Pays. Dès mardi, le haut-commissaire a démenti dans un communiqué en indiquant n’être « jamais intervenu auprès du président du CESC » et en précisant : « Il est particulièrement désobligeant de laisser croire qu’un simple appel du haut-commissaire serait de nature à influencer sur les décisions de cette institution ». Nouveau rebondissement mardi, puisque plusieurs conseillers du CESC se sont joints aux critiques de l’élu UPLD en affirmant avoir été témoins de la scène. Le secrétaire général de la CSTP-FO, Patrick Galenon, indique : « lors de la commission (…), la présidente est sortie et en revenant elle nous a dit que le haut-commissaire lui avait téléphoné et lui avait dit qu’il allait attaquer cette loi ».
Autre représentant CSTP-FO, Mahinui Temarii se dit « outré » et affirme que si cet appel du haut-commissaire avait eu lieu « après l’étude du dossier » par le CESC « personne n’en aurait fait cas ».
Contactée par Radio 1, la présidente de ladite commission, Aline Baldassari-Bernard, a refusé de s’exprimer sur cet épisode : « Je ne confirme rien du tout. (…) Je ne répond pas là-dessus. C’est des conneries, c’est évidemment politique et je suis violemment contre la politique. » Radio 1 s’est donc procuré une retranscription du procès verbal de la commission datée du 17 février dernier. La présidente de la commission, Aline Baldassari-Bernard, y affirme précisément aux membres de la commission : « Je viens d’avoir un coup de fil de monsieur le haut-commissaire qui m’a demandé de vous transmettre l’information suivante. Il a eu vent de ce projet de loi et il me dit de vous dire -je ne cherche pas à vous influencer, je suis le porte-parole- il a dit que cette loi comporte énormément d’irrégularités juridiques, morales et autres. Et donc si jamais le gouvernement restait favorable à cette loi il la défèrerait au tribunal ».
Démenti et explications au haussariat…
Interrogé mercredi sur ces éléments, le haut-commissaire nous a uniquement précisé qu’il maintenait très exactement les propos tenus dans son communiqué, qu’il n’avait jamais demandé de transmettre de message au CESC et qu’il avait bien au contraire demandé à ses services de refuser l’invitation de l’institution sur ce texte pour ne pas « intervenir dans les débats ». Une information d’ailleurs confirmée dans l’avis rendu par le CESC.
Mercredi après-midi, une source au haut-commissariat nous a confié son étonnement à la découverte des propos tenus par Aline Baldassari-Bernard dans le PV de la commission. Notre source nous explique que le haut-commissaire avait été approché quelques semaines avant l’examen du texte au CESC par plusieurs « employeurs inquiets », parmi lesquels Aline Baldassari-Bernard, qui lui avaient fait part de leurs interrogations sur la légalité de la proposition de loi du pays de Richard Tuheiava. Toujours selon notre source, le haut-commissaire a alors demandé à ses services une première analyse juridique du texte qui a fait ressortir un certain nombre « d’irrégularités ». Et notre source de préciser que le représentant de l’État a rappelé Aline Baldassari-Bernard, « sans savoir qu’elle était en commission », pour l’informer de l’analyse juridique de ses services en lui précisant bien qu’il n’interviendrait pas au CESC sur ce texte. « Jamais le haut-commissaire ne lui a demandé de transmettre cette information tenue dans un cadre privée, sinon il aurait évidemment répondu à l’invitation du CESC pour le faire lui-même », assure notre source auprès de l’État. Visiblement la présidente de la commission du CESC s’est autorisée quelques libertés avec les propos du haut-commissaire. Et notre source de conclure : « Le plus incroyable dans cette affaire, c’est que dans son avis voté à la quasi-unanimité (32 voix pour et 1 abstention, NDLR) le CESC demande très précisément au haut-commissaire d’apporter son concours pour s’assurer de la légalité de la proposition de loi du Pays de Richard Tuheiava. Alors que c’est ce qui lui est aujourd’hui reproché ! »
Vaite Urarii-Pambrun et Antoine Samoyeau