Condamné dans une affaire de meurtre, puis acquitté, Abderrahim El Jabri attend désormais une indemnisation de l’Etat.
Pour l’État, Abderrahim El Jabri n’a jamais mis les pieds en prison. L’homme, âgé de 49 ans, a pourtant passé une douzaine d’années derrière les barreaux. Condamné dans une affaire de meurtre à Lunel en 1997, puis acquitté lors d’un procès en révision, un avocat de l’Etat refuse aujourd’hui de lui verser toute indemnisation, au motif qu’aucune trace de sa détention ne figure dans le dossier.
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Accusé de meurtre dans sa jeunesse. La vie d’Adberrahim El Jabri bascule en 1997. Cette année là, à Lunel, dans le Gard, le corps d’un jeune dealer est retrouvé lardé de coups de couteau. Rapidement, Abderrahim El Jabri et Abdelkader Azzimani, qui se trouvaient non loin de la scène du crime, sont suspectés. A cette époque, les deux jeunes hommes étaient impliqués dans le trafic de stupéfiants et ont reconnu avoir été parmi les derniers à rencontrer la victime, pour une livraison de cannabis. Mais surtout, un témoin les identifie comme étant les auteurs du crime.
Innocenté par deux suspects. En 2003, les deux hommes sont condamnés à vingt ans de prison. Une série de « miracles », selon leurs avocats, leur ont permis de faire entendre leur voix. C’est d’abord le revirement du témoin à charge qui a poussé la justice à rouvrir le dossier en 2009. Enfin, le versement tardif de traces ADN sous scellés vers le fichier des empreintes génétiques a permis de confondre les nouveaux suspects.
L’affaire rebondit véritablement en 2011 avec l’arrestation et la mise en examen pour assassinat d’un manutentionnaire et d’un directeur de centre de loisirs d’une trentaine d’années qui disculpent les deux condamnés. A cette époque, Abderrahim El Jabri et Abdelkader Azzimani ont déjà passé respectivement treize et douze années en détention. A la suite de leur procès en révision, ils sont donc acquittés.
L’incarcération d’Abderrahim El Jabri jamais enregistrée. Afin d’obtenir réparation, les avocats des deux ex-condamnés ont déposé deux requêtes en novembre devant la Cour d’appel de Nîmes. Et les premières conclusions présentées par l’agent judiciaire de l’État chargé de gérer les procédures d’indemnisation ne vont pas dans le sens d’une indemnisation pour Abderrahim El Jabri. « Il ressort des démarches effectuées (…) que la cote ‘détention’ n’a pas été numérisée et n’est donc pas disponible pour la consultation », stipule le document dont a eu connaissance Le Figaro. En d’autres termes, l’incarcération d’Abderrahim El Jabri n’a pas été enregistrée dans le système informatique judiciaire.
La bataille judiciaire se poursuit. « Il y a des arrêts de condamnation successifs, un acquittement, des recours en révision, qui reprennent tous la période de détention », tempête Me Jean-Marc Darrigade, avocat d’Abderrahim El-Jabri, qui dénonce une situation kafkaïenne. En réponse, les avocats ont adressé une autre conclusion, rappelant qu’il « n’incombe pas à Abderrahim El Jabri d’apporter la preuve de sa détention ». Me Darrigade ne doute donc pas que la Cour d’appel de Nîmes ira dans le sens de son client.