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En Nouvelle-Calédonie, enquêtes judiciaires, étrangers évacués et hôpital difficile d’accès

Le procureur de la République de Nouméa dresse un premier bilan des poursuites judiciaires engagées après les crimes et délits commis lors des émeutes qui durent depuis le 13 mai. Dans le même temps des vols militaires ont assuré l’évacuation des ressortissants néozélandais et australiens. Et du côté du secteur de la santé, on rappelle que la moitié des patients n’arrivent pas à accéder au centre hospitalier calédoniens du fait des blocages qui persistent. Les précisions de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Le procureur de la République Yves Dupas dresse le bilan des premières suites judiciaires données aux crimes et délits commis lors des graves troubles à l’ordre public survenus à compter du 13 mai.

  • Suite aux dégradations

D’importantes dégradations, notamment par incendie, ont été constatées dans la ville de Nouméa et des communes limitrophes concernant des bâtiments ou équipements publics (mairie, locaux des services sociaux, salle de sport, caméras de vidéoprotection, foyer d’hébergement des mineurs) et des structures économiques (400 établissements, environ) « générant un préjudice économique considérable ». Ces exactions ont entraîné 216 mesures de garde à vue dont 144 pour des atteintes aux biens (vols, dégradations, etc.), 25 pour violences à personne dépositaire de l’autorité publique et 46 pour des atteintes aux personnes (hors forces de l’ordre).

Au total, trente et une personnes ont été déférées au parquet qui a procédé à onze incarcérations.

  • Concernant les six morts

S’agissant des procédures relatives aux décès de mort violente, le procureur indique que plusieurs enquêtes ou informations judiciaires ont été ouvertes. À savoir :

    • Ouverture d’une enquête du chef d’homicide volontaire avec préméditation (assassinat) suite à la mort, le 15 mai à Plum, du gendarme mobile qui se trouvait dans un véhicule de service, sur le siège conducteur, atteint par un projectile dans la tête, lors d’une action susceptible d’impliquer plusieurs tireurs ayant visé les gendarmes par une quinzaine de coups de feu. La section de recherches de la gendarmerie de Nouméa est saisie de cette enquête. À ce stade, aucune interpellation n’est intervenue.
    • Ouverture d’une enquête du chef d’homicide involontaire durant le travail, suite au décès accidentel d’un gendarme mobile, le 16 mai sur la commune du Mont-Dore, lors de l’usage d’une arme. Dans cette procédure, le parquet de Nouméa s’est dessaisi au profit du parquet de Paris, compétent en matière d’infractions militaires.
    • Ouverture d’une information judiciaire du chef d’homicide volontaire commis le 15 mai vers 13h30 dans le quartier de Tindu sur la commune de Nouméa. La victime âgée d’une vingtaine d’années qui se trouvait sur un blocage à un rond-point a été touchée par un projectile dans le dos. Trois personnes qui ont reconnu avoir tiré en direction de manifestants, dans un contexte de menace et d’intimidation à leur égard, sont mises en examen du chef de meurtre, et placées sous assignation à résidence sous surveillance électronique. D’importantes investigations, notamment des expertises techniques et balistiques restent à mener dans cette procédure pour cerner la chronologie des faits, et déterminer la responsabilité de chacun des mis en examen.
    • Ouverture d’une information judiciaire le 20 mai du chef d’homicide volontaire commis le 15 mai dans le quartier de Ducos, dans un dock. En arrivant dans son entrepôt, le gérant de sociétés a aperçu, dans son véhicule en train d’être volé, un homme, âgé de 36 ans et une femme, âgée de 17 ans. Il a fait usage de son arme en visant chacune des victimes au niveau du front. Mis en examen du chef de meurtre, l’auteur présumé a été placé en détention provisoire sur décision du juge des libertés et de la détention, conforme aux réquisitions du parquet et à la demande du magistrat instructeur.
    • Ouverture d’une enquête du chef de meurtre et de tentative de meurtre le 18 mai à Kaala-Gomen. Peu après 14 heures, un homme de 51 ans résidant à Kaala-Gomen conduisait son véhicule à vive allure sur un barrage constitué par des manifestants. Suite à un caillassage qui provoque le bris d’une vitre, il s’est rendu à son domicile, pour s’emparer de deux armes d’épaule. Il a tiré plusieurs coups de feu en direction du barrage. Il a été atteint mortellement suite à un échange de coups de feu. Un manifestant et le fils du tireur ont également été blessés. Dans cette enquête diligentée par la brigade de recherches de Koné, les investigations se poursuivent. Aucune interpellation n’est intervenue à ce stade.

« Le traitement judiciaire s’intensifie pour identifier et poursuivre tous les auteurs des crimes et délits constatés, et ce quel que soit le degré de leur implication ou le niveau de leur responsabilité pénale, poursuit le procureur. Pour mener ce travail d’investigations approfondies, les services d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie bénéficient d’un renfort précieux d’une soixantaine d’officiers de police judiciaire métropolitains », indique Yves Dupas.

  • Les responsables de la CCAT visés par une enquête

Le parquet a également ouvert une enquête visant les commanditaires présumés de ces graves exactions, notamment les responsables de la CCAT, « au vu de leurs déclarations publiques et de leurs mots d’ordre, des chefs d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit, de participation à un groupement formé en vue de la commission de dégradations ou de violences volontaires, de vols en bande organisée, destructions de biens commis par incendie en bande organisée et de complicité par instigation ou fourniture de moyens des crimes de meurtre ou de tentative de meurtre sur les forces de l’ordre », dit le procureur.

Il précise par ailleurs que « l’enchaînement des évènements laisse supposer une préparation, une organisation et une planification en termes de logistique et de moyens intégrant un ciblage d’objectifs particulièrement sensibles, tels que le blocage des axes routiers les plus névralgiques, la destruction des entrepôts et locaux d’entreprises, les violences sur les forces de sécurité intérieure sur la voie publique comme dans leurs services, les menaces et intimidations sur les personnes et ceci dans des actions massives et par ailleurs concomitantes. »

Enfin, Yves Dupas tient à souligner « les actes d’une extrême hostilité que subissent les forces de l’ordre de la part de quelques individus, avec des tirs effectués au moyen d’une arme de longue portée » type sniper. Il rappelle également que la « loi pénale punit le crime de meurtre ou la tentative de meurtre d’un gendarme ou d’un policier de la peine maximale de réclusion à perpétuité ».

N.L pour LNC

Des vols militaires pour évacuer les Australiens et Néo-zélandais bloqués

Les gouvernements néo-zélandais et australien ont annoncé qu’ils allaient affréter dès mardi plusieurs vols pour évacuer leurs ressortissants bloqués sur le Caillou. Le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères a indiqué dans la matinée de mardi que son gouvernement avait affrété un vol d’évacuation qui doit partir dans la « prochaine heure ». « Les Néo-Zélandais en Nouvelle-Calédonie ont connu des jours délicats et les rapatrier a été une priorité absolue du gouvernement » depuis la flambée de violences qui frappe la Grande Terre, a écrit dans un communiqué le chef de la diplomatie Winston Peters. Ce dernier a précisé que ce premier vol d’évacuation depuis la fermeture de l’aéroport allait permettre de rapatrier « cinquante passagers » qui présentent les besoins les plus « urgents » vers Auckland. Il s’agit du premier d’une « série de vols proposés afin de commencer à rapatrier les Néo-Zélandais », a souligné la diplomatie de ce pays qui a multiplié ces derniers jours les appels à pouvoir exfiltrer ses ressortissants.

« D’autres vols dans les prochains jours ». « En coopération avec la France et l’Australie, nous travaillons à (organiser) d’autres vols dans les prochains jours », a encore indiqué le ministère, qui s’est félicité du « soutien » des autorités françaises à Paris et à Nouméa. L’Australie a dans le même temps annoncé avoir reçu l’autorisation de faire décoller « aujourd’hui » (mardi) deux vols pour évacuer ses ressortissants. Ces deux vols sont « affrétés par le gouvernement australien pour permettre aux touristes australiens et à d’autres de quitter la Nouvelle-Calédonie », a annoncé dans un communiqué la ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong. L’aéroport international de La Tontouta reste pour l’heure fermé au moins jusqu’à jeudi aux vols commerciaux.

 

Plus de 50% des patients n’arrivent toujours pas jusqu’à l’hôpital
Comment assurer l’accès aux soins et aux urgences d’une population quand on se situe au milieu d’une zone de barrages, de pillages et d’affrontements entre militants et forces de l’ordre ? Après sept jours d’émeutes, le Médipôle parvient tant bien que mal à maintenir son activité essentielle dans un quartier, Dumbéa-sur-Mer, durement touché par les violences déclenchées dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 mai. Cette poursuite d’activité, le centre hospitalier la doit en grande partie à l’engagement de son personnel soignant. « Les équipes ont fait preuve d’un dévouement exceptionnel. Celles qui ont pu arriver jusqu’ici ont bravé les barrages. Des équipes arrivent tous les jours. On est très impressionnés par le dévouement, la motivation et le courage de chacun », salue Thierry De Greslan, médecin et président de la commission médicale d’établissement, lors d’une conférence de presse réalisée par téléphone ce mardi 21 mai.Des équipes épuisées. Pas sûr pour autant que cet état d’esprit suffise à faire tenir les équipes. « Elles se fatiguent », alerte Leslie Levant, directeur général du CHT. La relève, prête à 98 % à venir prendre son poste, en est bien souvent empêchée. Malgré la mise en place de navettes maritimes au départ de l’hôpital, le renouvellement des 700 agents présents sur place est très limité par le manque de sécurisation des axes qui entourent le Médipôle. Certains sont également coincés dans des quartiers de Dumbéa, Païta ou du Mont-Dore dont on ne peut pas sortir. « Beaucoup d’agents ont fait plusieurs nuits depuis le début, cinq ou six pour certains. Ça nous inquiète. » Malgré tout, « on essaie de trouver des solutions par rapport à cette situation exceptionnelle », poursuit le directeur du CHT. Tout est fait pour que les liens entre les proches et le personnel soient maintenus. Des espaces de détente ont été installés dans l’hôpital, notamment sur les terrasses du toit. « On fait tout pour limiter la tension. » Côté alimentation, le Médipôle a pu être ravitaillé. Les médicaments sont en stock suffisant, même si les bouteilles d’oxygène pourraient commencer à manquer. Quant aux réserves de sang, elles ont pu être reconstituées par des dons de poches en provenance de Tahiti et de Métropole.

Reprise d’activité. En attendant un retour au calme tant espéré, les opérations chirurgicales programmées, les consultations et l’accueil de jour ont été suspendus. « On se concentre sur les urgences », signale Leslie Levant. Le Samu et les pompiers parviennent quasiment toujours à rejoindre le centre hospitalier. « On constate une reprise d’activité, pas seulement sur les blessés mais aussi sur les malades », note Thiery De Greslan, médecin et président de la commission médicale d’établissement. Il n’empêche : « plus de 50 % des patients n’arrivent pas » jusqu’au Médipôle, estime ce dernier. D’autres ne parviennent pas à en repartir. Le hall d’entrée a été transformé en zone d’accueil pour des patients qui n’ont plus besoin d’être pris en charge mais qui ne peuvent pas rentrer chez eux. Des lits de camp ont été installés dans ce « faré » et les personnes accueillies sont nourries et ont accès « au minimum pour l’hygiène ». La zone accueille environ une cinquantaine de personnes en continu, avec « une vingtaine d’entrées et de sorties par jour ».

Le Médipôle, un « point stratégique à sécuriser ». Si ces différentes mesures permettent au Médipôle d’assurer un service minimum, la direction de l’hôpital espère voir les axes qui entourent l’établissement rapidement libérés. « On sait qu’une intervention est en cours sur la Savexpress, mais il n’y a pas de visibilité sur la suite, regrette Leslie Levant. On se demande pourquoi hôpital n’est pas une priorité. » Lundi lors de la conférence de presse du gouvernement, Isabelle Champmoreau avait qualifié le Médipôle et la clinique Kuindo-Magnin de « prochains points stratégiques à sécuriser ». En attendant, la direction du CHT se projette déjà sur l’après. Il a déjà été décidé que, lorsque la circulation sera rétablie et sécurisée autour de l’établissement, « on rouvrira en priorité les chimiothérapies, car les patients ont du retard dans leur traitement », indique Thierry De Greslan. Ces derniers devront toutefois attendre d’être contactés par l’hôpital pour s’y rendre afin d’éviter tout risque de saturation des services.

Baptiste Gouret pour LNC

 

 

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