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Entrecôtes, thon rouge, couches, beurre et tampons… La FGC veut faire le ménage dans les PPN

Après avoir attaqué, sans succès, la loi du Pays sur le contrôle des prix et des marges, la Fédération générale du commerce vise, devant le tribunal administratif, la liste des PPN fixée par arrêté. Elle estime qu’une dizaine de produits, dont les entrecôtes congelées, le thon rouge, les couches-culottes, les protections menstruelles, le lait 3e âge, le beurre ou la margarine, ne devraient pas y figurer. Et que les marges fixées, et rarement révisées, aboutissent à des ventes à perte et contraignent les commerçants à faire bondir les prix sur d’autres produits.

La Fédération générale du commerce (FGC) n’a jamais caché son aversion pour les mesures de contrôle des marges et des prix. La dernière bataille en date remontait à 2022, quand le syndicat patronal, adhérent du Medef, avait attaqué le nouveau cadre législatif voté par le gouvernement Fritch, qui venait clarifier et conforter les mécanismes de PPN et de PGC. Sans succès : le Conseil d’État avait jugé que les restrictions consenties à la liberté d’entreprendre étaient justifiées par l’objectif d’intérêt général de protection du pouvoir d’achat. Qu’à cela ne tienne : la FGC était de retour ce matin devant les juges administratifs, cette fois pour demander l’annulation partielle d’arrêtés d’application de cette même loi. Dans l’argumentaire, le principe même d’une liste de produits à marges contrôlés reste toutefois dans le viseur. « On a rarement vu un système d’aide sociale qui bénéficie à des personnes qui gagnent deux millions par mois. En Polynésie, c’est le cas, tacle l’avocat de la FGC Thibault Millet. Plus de la moitié de cette aide est dépensée pour des personnes qui n’en ont pas besoin. Ça représente deux milliards de francs qui sont gaspillés en majorité et qui pourraient être utilisés pour être versés à des personnes qui véritablement en ont besoin. »

Un discours déjà développé à plusieurs reprises ces dernières années. Mais cette fois, la FGC a dans son viseur plusieurs produits dont elle demande l’exclusion des listes publiées en mars 2023. Pour chacun d’entre eux, l’organisme estime qu’ils ne répondent pas, ou du moins pas entièrement, aux critères fixés dans la loi de 2022 qui prend en compte la nécessité des ménages, mais aussi l’impact sanitaire et économique des produits.

De la notion de « nécessité » dans le caddy de supermarché

Ainsi la FGC brandit les recommandations de l’OMS sur la consommation modérée de viande rouge pour demander la libéralisation des prix des entrecôtes congelées, notant au passage que le rumsteak, lui aussi sur la liste, était suffisant pour assurer l’accès à de la viande bovine. Même logique pour le thon rouge, pas le plus sain niveau mercure, et qui n’apporte pas plus que le thon blanc. Retour de l’OMS dans l’argumentaire pour faire retirer des PPN le lait troisième âge ou de croissance, alors que le lait maternisé n’est recommandé que jusqu’à six mois. Le beurre frais et la margarine feraient eux doublons avec l’huile de tournesol et le beurre en boîte. La fédération demande aussi le retrait des « biscuits de mer » – qui ne sont plus commercialisés en Polynésie – des haricots blancs, mais aussi, au rayon non-alimentaire, de l’eau de javel, des couches-culottes ou des protections menstruelles, une des rares nouveautés de la liste actualisée en 2023.

Autant de demandes rejetées par le rapporteur public, qui met à chaque fois en avant le caractère nécessaire de ces produits dans la vie courante des ménages ou l’inefficacité des arguments avancés. La FGC s’interroge aussi, concernant l’huile de tournesol, sur l’inscription des seules bouteilles de moins de 5 litres en PPN. « La fixation de cette limite vise à répondre à la seule consommation des ménages » répond la magistrate.

Des commerçants « contraints de pratiquer des prix très élevés pour s’en sortir »

Qu’importe pour la Fédération générale du commerce, ce sont surtout les marges maximales fixées par l’arrêté qui doivent être revues. « On demande l’annulation des limitations en marges absolues (en valeur, ndr), qui pourraient être acceptables si elles étaient revues tous les ans, de manière précise. Mais ça ne l’est pas, ça fait 40 ans que ça ne bouge pas, personne ne s’en occupe », reprend Thibault Millet. L’avocat prend l’exemple du riz : 18 francs de marge par kilo à partager avec l’importateur. « Quand un commerçant gagne que 10 francs sur un paquet de riz alors qu’il n’a pas encore payé le dépotage d’un conteneur, le transport jusqu’à son magasin, le salaire de la personne qui le met en rayon, celui de la personne qui vend le paquet de riz, évidemment qu’il ne peut pas faire de bénéfice, il est en perte totale », dit le conseiller.

La FGC préfère, à ces marges en valeur, des marges en pourcentage, qui permette de coller au prix des fournisseurs, « à condition que ces taux de marge soient en cohérence avec les charges ». Là aussi, les taux associés à plusieurs produits seraient restés « exactement les mêmes » ces dernières décennies, « alors que les salaires, les charges sociales, ou les loyers ont explosé ». « La marge brute qui est imposée aux commerçants, ne permet pas rentabiliser un commerce, notamment chez les petits commerçants qui ont énormément de produits de première nécessité dans leur boutique, insiste Me Millet. Ils se retrouvent contraints de pratiquer des prix très élevés sur d’autres produits pour s’en sortir. »

Un constat qui n’a, là encore, pas ému le rapporteur général, qui relève que la FGC n’apporte en rien la preuve que les marges aujourd’hui fixées aboutissent à des ventes à perte. La Fédération, elle, explique que le partage d’informations entre commerçants aurait été sanctionnable par l’Autorité de la concurrence, et propose pour pallier ce manque que le tribunal ordonne une expertise sur ce sujet. Mais son message, en creux, s’adresse aussi au gouvernement. Thibault Millet a pris soin, en audience, de rappeler que Moetai Brotherson s’était lui-même montré très critique contre ce système de contrôle des prix et de marges pendant la campagne. Une réforme a été annoncée à l’occasion de la très attendue – et très large – réforme fiscale prévue pour 2024. Un chantier qui impliquera, précise le président du Pays, de trouver un compromis entre tous les acteurs du commerce, qui ne parlent pas toujours d’une seule voix hors des salles d’audience.

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