Madrid (AFP) – Des milliers de militants se retrouvent samedi à Madrid au congrès du parti de gauche radicale espagnol Podemos, dans une ambiance de règlement de comptes, où cette formation en crise doit décider de son avenir et de celui de son chef Pablo Iglesias.
Après des mois d’une polémique virulente, M. Iglesias affrontera son ami et numéro deux, Inigo Errejon, livreront cette bataille dans le vaste auditorium de Vistalegre, qui accueille aussi des corridas.
Un débat de fond les oppose sur l’orientation de Podemos, jeune parti proche du grec Syriza ou du Front de gauche français qui a su canaliser les aspirations de milliers d’Espagnols « indignés » par l’austérité imposée dans la crise économique.
Podemos a grandi en dénonçant les coupes sombres dans les budgets sociaux et la corruption omniprésente alors que l’Espagne s’enfonçait dans une crise sans précédent depuis son retour à la démocratie en 1978.
– Troisième force politique –
Depuis 2014 et en seulement trois ans, le parti est devenu la troisième force politique en Espagne, où l’extrême droite n’a en revanche pas prospéré.
Il dépasse dans les sondages le Parti socialiste (PSOE), et veut se poser en véritable opposition au Parti populaire (PP) au pouvoir.
Mais il doit encore décider si, pour arriver au pouvoir, il reste dans l’agitation sociale, demeurant un parti plutôt anti-système, ou si au contraire il se concentre sur son travail parlementaire pour démontrer qu’il peut être « utile dès maintenant ».
La première voie est défendue par Pablo Iglesias, son chef, charismatique professeur de sciences politiques de 38 ans, à l’éternelle queue de cheval.
La deuxième est incarnée par Inigo Errejon, également docteur en sciences politiques, de cinq ans son cadet.
Pablo Iglesias est aussi favorable au maintien de l’alliance en vigueur avec les écolo-communistes d’Izquierda Unida.
M. Errejon, lui, réclame une « transversalité » qui permette de gagner plus d’électeurs et autorise des alliances ponctuelles avec le Parti socialiste.
« Par manque d’expérience, nous avons commencé à nous radoucir tellement que les gens ont dit: +On dirait les politiques de toujours+ », a déclaré vendredi M. Iglesias.
« Nous devons être capables de construire une nouvelle majorité sans étiquettes, sans demander aux gens d’où ils viennent », a répondu M. Errejon.
Au congrès des députés, les partis de gauche sont en effet en mesure de mettre le gouvernement en minorité sur certains dossiers, avec leurs 156 députés contre 137 pour le PP.
Au-delà de ce débat stratégique, il y a aussi une querelle sur les pouvoirs de Pablo Iglesias, trop larges selon le courant d’Inigo Errejon mais aussi pour les membres du courant « anticapitaliste », qui présentera également ses propositions samedi.
Samedi, les différents courants présenteront leurs programmes, quatre au total. Les résultats sont attendus dimanche aux alentours de 13h00 (12h00 GMT).
Les militants de Podemos devront d’une part se prononcer sur les programmes et la composition de la direction du parti et aussi décider si Pablo Iglesias reste aux commandes. Seul M. Iglesias et un candidat peu connu, un militant andalou de 44 ans, Juan Ignacio Moreno Yague, se présentent, Inigo Errejon n’ayant pas souhaité briguer ce mandat.
Mais Pablo Iglesias a assuré jusqu’à la dernière minute que si son projet de programme n’était pas retenu, il quitterait la direction du parti.
S’ouvrirait alors une deuxième crise au sein de Podemos pour tenter de le remplacer.
M. Errejon ne veut pas en entendre parler. « Je crois que tout le monde sait, nos bases savent que Podemos serait affaibli s’il devait se passer de certains camarades », a-t-il dit vendredi.
© AFP/Archives CURTO DE LA TORRE
Le chef de Podemos Pablo Iglesias (gauche) et son ami et numéro deux, Inigo Errejon, à Madrid, le 11 mai 2016