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Éssais nucléaires : « le droit des victimes est en train de reculer »

Père Auguste, président de l’association 193 ©C.R.

54 ans après le premier tir à Mururoa, les associations de défense des victimes des essais nucléaires ont commémoré la « triste date » du 2 juillet. Les mobilisations sont restées limitées cette année, et chacun choisit sa voie pour donner un nouveau souffle au combat pour les indemnisations. Quand l’association 193 cherche plus que jamais à mobiliser au fenua, Moruroa a Tatou veut donner du corps à l’action internationale.

C’était le 2 juillet 1966, la France menait son premier essai nucléaire à Mururoa, nommé Aldébaran. La date est devenue, au fil du temps, une journée de commémoration et de mobilisation pour le mouvement de défense des victimes des essais. Ce matin, l’association 193 avait ainsi réuni une centaine de personnes avenue Pouvana a Oopa. Moins que certaines années. « Vu le contexte, avec l’épidémie et tout ça, on n’a pas cherché à faire très gros », assure un responsable. Pour Père Auguste, l’essentiel est que le 2 juillet soit marqué. “Ça doit être une date où tout le monde se rappelle, où tout le monde pense aux victimes, où on interpelle les responsables », lance le président de l’association, qui avait déjà demandé, par le passé, à ce que des commémorations officielles soient menées dans toute la Polynésie.

En attendant, les militants en t-shirt rouge font du bruit devant le Haut-commissariat, et la présidence située à deux pas. « On a bien vu cette année que les indemnisations n’avancent pas, le droit des victimes est en train de reculer, même, reprend le chef de file du mouvement. Les trois quarts des dossiers présentés par 193 sont rejetés par le Civen, qui ne fait que relayer une logique négationniste des conséquences des essais nucléaires ». Les banderoles ne laissent aucun doute : c’est l’amendement Tetuanui, qui réintroduit un seuil minimal d’exposition avec le critère du millisievert, et auquel le Parlement a donné une force rétroactive après un débat confus pendant le confinement, qui est en ligne de mire. « Le problème c’est que la plupart de nos élus locaux manquent de courage, insiste Père Auguste, prenant notamment à partie le président Édouard Fritch. Ils ont peur de la réaction de l’État ».

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Moruroa e tatou appelle les victimes à se signaler à la Cour pénale internationale

Autre lieu, autre ambiance. Au siège de l’Église protestante Maohi, à Paofai, Mururoa e Tatou réunissait au même moment une petite poignée de militants et de victimes. L’association, comme l’église à laquelle est liée, avait décidé depuis plusieurs semaines d’organiser ces « discussions » plutôt qu’une manifestation, vu les incertitudes sanitaires. Mais plus que sur le débat national, c’est sur le versant international du combat que semble se focaliser les deux structures qui rappellent avoir pris la parole sur le sujet devant le Comité des 24 à l’ONU, et effectué un « signalement » devant le Comité des droits de l’Homme à Genève. Il s’agirait désormais d’encourager les victimes du nucléaire à constituer des dossiers devant la Cour pénale internationale. « Nous allons discuter des démarches à mener pour permettre aux victimes à aller à La Haye », confirme François Pihaatea, le président de l’Église protestante maohi.

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Une démarche qui fait écho à celle entreprise depuis plusieurs années par le Tavini huiraatira. Le parti indépendantiste a déposé en octobre 2018, une « communication » auprès de la Cour pénale internationale dans l’espoir, à terme, de former une plainte pour « crime contre l’humanité ». Cette procédure, qui serait dirigée contre les « présidents de la République française encore en vie », n’aurait pour l’instant pas fait l’objet de retour officiel de la part de la cour, pas plus que la démarche à Genève de l’Église protestante, si ce n’est un « enregistrement » par les institutions concernées.

Flou sur les procédures

« Ce qu’on veut c’est démocratiser ce combat », pointe Richard Tuheiava, venu à la réunion de Moruroa e Tatou en tant que “personne ressource”. L’élu Tavini note que le « volet personnes physiques » manque aux procédures internationales déjà engagées, qui « ont été faites pour faciliter la prise de consciences des victimes sur leur droit à réparation« .

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D’après les militants, les victimes volontaires pour constituer un dossier sont difficiles à trouver, bien qu’elles abondent dans les rangs des associations. « Beaucoup de gens ont peur, ne veulent pas s’exposer, affirme Richard Tuheiava. Ce n’est pas un hasard si Oscar Temaru est si durement attaqué par l’État ». Le flou entourant les démarches à réaliser, les chances d’aboutir et l’accompagnement proposé n’aide probablement pas à trouver des volontaires. « On a toujours accompagné les victimes, on continuera », pointent seulement les responsables de Moruroa e tatou.