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Etats-Unis : Albert Woodfox, libéré après 43 ans d’isolement

© Capture d'écran Youtube

Il était le plus ancien détenu des Etats-Unis à vivre dans ces conditions. Albert Woodfox, militant des Black Panthers, a été libéré après 43 ans en isolement.

43 ans de détention. A son entrée en prison, Neil Armstrong venait à peine de poser le pied sur la Lune et les Rolling Stones entamaient leur tournée triomphale. Depuis, il n’a connu qu’une seule chose, sa cellule. Confiné en isolement depuis 1972, Albert Woodfox vient d’obtenir sa libération auprès d’un juge fédéral américain, après 43 ans passés dans la solitude dans sa cellule de la prison d’Angola, en Louisiane, ce qui en fait le prisonnier américain qui a vécu le plus longtemps dans ces conditions de détention.

40% des détenus sont des Noirs. Sa libération prochaine a donc une résonnance particulière dans ce pays où le taux d’incarcération est parmi les plus élevés du monde (0,9% de la population adulte selon le ministère de la Justice américain) et où la proportion de Noirs emprisonnés frise les 40% de la population carcérale. Elle est surtout l’aboutissement d’un long combat pour Albert Woodfox et les associations qui, comme Amnesty International, l’ont soutenu des années durant.

La prison d’Angola, pire établissement des Etats-Unis. Albert Woodfox, 68 ans aujourd’hui, avait été incarcéré en 1971 pour un vol à main armée en compagnie de son complice Herman Wallace. En prison, le duo était devenu trio lorsque Robert King, accusé du meurtre de son co-détenu, avait été transféré dans la prison d’Angola. Un nom qui ne doit rien au hasard puisque la prison, connue pour être l’une des pires du pays, est construite sur un ancien champ de coton où les esclaves venus de l’Angola s’épuisaient à la tâche.

Les « épouses » des matons. Dans les années 70, s’il n’y a plus d’esclavage ni de champ de coton sur le terrain, les conditions de détention sont très dures, et ce particulièrement pour les prisonniers noirs. Face au manque d’effectifs, l’administration pénitentiaire utilise les détenus blancs comme matons pour surveiller leurs compagnons d’infortune afro-américains. Comme l’a raconté Robert King, libéré en 2001, à Europe 1, les derniers arrivés servent d’épouse à ces gardiens improvisés : c’est ainsi que sont pudiquement évoqués les abus sexuels subis par les prisonniers noirs.

23 heures par jour dans 6m². Mais Albert Woodfox, Robert King et Herman Wallace, membres des Black Panthers et rompus au militantisme et à l’activisme, ne courbent pas l’échine. Ils organisent des réunions avec les nouveaux venus, tentent d’enrayer la machine pénitentiaire et de changer ce système inhumain. Un comportement qui leur vaudra d’être placés à l’isolement : 23 heures par jour dans une cellule de 6m², pas de toilettes et une douche de 10 minutes trois fois par semaine. Motif officiel de ce traitement particulier : les trois hommes ont été condamnés pour la mort d’un garde pendant une révolte de prisonniers en 1972.

Le dernier des « trois d’Angola ». Si Robert King a été jugé « probablement innocent » en 2001 après 29 ans d’isolement, Herman Wallace a du attendre 2013 pour goûter de nouveau à l’air libre. Affaibli par quatre décennies de mauvais traitements, il meurt trois jours seulement après sa libération. Des « trois d’Angola », comme on les surnomme dans la presse américaine, ne reste plus qu’Albert Woodfox, qui en est maintenant à 43 ans d’isolement. En novembre dernier, il avait cru son calvaire terminé après que la Cour d’Appel des Etats-Unis a décidé sa libération, mais cette décision avait ensuite été annulée par l’Etat en février dernier, déclenchant la colère d’Amnesty France. Mardi, le juge fédéral a finalement prononcé sa libération, justifiant cette décision par les « circonstances exceptionnelles » qui entourent le cas d’Albert Woodfox.

La Louisiane pourrait encore empêcher sa libération. « Cette décision est un pas extrêmement important vers sa libération prochaine. Mais, comme à chaque fois depuis 20 ans, l’Etat de Louisiane, dans sa logique d’acharnement, a demandé un sursis à cette décision et annoncé son intention de faire appel », explique Amnesty France qui poursuit : « Cela pourrait retarder de quelques jours à quelques mois la libération d’Albert, qui n’a jamais été aussi proche de remporter le combat des ‘Trois d’Angola’ pour la liberté et la justice ».

Source: Europe 1