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« Être souverain », elle usurpe le titre d’avocat pour « défendre son peuple »

« Exercice illégal de la profession d’avocat ». C’est ce qui était reproché, ce mardi au tribunal correctionnel, à une membre de la « Nation Tama Hau no Ma’ohi Nui a Hiva ». Devant ses soutiens qui applaudissaient dans la salle, elle s’est présentée comme un « être vivant souverain légitime Maohi » et pas « une personne juridique fictive de paille ». Ce qui lui donnerait le droit de se faire passer pour une avocate auprès du tribunal foncier. Pas de l’avis des juges : elle a été condamnée à 200 000 francs d’amende dont 100 000 francs avec sursis.

Elle se faisait passer pour une avocate auprès du tribunal foncier, et des clients elle en avait. Et visiblement ceux-ci lui accordent encore une pleine confiance, vu que, présents dans la salle d’audience, ils applaudissaient la moindre de ses paroles. Il faut dire qu’outre les démarches foncières, il y a derrière un autre aspect, plus politique et spirituel.

La fausse avocate se déclare « souveraine de Polynésie », fait partie de la «Nation Tama Hau no Ma’ohi Nui a Hiva » et pas « du système français ». Sa démarche : « défendre mon peuple » répète-t-elle, avant de précise qu’au tribunal foncier, « nous avons des droits que l’ONU nous a donné. » Histoire de donner du poids à sa démarche elle déclare faire partie de « l’Association universelle des êtres humains naturels » et assure, « je ne suis pas une personne juridique fictive de paille, je suis un être vivant souverain légitime Maohi et libre ». Un discours qui rappelle les revendications traditionnalistes et autochtones déjà vu chez les  Pakumotu et autres Polynesian Kingdom of Atooi. Mais qui évoque aussi les idées des mouvance des « citoyens souverains », en vogue aux États-Unis et, depuis peu, en Europe. Ces groupes très hétérogènes, souvent constitués sur les réseaux sociaux, s’appuient sur des thèses juridiques fantasques ou des théories complotistes pour nier la légitimité des États, des lois, et même du Code de la route ou de l’état civil. 

« Ce n’est pas à l’État français de traiter les affaires foncières »

À la barre, celle qui se présente comme descendante de la reine Pomare, toise le juge de façon hautaine. Pour une « souveraine », rien de plus normal. Elle explique qu’elle a décidé d’aider « son peuple » car lorsqu’elle allait au tribunal foncier pour des affaires de terre la concernant, elle se défendait seule. Des personnes sont ensuite venues la trouver pour lui demander de les défendre à leur tour.

« Mais vous avez aidé combien de personnes ? » interroge le juge, « mon peuple » lui rétorque Gabrielle. Applaudissements nourris dans la salle. Visiblement le discours fait recette et ses supporters vont jusqu’à filmer son intervention à la barre. Ce qui est interdit. Lorsque le vigile tente de récupérer le téléphone, une voix s’élève criant « c’est une propriété privée, c’est insaisissable », le vigile n’en a cure et prend le téléphone. Vérification faite, nulle trace de film dans le téléphone.

Elle passe à l’offensive, « cela fait 162 ans que mon peuple subit la loi française ». Nouveaux applaudissements. Elle estime que ce n’est pas à l’État français de traiter les affaires foncières, estimant que « c’est à la Haute cour tahitienne de traiter ces affaires » en se référant à « l’article 4 du traité de la Reine Pomare ».

« On n’est pas là pour refaire l’histoire, madame »

Le juge, jusqu’à présent courtois commence à perdre patience, « on n’est pas là pour refaire l’histoire madame, on est là pour juger votre affaire. » Elle insiste, « je peux représenter les gens au tribunal, faire reconnaitre les droits des peuples autochtones ». 

Le procureur quant à lui ne partage pas sa vision du droit : « Elle n’a pas de titre et cela a des conséquences sur les justiciables qu’elle a représenté » Il réclame une amende de 200 000 francs dont 100 000 francs avec sursis. Avant de se retirer pour délibérer, le juge lui demande si elle a autre chose à ajouter. Elle ne se fait pas prier, « aujourd’hui je me lève pour sauver mon peuple, des familles sont divisées à cause des problèmes fonciers » puis d’une voix d’où perce des trémolos, « je me lève contre l’oppression, l’injustice », elle conclut, « au nom du droit coutumier, je demande la relaxe. »

La justice ne l’a pas entendue puisqu’elle a été condamnée, comme requis, à 200 000 francs d’amende dont 100 000 francs avec sursis. Avant de quitter la salle, elle n’a pu s’empêcher de lancer un « voilà comment on nous traite », avant de repartir entourée de ses nombreux soutiens.

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