Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire contre X pour crimes contre l’humanité. Des exactions qui auraient été commises, entre 2011 et 2013, par le régime de Bachar al-Assad.
EXCLUSIF – C’est un dossier éminemment politique, traité dans la plus grande discrétion. Il y a deux semaines, à la mi-septembre, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire contre X pour crimes contre l’humanité, présumément perpétrés par le régime syrien de Bachar al-Assad entre 2011 et 2013, selon les informations exclusives d’Europe 1.
Quelques jours plus tôt, le 10 septembre dernier, un « signalement » était effectué. Dans le jargon, on appelle ça « un article 40 », en référence à l’article 40 du Code de procédure pénale. Celui-ci ordonne qu’un fonctionnaire ou une administration qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’un délit ou d’un crime, est tenu de le signaler à la justice.
Un signalement du Quai d’Orsay. A l’origine de cette enquête donc, le Quai d’Orsay, qui a effectué ce signalement trois jours seulement après la 6e conférence de presse de François Hollande annonçant des survols de reconnaissance sur la zone syrienne, en prévision d’éventuelles frappes aériennes contre l’Etat islamique (EI). Les équipes du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, ont fait parvenir au procureur de la République de Paris, François Molins, un dossier contenant des éléments à charge sur les pratiques présumées du régime syrien et du président Bachar al-Assad.
« Face à ces crimes qui heurtent la conscience humaine, à cette bureaucratie de l’horreur, face à cette négation des valeurs d’humanité, il est de notre responsabilité d’agir contre l’impunité de ces assassins », a affirmé le chef de la diplomatie française depuis New York où il se trouvait pour l’Assemblée générale des Nations Unies, juste après que l’ouverture de cette enquête préliminaire a été dévoilée par Europe 1.
55.000 clichés macabres à l’appui. En l’espèce, selon les informations d’Europe 1, le ministère des Affaires étrangères a transmis des photos en s’appuyant sur ce qu’on appelle le fameux « rapport César ». Ce dossier contient le précieux témoignage d’un ancien officier du régime de Damas, « César », et les 55.000 clichés – représentant 11.000 victimes – qu’il est parvenu à sortir de Syrie, lors de sa fuite en juillet 2013.
Parmi ces tirages exfiltrés, des clichés de cadavres pris dans un hôpital militaire de Damas, où travaillait « César », mais aussi les corps mutilés d’hommes considérés comme des opposants à Bachar al-Assad et faits prisonniers. Ce Syrien, ancien photographe légiste du régime baasiste, était en effet chargé de photographier et d’identifier les dépouilles des opposants enlevés, torturés, puis exécutés.
Cet informateur, surnommé « César » afin de garantir sa sécurité, a déjà été entendu par les magistrats David Crane et Desmond de Silva, deux ex-procureurs du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, et Geoffrey Nice, ancien procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Ensemble, ils ont rédigé un rapport d’une trentaine de pages, jugeant son récit crédible et « extrêmement convaincant« .
La France est-elle compétente sur ce dossier ? Au tribunal de grande instance de Paris, c’est le pôle génocide, créé en janvier 2012, qui est en charge du dossier. Pour l’heure, il s’agit d’abord de savoir si la justice française est compétente pour juger les responsables présumés de ces crimes contre l’humanité.
Pour cela, il faut qu’un Français ou un Franco-syrien figure parmi les victimes prises en photo. C’est ce que s’attachent à savoir les gendarmes de l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCHGCG), chargés d’enquêter sur les dossiers confiés au pôle génocide.
Créé en novembre 2013, l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCHGCG), a notamment pour mission de mener les investigations dans le cadre d’enquêtes confiées au pôle génocide du tribunal de Paris. La quinzaine d’hommes y travaillant a déjà enquêté sur des dossiers comme celui du génocide au Rwanda en 1994.