« Artefacts du passé by TAHE x KEN », c’est une des exposition les plus attendues de cette année 2021. D’une part, parce que Tahe, talentueux artiste plasticien touche-à-tout, n’avait plus exposé en galerie depuis six ans. Mais aussi par la présence de Ken, artiste en pleine éclosion formé au tournage sur bois et explorant lui aussi les origines du patrimoine polynésien. Un duo saisissant et ultra réussi exposé par la galerie Winkler jusqu’au 2 juin.
Le vernissage de l’exposition « Artefacts du passé by TAHE x KEN » était chaleureux et bien entouré, et pour cause ! Deux artistes polynésiens fortement attendus par les amateurs d’art qui exposent, jusqu’au 2 juin, 33 œuvres qui se font écho sur le thème du questionnement des origines de la mythologie polynésien.
Une pirogue à balancier avec le logo Redbull sur la voile (« Titiraina 2.0° »), une pirogue double traditionnelle transportant un container « China shipping » (« Faafaillite »), un tiki en bois aux airs de super-héros (« Once were warrior »), un tiki tricéphale confortablement installé dans une bouée licorne (« Tricéphale »), une baleine enfermée dans une bonbonne d’eau (« Message in a bottle »), voici un aperçu de l’étendue du savoir-faire en techniques mixtes de l’artiste à la renommée internationale Tahe, avec toute la dérision et l’acuité qu’on lui connaît.
Mais l’intitulé de l’exposition, on le doit à son binôme d’exposition, Ken, à l’origine de ce concept artistique depuis sa résidence d’un an au sein de l’école Escoulen spécialisée dans le tournage sur bois. « Si au départ les artefacts étaient simplement numérotés, c’est de retour au pays que j’ai décidé de les baptiser en fonction de valeurs et émotions qui me sont chères et qui me fascinent : le courage du voyage, la force de la lumière, la fragilité de l’amour ou encore l’accomplissement des rêves. » Naissent alors « Artefact de la terre », « la migration des rêves », et autres artefacts du souffle, du feu, de la foi. L’ensemble de ces artefacts reprennent des motifs de tatouages marquisiens en hommage à ses origines.
« Tourneur, dessinateur, pyrograveur, puis peintre »
Puis sont apparus les essais de textures, évoquant roche, carapace ou corail – le déclin d’une culture grignotée par le temps ? « Ce côté abrupt, l’effet pierre volcanique m’a plu. Et pourtant, ce n’est que du bois ! Il faut avoir 4 tours à son arc : être tourneur, dessinateur, pyrograveur, puis peintre. » Tout est bien sûr fait à la main. Ken annonce d’ailleurs d’ores et déjà que sa prochaine série se concentrera sur les motifs et les textures.
« La série Artefacts du passé parle du déclin des civilisations. Au même titre que les hiéroglyphes dans l’Égypte ancienne racontaient une histoire, je trouve que c’est la même chose aujourd’hui avec nos tatouages. On essaye de les déchiffrer mais on a quand même perdu une partie de leurs sens. On se sent un peu comme des archéologues face à ces motifs, on tente de recréer une histoire autour. Pour les artefacts, c’est la même chose, j’ai une lecture, chacun aura sa lecture en « archéologue » de la culture polynésienne. »
De même que lors de fouilles, on découvre des objets anciens dont l’utilité ou l’usage restent un mystère. Le tiki caché dans une statue asiatique semble dénoncer avec humour les méfaits du capitalisme. L’ogive de Ken est-elle un objet pour observer les étoiles ? Est-ce un bâton de parole ? Un objet de transmission ? Ken s’amuse des questionnements que ses œuvres peuvent susciter. « J’aime que les gens écrivent leur histoire autour de mes objets avec leur propre imagination. »
L’exposition vue par Vaiana Drollet, propriétaire de la galerie Winkler : « Je souhaitais frapper fort avec deux artistes très attendus »
Comme pour d’autres artistes exposés récemment, à l’image de Yiling Changues, j’ai découvert le travail de Ken sur les réseaux sociaux – qui sont désormais une source d’inspiration incontournable pour découvrir de nouveaux talents. Je l’ai donc découvert l’année dernière lorsqu’il a commencé à dévoiler ses « artefacts », justement. C’est quelqu’un qui venait régulièrement au vernissage à la galerie en amateur, mais je ne le savais pas artiste. Sachant qu’il revenait bientôt sur le territoire après sa formation de tourneur sur bois en France, je lui ai proposé cette exposition. Il m’est apparu intéressant de proposer un regard en duo associé avec le travail de Tahe. Tahe, quant à lui, a été exposé à la galerie à trois reprises en 2012 en duo avec HTJ, puis en 2013 et 2015 en solo. Ensuite, il est parti exposer à New-York, au Japon avec l’artiste Kanaky pour un Salon international d’art contemporain mais aussi à Paris. Cela faisait donc 6 ans que Tahe n’avait pas exposé à la galerie, et maintenant deux ans qu’on travaille à cette exposition ensemble. Je ne voulais pas laisser passer 2021 sans l’exposer et aujourd’hui le grand public se réjouit de retrouver enfin de nouvelles pièces [après ses œuvres exposées au Musée de Tahiti et des îles pour la grande exposition Fa’aiho, ta’u tufa’a, regards d’artistes contemporains » (novembre 2020 à avril 2021), ndlr]. Ken, Tahe. Deux artistes qui esthétiquement pouvaient vraiment bien fonctionner ensemble : je souhaitais réunir deux artistes plasticiens qui travaillent l’objet. Deux artistes très attendus aussi. À travers ses publications sur les réseaux, Ken a créé de l’engouement pour son travail. C’est un nouvel artiste, c’est sa première exposition à Tahiti, avec des œuvres que personne n’a encore vues ici, avec une démarche originale et contemporaine, et parallèlement Tahe, un artiste tant attendu depuis longtemps qui « sort du bois » – pour le jeu de mots. Un perfectionniste, méticuleux au processus créatif au temps long qui commence chaque travail artistique par une maquette élaborée. Je pense que cette exposition peut vraiment être un feu d’artifice. L’intitulé de l’exposition, « Artefacts du passé », fait donc se rejoindre les deux démarches artistiques. |
Exposition « Artefacts du passé » by TAHE x KEN
Jusqu’au 2 juin Galerie Winkler, 17 rue Jeanne d’Arc, Papeete Ouvert du lundi au vendredi, de 9 heures à 12h30 et de 13h30 à 17 heures., et le samedi de 8h30 à midi |