Radio1 Tahiti

« Fenua qui blanchit » : Mitema Tapati persiste et signe

Le représentant Tavini a confirmé et appuyé, dans une lettre adressée à Tahiti Infos, ses propos polémiques sur le « blanchissement » de la population du fenua, tenus dans l’enceinte de Tarahoi fin octobre. Des propos considérés comme de la « provocation à la discrimination raciale » par Édouard Fritch qui les avait signalés au procureur de la République, de même que ceux du ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia. Mitema Tapati semble prêt à s’expliquer devant la justice, même s’il dit n’avoir été informé, à ce stade, d’aucune procédure judiciaire à son encontre.

Pas de regrets, encore moins d’excuses. Dans une lettre adressée à Tahiti Infos, et dont Radio 1 a aussi été destinataire, Mitema Tapati assume les propos tenus en reo Tahiti lors d’une séance de l’assemblée du 26 octobre dernier. Leur traduction exacte en français variait selon les interprètes. « J’ai bien dit dans l’enceinte de l’Assemblée : « Si la France a noirci, notre fenua, lui, a blanchi », clarifie l’ancien pasteur dans cette missive en forme de droit de réponse. C’est bien une réalité pour que je vois. Faites le tour de Punaauia à Mahina, allez faire un tour dans les supermarchés, dans les restaurants ! Vous allez me dire dans quel pays où vous semblez être ? (sic) ».

« Le fait qu’une plainte soit déposée n’est pas un problème » assure le représentant Tavini qui semble donc prêt à s’expliquer devant des juges, comme l’avait d’ailleurs suggéré Tony Géros. Interpellé, plusieurs semaines après cet sortie en séance plénière, sur l’absence de sanction disciplinaire pour des propos jugés « racistes » par l’opposition, le président de l’assemblée avait estimé que c’était à la « justice de trancher ». Édouard Fritch avait saisi le procureur de la République dans la foulée de cette déclaration, le 22 décembre, comme l’avait révélé Tahiti Infos début janvier. L’ancien président a écrit au magistrat pour dénoncer ce qu’il estime être un « délit de provocation à la discrimination raciale ». Son courrier, qu’il demande au procureur de « considérer comme un dépôt de plainte » qui vise aussi Ronny Teriipaia. Interrogé début novembre sur les propos de Mitema Tapati, le ministre de l’Éducation avait en effet jugé, dans les colonnes de Tahiti Infos, qu’il ne s’agissait « pas de racisme » mais « de la réalité ». « On parle d’invasion quand la population autochtone n’est plus visible sur son territoire », avait-il ajouté, précisant : « En France, on dit bien qu’il y a l’invasion de toutes ces communautés arabes. C’est exactement pareil”.

Mitema Tapati dit aujourd’hui « ignorer complètement cette demande de condamnation », n’avoir reçu « aucune notification », même après avoir « consulté tous les huissiers de la place ». Ce qui parait dans l’ordre des choses, puisque c’est désormais au procureur de décider quelle suite à donner au courrier d’Édouard Fritch. L’élu indépendantiste demande tout de même à avoir accès à la lettre envoyée par l’ancien président au représentant du parquet.

Les déclarations d’intérêts d’Édouard Fritch, contre-feu mourant 

Dans sa réponse au signalement d’Édouard Fritch, Mitema Tapati dit envisager de porter plainte, en retour, contre l’ancien président, pour « abus de pouvoir, faux en écritures publiques », sans préciser la base précise de ces accusations. Mais aussi pour « non respect du délai de deux mois pour sa déclaration d’intérêts suite à son élection en tant que président de la Polynésie française » en 2018. Un retard qui avait été soulevé dès 2020 par un autre proche de l’église protestante, Yves Conroy. L’habitué des tribunaux avait constaté que, deux ans après l’élection, aucune déclaration n’avait été transmise à la Haute autorité pour la transparence de la Vie publique (HATPV) par le président du Pays, de même que par plusieurs de ses ministres et une demi-douzaine d’élus de l’assemblée, côté Tapura comme Tavini.

Après rappel à l’ordre du président de l’institution, ces élus avaient pour la plupart régularisé leur situation dans le courant de l’année. Pas suffisant pour Yves Conroy qui pour dénoncer l’absence de sanction pénale pour ces retards avait porté l’affaire devant le Conseil d’État. Un recours définitivement écarté par la juridiction administrative suprême, fin 2021. Mitema Tapati, lui, croit savoir que l’affaire « est toujours en cours devant le Conseil d’État », probablement au travers d’une demande de révision de décision qui n’a que très peu de chance d’aboutir.