Cette année, trois films sélectionnés évoquent spécifiquement des parcours de femmes : Bombardées, Merata: How Mum Decolonized The Screen et Ruahine: Stories Into Her Skin. Le festival compte sept réalisatrices sur les 25 représentants de films présents, ainsi que des films hors sélection et court-métrages où les parcours de femmes sont au centre des débats.
La violence faites aux femmes
Dans Bombardées, Florence d’Arthuys attaque un sujet « coup de poing », la violence faite aux femmes en Nouvelle Calédonie. Une femme sur cinq subit des violences conjugales, un tabou silencieux qui tue et dévaste les familles. « Pour l’avoir traité dans le monde, je trouve que les femmes ont un taux de résilience très, très élevé. »
Son documentaire Femmes sous emprise, de 2006, évoquait la spirale de la honte, de l’isolement, de la violence physique et psychologique qui annihile toute volonté. En 2018, Florence termine le tournage en Nouvelle Calédonie de Conduites Dangereuses et Naufrage qui examine les impacts de l’addiction au cannabis dans la société calédonienne. « J’ai pu toucher les liens entre la violence faite aux femmes et les addictions. Cela m’a donné l’idée de réaliser ce documentaire. » Un travail au long court où la jeune femme a dû affronter le silence, le tabou et la cruauté de la situation. « Elles mettent des années voire des vies à parler. » Un film d’une vérité rare qui touche le public « Une femme subissait des violences depuis 40 ans, c’est vraiment poignant de réaliser l’ampleur du phénomène. D’autant que les hommes ne réalisent pas forcément car ils mettent ça sur le compte de la coutume », rapporte Jean en sortie de salle.
Sur une note positive, Florence apporte la richesse des contenus et la place des femmes dans le monde audiovisuel océanien. « Les femmes ont une place plus importante ici que dans le microcosme parisien. »
Des femmes combattantes
Les femmes mā’ohi sont connues pour leur résilience et leur courage. Cette année, c’est le documentaire Merata: How mum decolonized the screen réalisé par son fils Heperi Mita qui retrace le parcours d’une combattante pour les droits des populations aborigènes et pour la condition féminine. Pour sa première fois en Polynésie, le jeune réalisateur est très fier d’être présent au Fifo. C’est un moment particulier pour lui de présenter un documentaire sur sa mère. « C’est intense et personnel de partager les secrets de notre famille. Et en même temps, c’est beau de voir combien le public est ému par le film. »
Femme réalisatrice aborigène, pionnière dans le monde audiovisuel et mère de 6 enfants, Merata Mita est une figure inspirante et reconnue pour son combat. Pour Heperi Mita, son parcours aux yeux du public est en décalage avec sa vision d’enfant.
« C’est drôle car en tant que fils, quand vous naissez dans cet environnement, c’est tout ce que vous connaissez. »
Ce film célèbre le difficile équilibre entre trajectoire professionnelle et vie familiale autour de la question essentielle de préserver sa famille sans sacrifier la qualité des relations avec ses enfants. Dans ce documentaire sensible et personnelle, la réalisatrice témoigne notamment de la difficulté d’être femme : « le problème était que je sois aborigène mais aussi que je sois une femme car il y avait très peu de femmes dans le monde audiovisuel. ». « J’étais bouleversé par ce film… J’ai découvert à quel point les populations avaient été martyrisées en Nouvelle Zélande et le fait que ce soit une femme qui porte leur cause, ça m’a beaucoup touché » témoigne Guillaume à la sortie du film.
Les gardiennes de la tradition
Plus traditionnel mais tout aussi puissant, le documentaire Ruahine: Stories Into Her Skin évoque la cérémonie traditionnelle où deux femmes reçoivent le moko kauae, le tatouage du menton. Poétique, intime, simple, ce documentaire appartient à un autre temps. Les femmes se font tatouer sous les regards de leur famille et la protection des ancêtres. Il rappelle la place sacrée de la tête et le destin de ces deux femmes membres de deux tribus différentes, les tribus Ngai Tara et Muāupoko. Aux sons des chants traditionnels et des dessins qui apparaissent sur la peau de ces deux femmes, le documentaire semble écrire cette culture océanienne qui cherche à exister et perdurer aux yeux du monde. Portée par Hiona Here, jeune femme moderne et élégante, la réalisatrice est très fière du chemin de son film qui a été diffusé au Canada au cours du Festival Asinabka.
D’autres films hors compétition comme Not Just Numbers, film australien qui témoigne des violences à travers la lutte des femmes Tangentyere, ou le court-métrage local Vaiora, adapté du scénario de Itia Paillard, gagnante du marathon du Fifo 2019, dressent le portrait de la réalité de la condition féminine océanienne où violences cohabitent avec combat, tradition et modernité.