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FIFO : Shot Bro, « mieux vaut pleurer que mourir »

Il compte parmi les neuf films en compétition. Shot Bro de la réalisatrice néo-zélandaise Jess Feast suit l’acteur Rob Makaraka en tournée autour d’Aotearoa. Cet acteur interprète un one-man-show qu’il a écrit et qui met en scène son propre suicide.

« En un sens se faire tirer dessus, survivre, est une bénédiction. Maintenant, je peux utiliser mon savoir et ma compassion pour aider ceux qui souffrent à ne pas en arriver là« , explique Rob Makaraka. Il affirme « mieux vaut pleurer que mourir ».

Rob Makaraka est un acteur maori qui avait fait la une des actualités de son pays en juillet 2009. Un soir, au journal télévisé, la présentatrice : « La police déclare avoir tiré sur l’acteur Rob Makaraka après qu’il se soit approché des agents avec un hachoir ». En réalité, ce fait divers est une mise en scène de l’acteur lui-même. Un suicide déguisé de celui qui se sentait être comme un « imposteur ». Rob Makaraka a passé un appel au 111 et a fait croire à l’intrusion d’un individu armé dans sa maison. Quand la police est arrivée, il est sorti armé se faisant passer pour l’intrus. Il a provoqué le drame, espérant mettre un terme à sa vie, et ainsi à ses souffrances.

Lorsqu’il s’est réveillé à l’hôpital, avec toutes ses perfusions et ses douleurs, ses premiers mots ont exprimé le regret : « Oh non, je suis encore vivant ! Quelle honte ! «  Tel a été son ressenti. Mais après les traitements, les opérations et une lente reconstruction, l’acteur a changé de point de vue : « désolé mauvais esprit, tu n’as pas eu ton homme, et c’est tant mieux  » !

Parler pour guérir

« Quand une personne se sent écoutée, qu’elle se sent entendue, qu’on ne porte pas de jugement sur elle, alors elle commence à guérir », constate Rob Makaraka. Voilà presque une dizaine d’années qu’il sillonne la Nouvelle-Zélande de temple en marae, de prison en école, pour libérer la parole au sein des communautés maori, là où de nombreux suicides ont lieu. Il a écrit un spectacle qu’il interprète avec tout son corps et tout son cœur. Un one-man-show qui décrit son propre suicide et détaille les outils qui lui permettent aujourd’hui de vivre.

Le fait d’avoir été abattu par la police a eu un effet révélateur pour Rob Makaraka. Il avait vu tant de Maori mourir ainsi avant lui. Pour eux, il s’est relevé. Il s’est donné pour mission de réduire les cas de suicides. Cela l’a aidé à se reconstruire, à tenir éloigné le mal qui guette. « Je veux que les gens qui souffrent sachent que ce n’est pas leur faute. J’ai moi-même compris que j’avais de la valeur, mais il m’a fallu 44 ans », répète-t-il à son public.

Son public, ému, troublé, choqué parfois, réagit à l’issue des spectacles. « La clé c’est l’amour ? » interroge l’un d’eux. C’est un homme abimé par la vie qui s’exprime. « La clé c’est s’aimer les uns les autres, mais d’abord, c’est s’aimer soi ? «  Acteur et spectateurs tombent dans les bras. Pour Rob Makaraka, le travail continue. « Les gens me donnent des leçons d’humilité en permanence. »

Un homme incroyable et puissant

Le documentaire Shot Bro a été réalisé par Jess Feast qui a l’habitude de passer beaucoup de temps sur les sujets qui lui importent. Elle a déjà fait un portrait de Berlin après la chute du mur, a filmé en Chine, aux États-Unis, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Elle a suivi Bob Makaraka pendant des mois dans sa ville natale de Whangārei, sur la route, dans la prison d’Invercargill, au marae de Tokorao, avec son public mais aussi avec sa famille et notamment avec sa sœur qu’il n’avait pas vue depuis dix ans et à qui il dévoile les origines de son traumatisme. Il confie, devant la caméra, avoir été abusé.

« Bob un homme incroyable et puissant », assure la réalisatrice. Il a été en quelque sorte « miraculé ». Quand elle l’a rencontré, même si elle avait eu connaissance du fait divers auparavant, il était déjà sur le chemin de la reconstruction. « Je ne voulais pas seulement parler de son expérience mais de la manière dont elle allait marquer la société. »

Le documentaire dure 52 minutes et pose la question de l’impact du show de Rob Makaraka. Il alterne entre scènes, trajets et confidences livrées en huis-clos. « Bob a été ouvert, il nous a fait confiance. » Les réactions du public prennent parfois un certain temps, elles sont souvent contenues, parfois bouleversantes. Elles encouragent les communautés à aborder le sujet, à se libérer. Elles encouragent Rob Makaraka à continuer, malgré la fatigue. Elles témoignent du bien-fondé de ces représentations peu ordinaires.

Ce sujet de société touche la Nouvelle-Zélande, mais la Polynésie française n’est pas épargnée. Le taux moyen annuel standardisé de mortalité par suicide en Polynésie est important (11,3 pour 100 000 habitants). Le suicide touche une population jeune (âge moyen de 32 ans) et principalement masculine. Depuis ces 20 dernières années, une tendance à la hausse est observée.

Pratique

Les neuf films en compétitions et les 11 films hors-compétitions seront accessibles jusqu’au dimanche 14 février, en accès payant. Tarif : 250 Fcfp à l’unité pour 24 h, 150 Fcfp avec la carte (500 Fcfp) Fifo lover. Le pass Fifo addict pour un accès à tous les films est à 3 500 Fcfp.

Les colloques, tables rondes, rencontres avec les réalisateurs sont également en ligne. Rendez-vous sur www.fifotahiti.com.

Vous pouvez voter pour vos films préférez directement sur la plateforme après le visionnage.

Des ateliers gratuits sont maintenus ne présentiel sur l’écriture de scénario et sur le reportage TV. Plusieurs créneaux sont prévus, ils ont lieu à la Maison de la culture. Inscriptions à assistantdg.fifo@gmail.com ou par téléphone au 89 32 61 86.