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Financement : pourquoi le FN est inquiété par la justice

L’ESSENTIEL – La justice enquête sur plusieurs campagnes du parti de Marine Le Pen. Cinq personnes sont déjà mises en examen.

C’est une épine dans le pied de Marine Le Pen qui ne cesse de prendre du volume : l’affaire des « kit de campagne ». Cinq personnes physiques (dont une mercredi dernier) et une personne morale sont déjà mises en examen dans ce dossier, qui concerne le financement de plusieurs campagnes du FN. Une information judiciaire contre X pour « escroquerie en bande organisée » et « faux et usage de faux » a également été ouverte le 3 avril concernant « Jeanne », le micro-parti de soutien à Marine Le Pen.

>> En quoi consiste ce dossier ? Qui sont les protagonistes ? Marine Le Pen y est-elle mêlée ? Explications.

Riwal vend les kits à « Jeanne »… L’affaire démarre en 2013, lorsque la Brigade financière de la police judiciaire parisienne ouvre une enquête sur « Jeanne », après un signalement auprès des autorités de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Les deux principaux acteurs du dossier sont Riwal, une société de communication officiant pour le FN, et « Jeanne », donc. Riwal, dirigée par Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et ancien leader du GUD (extrême droite) est soupçonnée d’avoir surfacturé des « kits de campagne » (des lots d’affiches, de tracts, photos etc) à « Jeanne ». Riwal aurait ainsi, avec l’accord de « Jeanne », largement gonflé les prix de ces prestations par rapport à ceux du marché. Les enquêteurs se demandent si ces deux structures ne se sont pas mises d’accord sur un système ingénieux pour écouler ensuite ces « kits » à prix d’or.

… « Jeanne » vend les kits aux candidats, qui s’endettent auprès de « Jeanne »… Les enquêteurs s’intéressent principalement à la campagne des départementales de 2011, et celle des législatives de 2012. Le FN aurait obligé les candidats à ces élections à se fournir en kits de campagne auprès de « Jeanne », sous peine de ne pas recevoir l’investiture du parti. « L’investiture du FN n’est validée qu’après signature du bon de commande relatif au kit de campagne », peut-on lire dans une note qui aurait été adressée à l’époque aux secrétaires départementaux, citée par Libération ou encore dans le magazine « Complément d’enquête » de France 2.

Or, selon certaines sources citées par Libé, France2 ou encore l’AFP, pour acheter le fameux kit à « Jeanne », les candidats devaient contracter un prêt… auprès de cette même « Jeanne », avec des taux d’intérêt salés (entre 6 et 7%). « On nous dit signe. On nous explique pas à quoi ça sert », témoigne par exemple une ancienne candidate dans « Complément d’enquête« . Une « méthode stalinienne », dénonce encore un ancien membre.

… Et au final, c’est l’Etat qui rembourse. Grâce à ces taux d’intérêt, « Jeanne », qui ne compte quasiment aucun adhérent, aurait pu dégager des recettes de huit millions d’euros pour la seule année 2012, selon France 2. La plupart du temps, tous les prêts contactés par les candidats dans le cadre d’une élection sont remboursés par l’Etat, et donc par le contribuable, au titre du remboursement des frais campagnes. S’ils font moins de 5% des voix aux élections, c’est le candidat qui paye de sa poche. D’où l’impression pour certains de « s’être fait rouler » dans cette affaire.

Qui sont les différentes personnes mises en examen ? Le patron de Riwal, Frédéric Chatillon, a été mis en examen le 9 avril pour « financement illégal de parti politique », escroqueries lors des législatives et de la présidentielle de 2012, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et blanchiment. Riwal a également été mis en examen en tant que personne morale.

Frédéric Chatillon et Axel Loustau © Capture d’écran France 2

Sighild Blanc, 32 ans, proche de Frédéric Chatillon, a également été mise en examen mercredi dernier, pour abus de biens sociaux, recel et blanchiment d’abus de biens sociaux. Elle est associée dans la société Unanime, une agence de communication liée à Riwal. Unanime a par ailleurs travaillé pour le FN lors de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2012, selon des factures dont l’AFP a eu connaissance.

Le trésorier de « Jeanne », Axel Loustau, qui a aussi été actionnaire de Riwal, et son prédécesseur, Olivier Duguet, sont aussi mis en examen dans ce dossier. Nicolas Crochet, un expert-comptable proche de Marine Le Pen, qu’il a conseillée, a également été mis en examen pour complicité d’escroquerie lors des législatives de 2012, financement illégal de parti politique et blanchiment d’abus de biens sociaux. Aujourd’hui commissaire au compte, c’est lui qui avait certifié les comptes de campagne des candidats FN aux législatives de 2012.

© JEFF PACHOUD / AFP

Comment réagit Marine Le Pen ? Sans jamais vraiment s’exprimer dans le détail sur le fond, la présidente du FNassureque toutes les campagnes du FN ont été financées en toute légalité. « Il y a une volonté absolument farfelue d’attraire mon nom dans une affaire judiciaire », a-t-elle réagi le 11 avril dernier auprès de l’AFP. « Tout cela se terminera comme à chaque fois par un non lieu ou une relaxe dans quelques mois, mais la calomnie aura rempli son rôle », twittait-elle encore le 15 avril.

Pour l’heure, la présidente du FN n’est pas inquiétée par la justice. Son nom n’apparaît en effet pas dans les statuts du micro-parti. Contacté par L’Express le 15 avril, son avocat Wallerand de Saint-Just se disait confiant. « Je ne sais pas ce qu’ils cherchent. Ca me paraît être la persécution habituelle du Front national. On a ce genre de trucs perpétuellement en début de campagne électorale ».

Source : Europe 1