Le gouvernement Brotherson juge que les avantages fiscaux accordés aux véhicules « verts » sont « excessifs » au regard de leur intérêt écologique réel. Il propose donc, dans le projet de budget 2024, de remplacer par des taux réduits les exonérations, qui seront réservées aux électriques et hybrides les plus petites et les moins puissantes. Une réforme dont le Pays espère tirer 719 millions de francs de rentrée fiscales supplémentaires.
Les représentants des concessionnaires s’en étaient déjà inquiétés lors de la dernière séance du Cesec. C’est confirmé dans le projet de budget primitif 2024, transmis ce matin aux élus de Tarahoi, et qui sera débattu les 7 et 8 décembre prochain en plénière de l’assemblée. Le gouvernement y propose de revenir sur les avantages fiscaux accordés aux véhicules hybrides et électriques. Exonération de certains droits d’import, exonération de TVA et de taxe de mise en circulation (TMC)… Ce régime très avantageux avait été mis en place pour la première fois en 2014 pour « réduire la dépendance de la Polynésie aux énergies fossiles« . De quoi faire décoller leur part de marché ces dernières années : les hybrides et électriques représentaient 17% du parc automobile polynésien l’année dernière.
Mix électrique trop carboné
Mais près de 10 ans après les premières « primes vertes », alors que l’empreinte carbone du pays n’a cessé d’augmenter et qu’un nouveau plan climat est en préparation, le gouvernement Brotherson a commandé à la Direction polynésienne de l’Énergie (DPE) une étude sur les avantages environnementaux réels des électriques et hybrides. Et les résultats n’iraient pas en leur faveur : ces véhicules « ne permettent pas de réduire de façon significative la consommation de gazole et les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux véhicules thermique », écrit l’exécutif dans l’exposé des motifs du projet de budget 2024. La faute aux mix électrique polynésien « encore majoritairement carboné », avec environ 70% de l’électricité produite par des énergies fossiles. Bref, pourquoi rouler en électrique, quand la production d’électricité pollue ?
Les défenseurs des voitures électriques et hybrides pourraient avancer que le mix électrique est en évolution rapide – plusieurs grandes fermes solaires sont en construction à Tahiti, et les projets pullulent aussi dans les îles – et que certains – encore peu nombreux – profitent de leurs propres panneaux solaires pour recharger leur véhicule. Le gouvernement ne relaie d’ailleurs pas dans le document les chiffres de l’étude de la DPE : il conclut seulement que les avantages fiscaux aux véhicules « verts » sont aujourd’hui « excessifs au regard des retombées en termes de décarbonation ». Les concessionnaires ont déjà levé leur bouclier : la suppression des exonérations, ont-ils prévenu au Cesec, pourrait faire bondir de 30 à 40% le prix de ces véhicules.
Priorité aux véhicules de moins de 4 CV
Mais ça n’est pas une suppression complète des avantages que prévoit le gouvernement, qui relève que l’Europe – et toute une partie du monde – s’est engagé vers la fin des moteurs thermiques à l’horizon 2030. L’analyse de la DPE suggère en outre, comme toutes les études internationales, que la lutte contre les émissions implique surtout de « privilégier les véhicules de faible puissance, nécessitant moins d’énergie pour se déplacer ». Il s’agit « d’adapter » la fiscalité. L’exécutif propose à l’assemblée, d’une part, de rétablir sur ces véhicules verts une TVA au taux réduit de 5%, de leur appliquer un taux réduit de TMC de 3%, et d’exonérer de cette même TMC les plus petits véhicules, qui ne dépassent pas les 4 chevaux fiscaux. Côté droits d’importation, ce sera au conseil des ministres de retirer les hybrides et électriques de la liste des exonérations. Là encore, elles devraient être « partiellement » maintenues, pour les véhicules de moins de 4 CV. La fin du « paradis » fiscal, mais pas la fin des avantages.
[MàJ 15/11] : Ddans sa lettre d’intention jointe au projet de budget, le gouvernement estime à 719 millions de francs de rentrée fiscales supplémentaires les effets de cette réforme.
D’autres exonérations sucrées par le nouveau budget
Le projet de budget primitif 2024 contient beaucoup d’autres réorientations fiscales, et notamment des remises en cause d’exonérations, d’allégements et d’avantages fiscaux. Ainsi, s’il est voté en l’état, les société hôtelières ne pourront plus se soustraire à la contribution supplémentaire à l’impôt sur les bénéfices (CSIS), les dividendes des sociétés civiles et en nom collectif seront elles aussi soumises à l’IRCM, les cessions d’actions de SCI propriétaires d’immeubles seront taxées de la même façon que les cessions d’immeubles… Quant aux établissements financiers et de crédits, qui devaient bénéficier, au titre d’une réforme lancée en 2022 d’une réduction progressive, du taux d’impôt sur les sociétés vers le taux commun de 25%, resteront finalement à 35%. Les conditions mises sur la table par Yvonnick Raffin – la signature d’une convention prévoyant la baisse des taux d’intérêt et l’assouplissement des conditions d’octroi des prêts – étaient quoiqu’il arrive inapplicables, précise le gouvernement. |